L'histoire dira si 2015 est l'année du basculement. À écouter le dépit de certains, on finirait par penser que cet accord est vraiment extraordinaire. Entendre les représentants du parti des gaz de schiste – dont le président considère que l'environnement « ça commence à bien faire » et regrette d'avoir signé le pacte écologique –, venir ici donner des leçons en matière d'écologie et de respect des engagements en matière de gaz à effet de serre, c'est assez amusant. Le dépit doit être profond (Murmures sur les bancs du groupe Les Républicains).
Je pense que cet accord est très important mais il n'a été possible qu'à la faveur du basculement qu'a connu l'année 2015 à bien d'autres égards. Le premier basculement est lié au croisement des courbes de prix des énergies – la baisse du coût des énergies renouvelables et l'augmentation du prix des autres énergies. L'année 2015 aura été la première année où les investissements nouveaux en matière énergétique auront majoritairement concerné les énergies renouvelables.
Le basculement concerne aussi la finance : les investisseurs prennent conscience que les investissements dans des centrales à charbon ou des mines de charbon ont peu de chance d'être rentables, compte tenu des suites qui seront données aux accords sur le dérèglement climatique.
Enfin, le basculement s'observe dans les collectivités locales. Des milliers de collectivités locales s'engagent en faveur du 100 % énergies renouvelables. Mais, plus généralement, de nombreuses initiatives laissent à penser que nous sommes peut-être à ce moment où la communauté internationale – même s'il eut été préférable que l'accord soit contraignant – bascule. Je pense que l'accord de Paris n'est pas principalement juridique mais politique : il donne le signal d'un engagement de l'ensemble de la communauté internationale. Monsieur Pancher, avec ce que nous avons connu à Copenhague, j'ai du mal à croire qu'un échec à Paris aurait été un électrochoc ; je pense au contraire qu'il aurait entraîné plus de désespérance.
Désormais, seule la mise en oeuvre compte évidemment. L'engagement européen n'est pas au niveau, notamment si l'on veut limiter la hausse des températures à 1,5 degré. Il faut renforcer les directives en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, d'efficacité énergétique, de développement des énergies renouvelables.
En France, la programmation pluriannuelle de l'énergie doit être à la hauteur de la loi relative à la transition énergétique et des engagements de la COP de Paris – elle nous engage en tant que Français – à la fois sur la production énergétique et sur la mobilité ; celle-ci pèse dans nos émissions de gaz à effet de serre, il faut aller vers des véhicules plus sobres et plus propres.
Quel est votre avis sur la proposition, portée notamment pas les Brésiliens et un certain nombre d'États pendant la COP et qui a été inscrite dans le document final, de « positive pricing » ? Elle repose sur l'idée, qu'à défaut de prix universel du carbone pour le moment, il serait judicieux de donner une valeur économique à la réduction des émissions de carbone. C'est beaucoup plus simple à mettre en place car il n'est pas nécessaire d'impliquer tous les pays. Comment cette dynamique pourrait-elle s'enclencher d'ici la COP22 ?