Nous continuons les travaux de la Délégation sur le projet de loi visant à « instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs ».
Mesdames et messieurs les représentants et représentantes des syndicats de salariés et chargés de l'égalité femmes-hommes, je vous remercie d'avoir répondu à notre invitation.
Avant d'entrer dans le vif du sujet, nous avons à désigner un ou une rapporteur d'information, puisque j'ai souhaité que la Délégation se saisisse de ce projet de loi. J'ai reçu la candidature de Marie-Noëlle Battistel qui, au regard de la charge importante, a proposé qu'elle et moi soyons corapporteures.
Pourquoi cette saisine de la Délégation aux droits des femmes sur le projet de loi présenté par Myriam El Khomri ? Je rappelle que la population active française est composée à 48 % de femmes. Or, au regard de la résistance des inégalités entre les femmes et les hommes en matière d'égalité professionnelle, et alors que 80 % des emplois à temps partiel sont occupés par des femmes, quarante ans de lois nous ont enseigné deux choses. D'abord, l'égalité femmes-hommes au travail n'avance que si l'on s'en occupe ; autrement dit, tous les salariés ne sont pas égaux devant le travail, et les femmes le sont moins encore que les hommes. Ensuite, si l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ne fait pas l'objet de mesures spécifiques, au mieux, elle fait du surplace, au pire, elle perd du terrain. D'ailleurs, l'Europe demande depuis 2006 aux États des mesures spécifiques, avec la directive 200654CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006 relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité des chances et de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d'emploi et de travail.
Sans préjuger des résultats de nos travaux, j'affirme donc comme préalable que nous saisir de ce projet de loi, c'est être déterminés à l'améliorer pour une prise en compte plus forte de l'égalité femmes-hommes. Certains syndicats ici représentés demandent le retrait du texte, d'autres y voient des avancées au travers de la négociation. Je souhaite que cette audition permette à chaque syndicat de formuler des propositions d'amélioration concrètes, qu'il nous appartiendra de retenir ou non en tant que recommandations et, in fine, sous forme d'amendements éventuels.
Cela étant dit, je dois reconnaître que l'exercice auquel nous vous avons demandé de vous prêter est compliqué, et je vous remercie de l'avoir accepté. En effet, vous allez nous faire part de vos observations sur un projet de loi qui n'a pas encore été présenté en Conseil des ministres – il le sera jeudi.
Je tiens cependant à souligner trois points. Premièrement, le sujet des inégalités professionnelles entre les femmes et les hommes n'est pas nouveau. Depuis 2012, nous avons renforcé l'égalité dans chaque texte. Vous allez nous faire part des avancées observées et des problèmes qui demeurent sur le terrain, en plus de vos remarques sur le projet de loi. Deuxièmement, le projet de loi a largement circulé, dans sa première version, mais aussi dans sa version amendée, transmise au Conseil d'État, que nous pouvons tenir comme celle sur laquelle nous travaillons ici. Troisièmement, vous avez déjà pu vous prononcer au sein du Conseil supérieur de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (CSEP), certes, sur la première version, mais j'imagine que vos propositions formulées à ce stade pourront inspirer vos observations sur la deuxième version de l'avant-projet de loi.
À propos de l'avis du CSEP, je veux dire ici mon mécontentement. J'ai demandé au ministère du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle que cet avis soit communiqué à la Délégation aux droits des femmes. À l'heure où je vous parle, j'en attends toujours la réception annoncée. J'ai heureusement pu en avoir connaissance par une transmission non officielle. Une communication en bonne et due forme permettrait au Parlement d'accomplir son travail correctement et à la Délégation de mener à bien ses missions. Je saisis l'occasion pour indiquer que nous ferons le nécessaire, dans le cadre d'une évolution de son organisation, pour que le CSEP soit pérenne et puisse émettre librement des avis aisément consultables par le législateur. Notre réflexion est identique pour le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCEfh), qui souhaite être pérennisé – dans sa communication du 8 mars, le Président de la République a souhaité sa consécration par l'inscription dans la loi, afin de le pérenniser. J'y insiste, les avis de ces deux instances nous sont extrêmement précieux dans le cadre de nos travaux.
Ces précisions faites, avant de vous donner la parole, je vous propose que nos travaux se déroulent de la façon suivante. Dans un premier temps, chaque syndicat prendra la parole pendant dix minutes. Je souhaiterais bien sûr que vos prises de parole sur le projet de loi se concentrent sur la question de l'égalité femmes-hommes – un questionnaire vous a été envoyé en préparation de cette audition. Dans un second temps, les députées et députés membres de la Délégation vous poseront des questions visant à préciser vos propos ou à aborder d'autres aspects.
Mais avant tout, je signale la présence parmi nous aujourd'hui de M. Alain Ballay, suppléant de Mme Sophie Dessus, décédée brutalement, qui était membre de cette Délégation et dont l'engagement pour les droits des femmes n'a jamais faibli.