Je m'en excuse par avance, mais je ne pourrai pas répondre à toutes vos questions, très riches et intéressantes.
En ce qui concerne le prix du CO2, je veux saluer les travaux de la Banque mondiale, qui aide les États à mettre en place des mécanismes de tarification du carbone, qu'il s'agisse de marchés ou de taxes. En France, Mme Ségolène Royal a proposé à l'Union européenne la création d'un corridor afin de renforcer le prix du carbone. De fait, pour qu'une telle mesure ait un véritable impact sur le climat, il faut agir au niveau européen, et non national. Or, c'est très difficile, car certains États européens sont opposés au prix du CO2. En effet, celui-ci entraînerait un renchérissement du coût de l'énergie et aurait des effets sociaux dans les pays émergents ou dans ceux qui, en Europe, sont très focalisés sur le thermique. Toutefois, les entreprises qui ont intégré la dimension climatique se battent en faveur d'un prix du CO2, qui permettrait d'aller vers une économie bas carbone, finalement moins risquée pour les entreprises.
Par ailleurs, le renouvelable est désormais compétitif : il peut, dans de nombreuses régions du monde, notamment en Afrique, où la source d'énergie est très abondante, se passer de subventions. Ainsi, ENGIE a choisi d'investir dans des projets rentables. Grâce aux évolutions technologiques et à la diminution des coûts, notamment des panneaux solaires, nous pouvons désormais donner accès à l'énergie. Nous travaillons donc beaucoup sur cette question, qui peut être abordée lors de la conférence de Marrakech, laquelle devrait, du reste, traiter également la thématique des femmes car l'Afrique est très concernée.
Oui, les territoires se réapproprient les questions énergétiques et veulent des solutions concrètes. Donc la gouvernance évolue, et la décentralisation se développe. Ainsi, l'organisation d'ENGIE a été modifiée le 1er janvier dernier ; elle est désormais très décentralisée et pensée de manière géographique.
Par ailleurs, il est vrai que les différents types de carbone ne se valent pas. Nous travaillons beaucoup, quant à nous, sur la thématique du biogaz. Ainsi les déchets de la région parisienne permettent de générer du biogaz qui alimente ensuite les bus de la RATP. Ce type de cercles vertueux peut tout à fait être développé, notamment en France.
L'opinion publique joue en effet un rôle-clé. Dans le domaine de l'énergie, on assiste à une véritable révolution sociétale : le consommateur veut décider de ses choix énergétiques et être producteur d'énergie. Nous avons d'ailleurs de nombreux liens avec la société civile, les citoyens et les ONG, avec qui nous entretenons un dialogue permanent. Les sondages montrent que les salariés attendent de leur entreprise qu'elle ait un impact positif sur la société. Quant à la société civile, elle attend beaucoup plus des grandes entreprises que des hommes politiques. Notre rôle à nous est donc d'être actifs, d'être force de proposition et d'assumer cette responsabilité.
Peut-être les PME donnent-elles moins de la voix et ont-elles moins d'équipes qui consacrent du temps à la problématique du climat, mais elles ne sont absolument pas absentes sur le terrain. Nous sommes, du reste, partenaires de certaines d'entre elles, notamment dans le domaine de l'innovation et des nouveaux business model correspondant à la problématique du climat. Les PME s'investissent donc beaucoup. Elles sont notamment présentes au Global compact de l'ONU, qui réunit ces entreprises autour des thèmes de la responsabilité sociale et environnementale et du climat. Elles sont très actives et très demandeuses car leurs salariés souhaitent vraiment des évolutions positives dans ce domaine.
En ce qui concerne plus particulièrement la responsabilité sociale et environnementale, nous sommes très conscients de notre rôle et nous travaillons beaucoup sur la transparence, voire sur l'intégration, qui consiste à fonder nos décisions opérationnelles d'investissement sur des critères qui ne sont pas uniquement économiques mais aussi environnementaux et sociaux. Nous sommes engagés dans cette démarche, et nous publions, depuis l'année dernière, un rapport intégré qui témoigne de cette démarche auprès de nos partenaires. S'agissant du devoir de vigilance, je serai très prudente. Les entreprises doivent être volontaires en la matière. Imposer trop de contraintes aux entreprises françaises nuirait en effet à leur compétitivité par rapport aux entreprises des autres pays. Je ne pense donc pas qu'il faille légiférer sur ces questions, mais plutôt inciter les entreprises à s'améliorer.