Pour être un peu provocateur, je dirai que la force de l'accord de Paris réside dans son caractère non contraignant. Cet accord est, pour une fois, crédible car il repose sur le volontariat, seule méthode pour garantir un accord dynamique.
L'échec du protocole de Kyoto prouve qu'un accord contraignant, qui n'est pas assorti des moyens de le faire respecter, ne sert à rien. L'accord de Paris a évité cet écueil.
L'accord de Kyoto reposait sur le principe d'une responsabilité commune mais différenciée. Ce principe est juste sur le fond mais inapplicable pour répartir l'effort entre pays émergents, pays en voie de développement et pays industrialisés.
La logique de l'accord de Paris, qui est probablement la seule crédible, est autre : elle s'appuie sur ce que chacun est prêt à faire. Les États mettent sur la table leur contribution – il en manque aujourd'hui une dizaine. Mais l'addition des contributions aboutit à un scénario de réchauffement de trois degrés, c'est-à-dire celui dans lequel les sociétés ne survivront pas. Ce n'est donc pas suffisant.
L'accord de Paris est crédible en ce qu'il s'appuie sur le volontarisme des États mais aussi parce qu'il prévoit un processus de réévaluation régulière des engagements. La première réévaluation aura lieu en 2018, deux ans avant la mise en oeuvre de l'accord de Paris, ensuite elle interviendra tous les cinq ans. L'accord dispense dans les prochaines années de se remettre autour d'une table pour définir le cadre de négociation. Cette question est derrière nous. Désormais, l'enjeu est de faire en sorte – c'est relativement simple – qu'en 2018, les États ayant pris des engagements à Paris annoncent qu'ils sont capables de faire mieux, laissant espérer un scénario de hausse de la température de 2,8 degrés, et qu'en 2023, les mêmes reviennent encore plus motivés et nous proposent un scénario à 2,5 degrés, et ainsi de suite pour arriver à rentrer dans les clous des deux degrés à dix ou vingt ans, voire à une élévation de la température de 1,5 degré. Parmi les points importants, l'accord de Paris a le mérite de remettre dans la perspective le scénario à 1,5 degré qui est le seul à limiter vraiment la casse pour les États.
Comment faire ? On connaît les sources d'émission de gaz à effet de serre : notre vie quotidienne, les process industriels, les process énergétiques, les grands choix agricoles. Il est essentiel d'agir, secteur par secteur, très rapidement afin de permettre aux États de s'appuyer non pas seulement sur leurs bonnes intentions mais aussi sur les dynamiques de ces secteurs pour réévaluer leur contribution. C'est dans ce cadre simple – certains diront simpliste – que s'inscrit l'action des acteurs non étatiques.
Porte-parole climat de la principale organisation mondiale de collectivités territoriales, je suis convaincu que l'action territoriale sera centrale.
À Lyon, en juillet dernier, lors du sommet mondial climat et territoires que j'avais coprésidé avec Bernard Soulage, le vice-président de la région Rhône-Alpes, nous avons mis sur la table des propositions. Des territoires, forts de leur expérience d'action sur l'habitat, la mobilité et la planification urbaine, se sont engagés formellement à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre à travers plusieurs dynamiques mondiales : le pacte des maires européens, le Compact of Mayors, la coalition des grands États nord-américains – Western Regional Climate Action Initiative (WCI). Pour 2020, les engagements représentent environ 2 gigatonnes de réduction d'émissions par rapport au scénario du laisser-faire, soit 13 % de la population mondiale. Si on réussissait à généraliser ces engagements, on dépasserait les 8 ou 9 gigatonnes de réduction d'émissions en 2020, ce qui correspond à la limite indiquée par le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) pour être dans le scénario des deux degrés. Nous serions donc dans les clous du GIEC. Nous ne sommes pas condamnés à ce que j'appelle le climato-fatalisme. Il est encore possible et crédible d'atteindre cet objectif d'une hausse de la température limitée à deux degrés.
Les autres dynamiques à l'oeuvre sont celles des énergies renouvelables : il ne vous a pas échappé qu'aujourd'hui, l'investissement dans ces énergies dans le monde est bien supérieur aux investissements dans les autres énergies. Mais à quelle vitesse le monde va-t-il s'organiser autour d'une production énergétique totalement adossée aux renouvelables ? Le nucléaire n'est pas un sujet à l'échelle mondiale, nous le savons tous. La question de la sortie du fossile et du charbon reste entière puisque cette source d'énergie est encore très concurrentielle, faute de pouvoir taxer le carbone.
Les différentes dynamiques – les territoires dans leur capacité d'organisation de la vie quotidienne et l'énergie – permettent de croire à un scénario favorable.
L'enjeu est d'amplifier et d'accélérer l'action, en répondant à cette question cruciale : peut-on trouver assez de financements à l'échelle mondiale pour accélérer une transition, qui, sur le papier, n'est pas encore suffisamment financée ? Pour ce faire, il faut lier les financements du climat et ceux du développement. En 2015, il n'y a pas eu une seule négociation mais deux, les objectifs de développement durable en septembre et la négociation sur le climat en décembre. C'est la même histoire. C'est en utilisant l'argent du climat au profit du développement que nous aiderons les pays en développement, qui vont émettre de plus en plus de gaz à effet de serre, avec un développement urbain massif, notamment en Afrique si nous ne les accompagnons pas. Cet accompagnement dans une transition écologique concomitante du développement est indispensable si nous ne voulons pas que nos efforts de réduction soient annulés par l'explosion des émissions dans d'autres pays.
Un événement extrêmement important va se dérouler à Nantes, du 26 au 28 septembre, le climate chance, sommet mondial des acteurs du climat, qui, pour simplifier se veut un peu la « pré-COP non étatique ». Cette réunion démontre qu'à côté de la négociation des États, la société civile, dans sa diversité, est capable de discuter. À Lyon, un texte a été signé par les réseaux mondiaux de collectivités territoriales, mais aussi par les organisations mondiales de syndicats, par des grands réseaux d'ONG comme le Climate action network et des grands réseaux d'entreprise. La société civile mondiale est en mouvement ; elle est capable de définir des consensus et des priorités afin d'indiquer aux États la voie à suivre.
Je vous ai livré une vision un peu optimiste du monde, mais c'est dans ma nature. (Sourires) Il est encore possible de rester dans le scénario des 2 degrés, voire de revenir vers 1,5 degré. Il s'agit maintenant d'accompagner rapidement, notamment financièrement, les dynamiques d'acteurs.