Intervention de Manuel Valls

Séance en hémicycle du 5 avril 2016 à 15h00
Éloge funèbre de sophie dessus

Manuel Valls, Premier ministre :

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, mesdames, messieurs, chers Dominique, Mathieu, Joachim, Clément et Félix, vous venez, monsieur le président, de dire ce que chacun ici ressent : une très douloureuse absence.

En mon nom, et au nom du Gouvernement, je voudrais, à mon tour, dire le respect, l’amitié, l’affection que nous portions à celle qui fut une députée de la Nation investie

et une élue de la République particulièrement impliquée.

Tout, dans le parcours de Sophie Dessus, souligne ces deux valeurs essentielles quand on veut représenter ses concitoyens et s’engager pour la collectivité, c’est-à-dire pour l’intérêt général, que sont la fidélité et l’attachement.

L’attachement à la Corrèze et à la commune d’Uzerche, sa ville, dont Sophie était si fière. Elle en connaissait parfaitement l’histoire, le patrimoine. Elle en connaissait surtout les habitants avec qui elle avait su nouer un lien si fort.

Sophie Dessus était corrézienne de coeur. Après avoir grandi à Paris, l’étudiante en histoire de l’art de dix-neuf ans revint aux sources, pour devenir agricultrice, une activité qu’elle exercera pendant près de trente ans.

Il y a tout juste un an, Sophie Dessus m’avait accueilli dans ce territoire de France, cette « terre de présidents », terre de caractère et aussi terre de modernité, tournée vers l’avenir. Ce territoire qui lui ressemblait.

Nous nous étions rendus à l’Espace Mémoire de la Papeterie – la salle de la machine – et aussi dans une jolie librairie dont on ne peut oublier le nom : « La petite marchande d’histoires ». Des endroits, des lieux, des équipements, pour lesquels Sophie Dessus s’était battue, aux côtés des habitants, des associations, des entreprises et des élus, et dont elle était si fière.

L’attachement à un territoire, donc, et aussi la fidélité.

Fidélité à ses convictions profondes de militante, de femme de gauche. Et c’est, je dirais, tout naturellement qu’elle s’est tournée vers la politique. Son énergie, son engagement, ont porté leurs fruits. Élue en 1995, conseillère municipale d’opposition, Sophie Dessus s’est impliquée totalement, ne ménageant jamais son temps.

Cette volonté, cette détermination furent reconnues lors des élections municipales de 2001, qui ont porté Sophie Dessus à la tête de sa ville. Depuis, les Uzerchois lui avaient toujours renouvelé leur confiance.

Elle a également été conseillère générale, puis vice-présidente du Conseil général de Corrèze, aux côtés de François Hollande, en charge de la culture et de l’aide aux communes.

Là encore, elle mettait toute son énergie au service d’un monde rural qu’elle connaissait mieux que personne, et dont elle percevait la complexité, les difficultés, mais aussi tous les atouts.

S’étant affirmée comme une personnalité politique de la Corrèze et de la région Limousin, appréciée par tous – je salue votre présence, madame Bernadette Chirac –, Sophie Dessus est devenue la première femme élue députée du département, en 2012, dans la première circonscription, succédant à François Hollande.

Je sais combien elle aimait cet hémicycle de l’Assemblée nationale. Être là, c’était pour elle, comme pour vous, une si belle histoire. Elle la vivait pleinement.

Nous avons tous en mémoire sa simplicité, sa pugnacité, son indépendance, aussi. Sophie Dessus était toujours passionnée. J’en ai fait l’expérience lors des débats relatifs à la suppression du cumul des mandats. Elle voulait nous convaincre d’un autre choix, au nom de ce rapport avec la Corrèze. Elle ne reculait jamais devant un débat. Elle ne taisait jamais ses convictions, surtout lorsqu’il s’agissait de l’avenir des territoires. Elle ne versait, pourtant, jamais dans la polémique. Elle était exigeante et profondément loyale, et fidèle au Président de la République.

Sophie Dessus, c’est un parcours personnel qui, à sa façon, raconte une histoire de la France, de ses territoires, de ces femmes et de ces hommes qui ont fait ce choix de se mettre au service des autres.

C’était un sourire rayonnant, solaire, une façon d’être, humble, parmi les siens, sachant toujours trouver le ton et les mots justes. Humble parmi les siens, et ambitieuse pour ses semblables.

Le Président de la République ne cachait pas son émotion en ayant ces mots très vrais : le Parlement perd une députée valeureuse et la Corrèze une élue unanimement appréciée.

La République perd une femme libre et courageuse. Sa présence était évidente, à quelques travées d’ici. Son absence laisse un grand vide dans nos esprits et dans nos coeurs. Un vide qu’aucun hommage ne parviendra à combler.

À Dominique, son époux, à ses quatre enfants, à sa famille et à ses proches, à ses collègues – non seulement du groupe socialiste, républicain et citoyen, mais à tous ceux qui dans cette assemblée l’appréciaient –, à ses collaborateurs, je voudrais dire tout mon soutien et adresser, au nom du Gouvernement et en mon nom, toutes mes condoléances.

Sophie Dessus nous manque. Elle ne cessera jamais de nous manquer.

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