Madame la présidente, madame la rapporteure, mesdames et messieurs les députés, je vais commencer par une bonne nouvelle : PSA va mieux. En 2015, nous avons enregistré le premier exercice bénéficiaire depuis cinq ans, avec un résultat net de 1,2 milliard d'euros et une marge opérationnelle de 5 % de la division automobile. Nous revenons de très loin, puisque nous étions au bord de la faillite en 2013, et nous ne voulons plus nous retrouver dans une telle situation : de ce point de vue, notre performance constitue notre seule protection dans la durée. Pour que PSA soit maître de son destin, l'agilité et l'excellence opérationnelle sont indispensables dans tous nos métiers. Dans ce contexte, PSA expliquera le 5 avril prochain son nouveau plan stratégique, baptisé « Push to pass ».
Nous sommes actuellement confrontés à des défis technologiques gigantesques, dont les deux plus importants sont la transition énergétique et l'offensive pour l'émergence du véhicule autonome et connecté. Pour ce qui est de la transition énergétique, nous investissons d'une part dans les moteurs thermiques diesel et les moteurs essence performants, d'autre part dans les chaînes de traction électrique, que ce soit avec le plug-in hybrid ou la nouvelle génération de véhicules électriques, développée avec notre partenaire chinois Dongfeng Motor Corporation (DFM). Ces lancements interviendront à partir du début de l'année 2019, afin d'être en concordance avec les limites de CO2 qui seront imposées en Europe en 2020, puis en 2021.
Le deuxième volet de notre offensive technologique concerne l'émergence du véhicule autonome et connecté. La première raison d'être de cette technologie est de renforcer la sécurité de nos clients. Comme vous le savez sans doute, 90 % des accidents corporels sont aujourd'hui liés à une erreur humaine : l'automatisation de la conduite peut donc améliorer grandement la situation. Nous souhaitons également redonner du temps utile à nos clients, afin de pallier le fait que certaines conditions de circulation, notamment en ville, ne sont pas susceptibles de procurer du plaisir de conduite. Enfin, le véhicule autonome permettra de fluidifier la circulation en centre-ville.
Nous devons relever ces défis dans des conditions difficiles. Il s'agit d'abord d'un cadre réglementaire instable et tardif, en Europe comme en Chine. Le facteur le plus consommateur de ressources est celui constitué par les objectifs en matière de dépollution. Globalement, un délai de cinq ans est indispensable entre deux normes, et un délai d'application entre la première application et la généralisation à la flotte est idéalement compris entre dix-huit et vingt-quatre mois. En effet, l'industrie automobile est fortement capitalistique, et les développements auxquels nous procédons requièrent du temps en R&D comme au stade de la mise en place industrielle. À défaut – c'est plutôt la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui –, ces évolutions ne se font pas dans de bonnes conditions, notamment au regard de l'optimisation économique pour le constructeur, mais également du point de vue des clients.
La deuxième source de difficulté pour nous réside dans la plus grande sévérité des normes, à l'origine de surcoûts plus difficiles à assumer par les constructeurs généralistes que par les constructeurs de véhicules premium.
Loin de moi l'idée de critiquer les normes : je ne fais que souligner que leur coût relatif diffère en fonction de la gamme des véhicules. Proportionnellement, un surcoût de 1 000 euros de technologies nouvelles est plus facile à transférer à l'acheteur d'une voiture coûtant 45 000 euros à 50 000 euros qu'à l'acheteur d'une voiture de 20 000 euros.
Enfin, l'affaire Volkswagen, sur laquelle je ne m'étendrai pas, a jeté l'opprobre sur tout le secteur automobile.
Face à toutes ces difficultés, PSA n'a qu'une solution, consistant à élever le niveau d'efficience de ses investissements, à ajuster ses périmètres en R&D et dans le domaine industriel sur ses métiers clés, dont certains sont complètement nouveaux – je pense notamment à la transition énergétique. En matière de R&D, les dépenses en jeu sont considérables. Le coût pour le passage d'une norme Euro – d'Euro 3 à Euro 4 ou d'Euro 4 à Euro 5, par exemple – est variable, mais s'établit entre 1 et 1,5 milliard d'euros, ce qui correspond à la totalité de notre résultat net pour 2015. À chaque évolution de norme – la norme Euro 6 s'est divisée en trois normes, la première s'appliquant en 2014, la deuxième en 2017 et la troisième en 2020 –, nous avons 250 applications véhicule – par véhicule, j'entends un ensemble de groupes motopropulseurs associés à une silhouette – à modifier en Europe, et plus de 100 en Chine : ce sont donc, à chaque fois, plus de 350 applications à modifier complètement.
Le coût de développement d'une chaîne de traction hybride, par exemple le plug-in hybrid sur lequel nous sommes en train de travailler, est de l'ordre de 450 millions d'euros en R&D et en capital expenditure (CAPEX). Quand nous développons from scratch – en partant de zéro – une toute nouvelle famille de moteurs, comme nous l'avons fait récemment avec le moteur PureTech, cela nécessite d'investir un milliard d'euros – ce qui couvre l'ensemble des coûts de développement, à la fois pour le moteur atmosphérique et pour le moteur turbo – qui, je le rappelle, s'est vu décerner en 2015 le prix « Moteur de l'année » dans sa catégorie par un jury international. Nous travaillons d'arrache-pied pour que chaque euro investi le soit de la manière la plus efficace possible.
En matière industrielle, nous avons les mêmes soucis. Même si PSA a l'intention de développer un certain nombre de moyens industriels dans le domaine de la traction électrique en France, la transition ne pourra se faire qu'avec la montée en puissance de cette technologie sur le marché. Or, la chute accélérée du diesel en France et en Europe, à un rythme bien plus rapide que nos prévisions ne le laissaient penser, amènera forcément à des évolutions, que nous avons en partie anticipées avec l'augmentation du volume du moteur EB turbo. Aujourd'hui, notre groupe produit la totalité de ses moteurs diesel en France, contrairement à nombre de ses concurrents qui produisent leurs moteurs au plus près des usines de consommation.
En janvier 2016, la part du diesel dans les ventes de véhicules particuliers en France est tombée à 52 %, ce qui représente 7 points de moins par rapport à janvier 2015 et 22 points de moins par rapport à janvier 2012. Désormais, le diesel ne représente plus que 38 % des achats des ménages. Au total, le recul du diesel, combiné à la montée en puissance des nouvelles technologies, plus coûteuses et moins rentables – je rappelle que l'écart de coût entre un véhicule thermique et un véhicule électrique est de l'ordre de 7 000 euros – risque de peser sur les volumes et sur les marges, ce qui nous oblige à constamment nous adapter et à réfléchir à des évolutions pour protéger la performance de l'entreprise, seule condition de sa viabilité. Pour cela, nous devons plus que jamais faire preuve d'anticipation, comme nous le faisons avec la transition énergétique et la transition technologique que constitue la mise au point du véhicule autonome.
Nous anticipons d'abord dans le domaine de la dépollution. Comme Carlos Tavares et moi-même l'avons rappelé ici même en avril 2015, PSA est l'inventeur du filtre à particules, qu'il a introduit en première mondiale dans sa gamme de véhicules diesel en 2000, avec plus de dix ans d'avance sur la réglementation.
Aujourd'hui, nous sommes le seul constructeur à avoir généralisé la technologie SCR, reconnue comme la plus efficace pour traiter les oxydes d'azote. Nous l'avons introduite sur l'ensemble de nos moteurs diesel à partir de septembre 2013 afin de répondre à la première version de la norme Euro 6, et elle est présente sur la totalité de notre ligne de produits depuis septembre 2015. Grâce au potentiel de la SCR et à son savoir-faire – là encore, nous serons certainement pionniers –, PSA saura se conformer à l'objectif d'un facteur de conformité de 1 plus 0,5 – ce deuxième chiffre correspondant à l'incertitude de mesure, sur laquelle je reviendrai – pour les émissions d'oxydes d'azote en 2020 : nous serons même en mesure d'atteindre cet objectif dès 2017.
Il est absolument essentiel que le réseau de distribution d'AdBlue, c'est-à-dire de l'urée nécessaire au fonctionnement du dispositif SCR, se développe de manière à ce que l'ensemble de nos clients puisse facilement refaire le plein d'AdBlue – nos véhicules sont équipés d'un réservoir de dix-sept litres de ce produit.
Nous avons également anticipé en matière de réduction des émissions de CO2. Depuis plus de dix ans, PSA est dans le trio de tête en Europe – la région la plus exigeante dans ce domaine – du point de vue du Corporate average fuel economy (CAFE), c'est-à-dire la moyenne pondérée de la consommation par nos ventes. Depuis deux ans, nous occupons même la position de leader européen, avec une flotte de véhicules neufs ayant émis, l'an dernier, 104,4 grammes de CO2 par kilomètre, alors que la moyenne du marché se situe à un peu moins de 120 grammes par kilomètre. Compte tenu de la masse moyenne de ses véhicules, l'objectif assigné à PSA pour 2021 est de 91 grammes par kilomètres, alors que l'objectif fixé par l'Union européenne à la même date est de 95 grammes au kilomètre – peut-être avons-nous travaillé trop tôt ou trop vite à la réduction de la masse de nos véhicules par rapport à nos concurrents, puisque les constructeurs allemands se situent plutôt aux alentours de 100 grammes. L'atteinte de cet objectif va beaucoup dépendre du mix essence-diesel et des véhicules électrifiés. Or, le coût de ces solutions est très variable et aujourd'hui, le diesel est de loin la motorisation présentant le meilleur rapport coût-efficacité pour gagner des grammes de CO2.
Accélérer la transition énergétique se traduit évidemment par des surcoûts assumés par le constructeur, le client ou l'État. Dans tous les cas, seule la performance va protéger notre entreprise, qui se doit de pouvoir absorber les surcoûts par des efforts supplémentaires, faute de pouvoir les transférer sur ses clients dans un monde ultra-concurrentiel.
Un autre élément d'anticipation réside dans la démarche de transparence que nous avons adoptée à la suite de la crise provoquée par l'affaire Volkswagen. La consommation exprimée en litres aux 100 kilomètres et les émissions de CO2 en grammes par kilomètre sont directement proportionnelles. Compte tenu de sa légitimité en matière de réduction de consommation, PSA a pris l'initiative de travailler avec deux ONG, Transport & Environment (T&E) et son partenaire français, France Nature Environnement (FNE), afin de mesurer la consommation de ses véhicules en usage réel.
Le protocole de test est aujourd'hui défini, et nous l'avons présenté dans le cadre du dernier salon de Genève. Pour être recevable, il est supervisé par le Bureau Veritas, qui apporte les voitures et scelle les trappes à carburant, les valves des pneus, le calculateur moteur et le body control unit – en français « boîtier de servitude intelligent » (BSI) –, qui est une sorte de calculateur centralisant les informations reçues par les différents capteurs du véhicule. Le 1er mars dernier, nous avons annoncé les consommations en usage réel de trois de nos véhicules de grande diffusion ; nous disposons aujourd'hui des résultats d'une dizaine de véhicules, et allons continuer nos essais de manière à publier cet été une trentaine de résultats mesurés selon ce protocole, qui seront accessibles à nos clients sur le site Internet de nos trois marques.
Cette initiative unique va permettre de fournir au public une information totalement transparente sur les consommations réelles, et nous invitons tous les constructeurs à nous rejoindre. Dans un deuxième temps, à l'horizon mi-2017, avec la mise en place du Real driving emissions, nous produirons selon le même protocole les mesures d'émissions d'oxydes d'azote. Je rappelle qu'une telle mesure n'est pas prévue par la réglementation actuelle.
Dans le domaine de la voiture communicante, PSA a une fois de plus joué un rôle précurseur en étant pionnier de l'appel d'urgence, qui permet aux clients, en cas de panne ou d'accident, d'être pris en charge par un opérateur qui les identifie, les localise et leur envoie une assistance technique ou les secours – notamment quand un airbag s'est déclenché, ce que nous pouvons détecter à distance. Ces services équipent déjà plus de 1,8 million de véhicules PSA en circulation, et nous avons eu 16 000 appels à des services d'urgence dans seize pays différents depuis le lancement du service eCall en 2003, que la réglementation ne rendra obligatoire en Europe que courant 2018.
Pour ce qui est des véhicules autonomes, nous avons été les premiers en juillet dernier à faire circuler sur les routes de France – avec l'autorisation des ministères concernés, que nous remercions – quatre prototypes de différents niveaux d'automatisation, sur plus de 10 000 kilomètres de route ouverte, ainsi que sur plusieurs routes en Espagne. Nous avons réalisé de nombreuses expériences prometteuses au niveau 2 – hands off – et au niveau 3 – eyes off, en attendant de pouvoir le faire au niveau 4 – mind off – et au niveau 5 – driverless. En novembre 2015, nous avons effectué 3 000 kilomètres de roulage autonome entre la France et l'Espagne ; nos premières fonctions d'automatisation de conduite apparaîtront dès 2018 sur les voies rapides et les parkings, tandis que les fonctions de conduite autonome se mettront en place à partir de 2020, en commençant par la circulation sur voie rapide. Nous aurons d'ailleurs besoin d'un changement de la législation pour être autorisés à mettre ces véhicules sur le marché.
Même en anticipant une transition énergétique progressive et technologiquement neutre, nul ne sait aujourd'hui quelle technologie va l'emporter. Chez PSA, nous insistons beaucoup sur le fait qu'une approche des pouvoirs publics privilégiant la neutralité technologique est indispensable : il s'agit de raisonner sur les résultats recherchés et non sur la solution technique. À condition que ces résultats nous soient indiqués suffisamment à l'avance, je peux vous garantir que nous disposons des laboratoires – je ne pense pas seulement à ceux de PSA, mais à l'ensemble de ceux auxquels nous pouvons faire appel – et des ingénieurs capables de trouver et de développer les solutions dont nous aurons besoin.
Cela dit, cette transition aura un coût, qui ne sera que partiellement supporté par le consommateur, ce qui suppose pour nous d'accélérer nos gains de compétitivité. La filière a besoin d'un dialogue continu avec les pouvoirs publics afin de trouver le meilleur équilibre entre l'état de l'art et le coût financier de la réglementation. En tant que constructeur généraliste, nous devons offrir des véhicules pour tous.
Il existe des technologies nouvelles pour lesquelles PSA investit et monte en puissance. Pour autant, elles sont peu abordables pour une clientèle de masse et leur diffusion sera progressive. À court terme, le diesel que nous qualifions de propre, c'est-à-dire conforme à la norme Euro 6 dans toutes ses versions, est la solution la plus abordable et la plus répandue pour atteindre les objectifs de CO2 à l'horizon 2020-2021.
Enfin, il est essentiel que la France et l'Europe ne deviennent pas des territoires « autophobes », car les constructeurs automobiles sont synonymes de force industrielle pour la France et pour l'Europe.