Intervention de Gilles le Borgne

Réunion du 29 mars 2016 à 16h00
Mission d'information sur l'offre automobile française dans une approche industrielle, énergétique et fiscale

Gilles le Borgne, directeur de la recherche et du développement, membre du comité exécutif de PSA Peugeot Citroën :

L'affaire Volkswagen nous a évidemment beaucoup étonnés – je n'en dirai pas plus, car nous ne commentons jamais ce qui se passe chez nos concurrents.

Pour ce qui est du protocole conclu avec T&E et FNE, nous avons annoncé cette initiative exactement un mois après l'affaire Volkswagen, c'est-à-dire en octobre dernier. Nous avons ensuite consulté largement afin de trouver des partenaires disposés à travailler avec nous et, en novembre, nous avons fait part de notre association avec T&E, l'organe technique et scientifique avec qui nous travaillons tous les jours, FNE, qui est la principale ONG française dans son secteur d'activité, et le Bureau Veritas. Je précise que nous ne payons pas les ONG, par nature indépendantes, mais que nous rémunérons le Bureau Veritas.

En pratique, les essais sont réalisés par Veritas, et l'organisation T&E peut venir y participer quand elle le souhaite. Nous avons défini un protocole en ouvrant la totalité de nos bases de données marketing – ce que nos clients achètent – et la banque de données d'usage, à laquelle la R&D se réfère pour savoir comment les utilisateurs conduisent – y sont mesurés de nombreux facteurs, parmi lesquels les enfoncements de pédales, les freinages et la consommation. Nous disposons également des données climatiques, correspondant à un client moyen. L'ensemble de ces renseignements a permis de définir des conditions d'usage pour un client moyen représentatif de la consommation pour un modèle donné et un carburant donné, que l'on va transposer à l'ensemble des clients ayant acheté ce modèle. Cette approche, basée sur le principe du client moyen, n'exclut pas que l'on puisse se trouver en présence de très grands écarts-types de consommation en fonction de la personne utilisant le véhicule.

En résumé, nous avons défini scientifiquement un client moyen avant d'affecter l'ensemble des paramètres associés – la masse, les équipements de la voiture, les niveaux d'accélération, les vitesses moyennes – dans un parcours Real driving emissions (RDE) situé à Carrières-sous-Poissy. Cela nous permet de déterminer la consommation moyenne de nos clients, et ceux-ci devraient même être en mesure de paramétrer leur consommation en fonction de leur style de conduite – calme, dynamique, faisant beaucoup de route… D'ici à l'été, nous allons publier la consommation de trente de nos voitures pour un client moyen. Tout le monde ne consommera pas la même chose, mais une personne ayant une consommation beaucoup plus élevée que l'estimation moyenne devra se poser des questions sur sa conduite, et tirera sans doute grand profit d'un stage d'éco-conduite !

Si les essais que nous effectuons portent uniquement sur le CO2, c'est pour répondre à ce qui constituait une importante préoccupation pour nos clients ; nous les étendrons aux NOx dès que nous disposerons des premiers véhicules devant avoir le Real driving emissions, c'est-à-dire au printemps de l'année prochaine. Nous nous sommes mis d'accord avec nos collègues et amis de T&E et FNE afin d'aller progressivement vers une transparence complète, qui ne s'arrêtera pas aux NOx : dès que les appareils le permettront, nous ferons des essais pour mesurer les particules en nombre, le monoxyde de carbone (CO) et tous les éléments sur lesquels portera la deuxième évolution de la norme Euro 6, s'appliquant à l'homologation des nouveaux types à partir de septembre 2017.

La SCR est un procédé assez simple consistant à injecter, en amont du catalyseur SCR, de l'urée en solution aqueuse à environ 30 %. Sous l'effet de la température élevée – la réaction commence à un peu moins de 200 °C –, l'urée se décompose en ammoniac, qui réagit à son tour avec les oxydes d'azote pour former, par réduction, du diazote et de l'eau. L'une des difficultés est que l'urée, liquide aqueux, doit être protégée du gel par un dispositif de réchauffage. Nous avons opté pour un réservoir de dix-sept litres d'urée, implanté sur l'ensemble de notre plateforme et qui nous permet d'afficher, pour la norme Euro 6, une autonomie concordant avec le rythme auquel les vidanges moteur doivent être effectuées. Cette autonomie va diminuer lorsque le facteur de conformité va être fixé à 1,5, c'est-à-dire 1 plus 0,5.

Le chiffre de 0,5 correspond à la dispersion liée au portable emissions measurement system (PEMS), un système de mesure des émissions embarqué sur le véhicule, constitué d'une plate-forme fixée sur l'attelage du véhicule à tester et reliée au tube d'échappement, ce qui permet d'analyser l'intégralité du flux des gaz d'échappement. Le PEMS est un système dynamique, dans lequel la voiture se déplace sur un parcours, et son utilisation se traduit par une dispersion, c'est-à-dire une incertitude de mesure de l'ordre de 45 milligrammes au kilomètre – selon l'estimation fournie par le Joint Research Centre (JRC), un laboratoire européen faisant référence. Ce dispositif coûte 100 000 euros, contre 2,5 millions d'euros pour un banc à rouleaux, consistant en un système de rouleaux sur lesquels la voiture à tester roule dans une pièce fermée, l'intégralité des gaz émis étant emprisonnée dans un grand sac avant d'être analysée.

Atteindre l'objectif de 1 plus 0,5 n'a rien de facile, mais nous avons déjà investi dans la technologie SCR et estimons donc pouvoir atteindre cet objectif dès septembre 2017.

Quand nous avons pris la décision d'exploiter la solution de l'urée, il y a quatre ans et demi, j'ai eu pour tâche, en tant que chef des plateformes, de déterminer la meilleure façon d'y installer le réservoir de 17 litres, ce qui n'a pas été une mince affaire. Nous avons pris le parti de caler nos volumes de manière à ce que la présence du réservoir soit transparente pour le client, qui dispose aujourd'hui d'une autonomie de l'ordre de 20 000 à 25 000 kilomètres, s'inscrivant dans les pas de vidange moteur : le plein d'urée se fait en temps masqué par rapport à l'intervalle entre deux vidanges.

Atteindre l'objectif de 1,5 va nécessiter de consommer plus d'urée, ce qui va avoir pour effet de diminuer l'autonomie. Il va donc falloir que l'urée soit disponible dans les stations-service : or, si celles-ci sont équipées d'un réseau de pompes délivrant de l'urée à 40 litresminute pour les poids lourds, rien n'est encore prévu pour les véhicules particuliers. Nous avons engagé des discussions avec les pétroliers, qui hésitent encore à investir sur une technologie diesel. Nous avons donc besoin que vous nous aidiez en les incitant à mettre en place un réseau de distribution sur l'ensemble du territoire européen.

Comme je l'ai dit, la technologie SCR produit de l'ammoniac, un gaz dangereux théoriquement susceptible de glisser vers la canule d'échappement en l'absence de NOx à réduire. Cela dit, nous sommes aujourd'hui en mesure d'affirmer que nous avons trouvé le moyen de supprimer ce risque, et nous garantissons qu'il n'y a aucune fuite d'ammoniac à la sortie de nos pots d'échappement.

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