Si je devais résumer le sentiment de Réseau action climat sur l'accord de Paris, je dirais qu'il aurait pu être bien pire mais qu'il aurait dû être bien meilleur… Mais nous sommes ici pour parler de l'après-COP21.
En ce qui concerne la ratification de l'accord, le principal enjeu ne réside pas, selon moi, dans la position des États-Unis ou celle des autres grands États émetteurs, qui ont annoncé qu'ils ratifieraient dans les prochains mois, mais bien dans celle de l'Union européenne, puisque la Pologne souhaite que tous les détails de la politique climat-énergie européenne soient précisés et votés avant une ratification. Je suis donc favorable à une ratification par l'Union européenne en tant que telle avant une ratification individuelle. Il faut néanmoins avancer sur les différentes législations européennes qui mettront en oeuvre la contribution de l'Union européenne à la COP21 et qui viseront à la dépasser. Nous devons ainsi inclure dans la législation européenne le principe d'une révision tous les cinq ans, qui n'est pas actuellement présent dans les projets de la Commission.
Par ailleurs, où en est-on du financement des pays du sud et du Fonds vert ? L'an dernier, le gouvernement français a commandé à l'OCDE une étude qui retrace l'ensemble de ces financements, au-delà du Fonds vert, qui n'en regroupe qu'une petite partie : les États développés comptabilisent aussi des prêts, des financements via les agences bilatérales et, dans certains cas, les crédits à l'export. Ce rapport a été contesté par de nombreux pays en développement. L'enjeu de la COP22 est donc de parvenir à un meilleur équilibre entre les demandes de ces pays et les chiffres de l'OCDE. On atteindra probablement 100 milliards en 2020, mais la part dépensée sous forme de dons, notamment en faveur de pays les plus vulnérables qui n'attirent pas les investissements privés, doit augmenter, en particulier pour l'adaptation aux impacts du changement climatique. Aujourd'hui, ces dons ne représentent qu'une infime partie des financements climat.
De nombreuses questions ont porté sur le prix carbone et sur les blocages qui existent dans ce domaine. Il est évident que certaines entreprises ne souhaitent pas que ce prix augmente eu Europe. Un prix carbone européen serait certainement plus efficace en termes d'impact sur le climat, mais on ne peut pas attendre l'Europe, quand le prix du pétrole est au niveau actuel. Quels sont les secteurs qui bloquent actuellement une évolution dans ce domaine ? Il s'agit du secteur industriel, notamment les cimentiers, qui demandent toujours plus de subventions et de crédits carbone gratuit, alors qu'ils sont largement bénéficiaires du système européen d'échange de quotas, de sorte qu'ils sont assis sur un stock de quotas qu'ils n'ont pas utilisés et qu'ils pourront revendre.
Avant d'inciter à mener une action positive de réduction des gaz à effet de serre, il faudrait arrêter d'investir de l'argent public dans les activités qui sont à l'origine du changement climatique. C'est le premier chantier auquel vous devez vous attaquer, en tant que parlementaires, avant 2020. En Europe, on ne peut pas continuer à subventionner les énergies fossiles. Or, on les subventionne plus dans les pays de l'OCDE que dans les pays en développement. Je pense notamment à l'exploration des nouvelles sources d'énergie fossile, y compris en eaux profondes. Une réforme rapide est nécessaire dans ce domaine, si nous voulons envoyer les bons signaux économiques. Du reste, le fait que les énergies renouvelables se développent aussi vite est assez exceptionnel ; cela montre bien qu'elles sont compétitives car les énergies fossiles sont beaucoup plus subventionnées.
La mobilisation de l'opinion publique, en particulier des jeunes, est un grand défi. Pour les organisations de la société civile telles que la nôtre, il s'agit de mobiliser au-delà des questions climatiques, car ce dont nous parlons, c'est un changement de société. La question a été posée de savoir s'il était possible de lutter contre le changement climatique et de réduire les émissions de gaz à effet de serre à hauteur des ambitions affichées dans l'accord de Paris dans le cadre du modèle économique actuel : très clairement, non. Un changement radical de notre modèle de consommation et de production d'énergie est nécessaire. Limiter le réchauffement à 1,5 degré implique en effet une économie complètement différente, notamment en ce qui concerne le travail et l'investissement, sujets dans lesquels les jeunes peuvent s'impliquer.
Nous pensons également que, face aux incohérences gouvernementales, la désobéissance civile est un axe de mobilisation : il continuera à y avoir des actions de résistance locales face aux projets « climaticides » des énergéticiens et des États, tels que l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes ou les mines de charbon en Allemagne.
Que faire en France ? À cet égard, la question de savoir comment le gouvernement français va favoriser l'agenda du désinvestissement auprès des institutions françaises me paraît importante, notamment après la résolution votée par votre assemblée l'an dernier. Il nous paraît en effet nécessaire que de plus en plus d'acteurs publics, et d'acteurs privés dont l'État est actionnaire, commencent à se désinvestir des énergies fossiles.
Enfin, je souscris aux propos qui ont été tenus sur la gouvernance. L'agenda des solutions et celui de l'action Lima-Paris sont l'occasion de tester un modèle de gouvernance multi-acteurs. À notre sens, il se joue de manière sectorielle, dans les coalitions qui ont été construites dans le cadre de l'agenda des solutions, qu'il s'agisse des collectivités, de l'efficacité énergétique ou des renouvelables. La gouvernance doit être multipartite, à condition que les initiatives incluses dans cet agenda puissent être sélectionnées selon des critères qui soient également adoptés selon une gouvernance équilibrée. Les ONG peuvent participer, dans ce cadre, au suivi des engagements et de l'action. Mais nous souhaitons, par exemple, que l'initiative de Total sur les fuites de méthane, qui n'est absolument pas transformationnelle dans la mesure où la dépendance aux énergies fossiles est maintenue, soit exclue de l'agenda des solutions. Quoi qu'il en soit, il nous paraît essentiel de réfléchir à la gouvernance dès cette année, avant la COP22.