Intervention de Anne Chassagnette

Réunion du 30 mars 2016 à 9h00
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Anne Chassagnette, directeur de la responsabilité environnementale et sociétale de Engie :

Vous le savez, Engie s'est fortement impliquée lors de la COP21. Nous sommes très heureux du succès des négociations à Paris.

Aujourd'hui, les entreprises sont convaincues de la nécessité de la lutte contre le changement climatique. Elles la prennent en compte en termes de risques et d'opportunités dans leur business model. Elles sont également une source de propositions pour l'élaboration de cadres favorables à une transition vers une économie bas carbone.

Que retenons-nous de cet accord ? Nous sommes particulièrement contents de la reconnaissance de signaux prix carbone, c'est-à-dire de la nécessité de donner un prix au carbone. Pour les acteurs économiques, le prix du CO2 est une composante déterminante du choix entre un investissement bas carbone et un investissement plus fossile.

Nous jugeons également très positive la mise en place d'un processus dynamique, avec un renforcement régulier des efforts. Nous nous félicitons de la reconnaissance du rôle joué par les acteurs non étatiques. Je cite quelques-unes des nombreuses initiatives : le manifeste pour le climat signé par trente-neuf grands groupes français et l'annonce d'investissements très lourds dans le bas carbone et le renouvelable ; le business dialogue qui était un échange entre une quarantaine de grands groupes internationaux et les négociateurs tout au long de la préparation de la COP21 qui va se poursuivre cette année ; l'initiative « Térawatt » que nous avons lancée dont l'objectif est de développer un térawatt de capacité solaire additionnelle d'ici 2030.

Je retiens aussi les initiatives de la communauté financière – cette implication, assez nouvelle, mérite d'être soulignée. Certains fonds d'investissement ou des banques comme Norges, Bnpparibas, Axa, la Caisse des dépôts et consignations, ont pris des engagements et réorienté leurs activités.

Il faut noter aussi l'engagement des citoyens. Nous avons été partenaires du débat citoyen planétaire sur le climat et l'énergie. Nous avons lancé un débat au sein de notre groupe qui compte 150 000 salariés. Nous sommes tous acteurs de la question climatique – gouvernements, entreprises, collectivités, citoyens.

Nous sommes conscients du défi et des efforts qui restent à accomplir, en particulier dans le secteur énergétique.

L'énergie, en termes de consommation et de production, est à la source de 60 % des émissions mondiales de CO2. Nous sommes donc particulièrement concernés.

Les sociétés travaillent sur une forte réduction de leurs émissions et vont poursuivre ce travail. Engie vise, par exemple, un effort de réduction de 10 % de son taux d'émissions à l'horizon 2020. Nous sommes déjà 20 % au-dessous de la moyenne mondiale.

Nous nous étions fixé l'objectif d'augmenter notre capacité de production électrique renouvelable de 50 % entre 2009 et 2015 – nous avons finalement réussi à atteindre 60 %.

Engie ambitionne d'être le leader de la transition énergétique. Nous sommes déjà leader de l'éolien et du solaire en France et deuxième pour l'hydraulique. Nous nous fixons l'objectif d'ici trois ans au niveau mondial que 90 % de notre résultat opérationnel provienne d'activités bas carbone.

Nous avons pris des décisions fortes l'année dernière, notamment d'arrêter les nouveaux projets charbon. Nous avons depuis fermé deux centrales et nous en avons cédé deux autres. Nous réalisons un gros travail sur notre portefeuille, mais nous ne pouvons pas aller trop rapidement, car le charbon est encore la source de plus de 40 % de la production mondiale d'électricité.

Nous proposons des solutions à nos clients sur la réduction des émissions de CO2, avec de nombreuses offres sur les territoires. Ainsi, quarante-deux partenariats « Terr'inove » couvrent deux millions d'habitants en France. Nous travaillons sur de nouvelles solutions gaz comme le biogaz, le transport routier et maritime au gaz naturel pour les véhicules (GNV) – le gaz est deux fois moins émetteur que le charbon.

Je conclus mon propos par quelques propositions pour aller plus loin qui nous semblent importantes. En premier lieu, il faut continuer à travailler sur la généralisation d'un prix du carbone. Ce prix n'existe pas partout dans le monde. En France, nous sommes plutôt bien lotis. Au niveau européen, le prix n'est pas assez élevé, d'où notre lobbying au sein du groupe Magritte qui réunit des énergéticiens européens pour demander une hausse du prix. Il est paradoxal que des entreprises, qui traditionnellement sollicitent des subventions, demandent à payer le carbone. Mais celles-ci ne souhaitent pas avoir à faire face aux conséquences du changement climatique qui serait catastrophique pour la planète, et donc pour l'économie. Nous soutenons la réforme du marché des quotas européens – EU emissions trading system (ETS). Nous pensons également qu'il faut renforcer les engagements des acteurs et leur suivi : la plateforme NAZCA a été mise en place à cet effet, il faut continuer dans cette voie.

Les travaux sur la transparence des émissions sont importants. Celle-ci existe dans les entreprises qui doivent répondre à de nombreuses questions sur leurs émissions. En la matière, il faut souligner le rôle du Carbon disclosure project (CDP).

Un sujet nous tient également à coeur : l'accès à l'énergie ; plus d'un milliard de personnes n'ont pas accès à l'énergie. Cette thématique importante n'a pas tellement trouvé d'écho à Paris, espérons que ce ne soit pas le cas pour la prochaine COP, d'autant qu'elle se déroule sur le continent africain. Il est important de travailler en partenariat avec les territoires africains. Engie développe beaucoup de projets au Maroc et en Afrique.

Concernant le financement, les modalités d'attribution des crédits du Fonds vert pour le climat, implanté en Corée, ne sont pas très claires. Comment les entreprises françaises peuvent-elles accéder à ces fonds ?

L'innovation en matière financière doit être poursuivie. Les green bonds – obligations vertes –, par exemple, qui étaient à l'origine émis par des institutionnels, comme la Banque européenne d'investissement, sont désormais dirigés vers les entreprises. Engie a émis le plus gros green bond, d'un montant de 2,5 milliards d'euros.

J'ai évoqué le business dialogue, qui était coanimé par Laurence Tubiana et Gérard Mestrallet. Les entreprises ont apprécié ce dialogue avec les négociateurs, et inversement les négociateurs se sont nourris des discussions avec les entreprises. Nous sommes là pour travailler avec les gouvernements, pour traduire leurs engagements dans les politiques sectorielles.

Nous sommes très contents de cet accord. Il faut maintenir la mobilisation de tous les acteurs. Les entreprises demandent un cadre lisible pour réaliser leurs investissements. Une société comme Engie, dont les investissements s'inscrivent dans le long terme, a besoin d'un cadre, d'un prix du CO2 et de décisions concrètes pour aller de l'avant après cet accord de Paris.

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