Intervention de Monique Orphé

Réunion du 29 mars 2016 à 17h45
Délégation aux outre-mer

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMonique Orphé, rapporteure :

Madame la ministre, je tiens d'abord à vous remercier d'être venue devant notre délégation pour cet échange sur les implications de la réforme générale du code du travail, sur les relations collectives du travail, et plus largement sur le dialogue social dans les outre-mer.

Si j'ai personnellement souhaité que nous nous saisissions de ce projet de loi, c'est parce qu'une fois de plus, sur un sujet qui a autant, sinon plus d'importance dans les outre-mer que dans l'hexagone, on a peu parlé de la situation spécifique de nos territoires au cours des semaines de controverse qui ont précédé l'ouverture du débat parlementaire. Ce fut le cas avec la loi sur la sécurisation des parcours professionnels, et le cas de la loi sur le dialogue social. Le constat n'est donc pas nouveau : on oublie facilement les outre-mer au moment d'ouvrir une grande discussion nationale.

Le rôle de la Délégation aux outre-mer est aussi de faire entendre la voix des oubliés, et d'introduire les problématiques ultramarines dans le champ de la délibération parlementaire. C'est d'autant plus nécessaire, dans le cas présent, que la volonté affirmée du Gouvernement, à laquelle je souscris, est de renforcer le dialogue social, notamment en adaptant le cadre juridique de la négociation collective. C'est un des premiers points de mon rapport d'information.

Le droit en vigueur crée, depuis la loi Perben de 1994, un handicap au détriment des outre-mer, en posant le principe que les conventions collectives de portée nationale ne sont applicables dans les outre-mer que si les partenaires sociaux en conviennent expressément.

Au terme des auditions que j'ai menées dans le cadre de ce rapport, tous s'accordent à dire que le dialogue social n'existe pas dans les territoires ultramarins. Ou que, quand il existe, cela se fait dans la violence, notamment par des mouvements de grève – nous avons tous en tête celles de 2009.

Tous sont également d'accord, sauf bien sûr le patronat, pour dire que les choses ne peuvent rester en l'état. Je suis convaincue, madame la ministre, de la nécessité de mettre un terme à la règle posée par l'article 16 de la loi Perben, et de prévoir que les conventions collectives nationales seront applicables de plein droit dans les outre-mer.

Il faudrait, par corrélation, que pour les conventions collectives nouvelles, une consultation des syndicats actifs dans les outre-mer soit organisée préalablement à la signature de la convention. Pour les conventions collectives anciennes, antérieures à la promulgation de la loi, et qui n'ont pas été rendues applicables aux outre-mer, il faudrait que les partenaires sociaux, dans les territoires, soient mis à même, pendant un certain délai, d'engager une discussion sur leur extension aux outre-mer. Passé ce délai, qui pourrait être de deux ans, la convention serait applicable de plein droit.

Je souhaiterais naturellement, madame la ministre, connaître votre avis sur ce renversement de la règle de la loi Perben et sur ses conséquences.

La mise en oeuvre d'un nouveau régime de conventions collectives suppose réglées un certain nombre de questions dont certaines sont plutôt juridiques et d'autres plutôt pratiques.

Il faut d'abord régler la question de la représentativité des syndicats actifs dans les territoires, afin d'assurer sur une base juridique claire leur participation au dialogue social, et notamment aux processus de négociation collective.

Il faut également créer les conditions de l'effectivité du dialogue social. Force est de reconnaître que la nécessité de ce dialogue est très inégalement admise parmi les partenaires sociaux. La prépondérance des petites et très petites entreprises dans les économies ultramarines est, comme l'a dit le président, un handicap pour le développement normal des relations collectives du travail. La formation des partenaires sociaux au dialogue social apparaît particulièrement importante. Elle a un coût. Comment le Gouvernement entend-il l'assurer dans les outre-mer ? Enfin, l'information des partenaires sociaux et des salariés sur les conventions collectives applicables outre-mer est très inégale selon les territoires. Comment remédier à cette inégalité ?

Un autre point important de mon rapport est la formation professionnelle, qui est également fondamentale pour les outre-mer. C'est la raison pour laquelle les dispositions du projet de loi qui s'y rapportent doivent retenir l'attention de la Délégation. Les problèmes que la formation professionnelle pose spécifiquement dans les outre-mer sont nombreux.

Ils tiennent d'abord aux fragilités particulières de la formation à l'école, liées à l'illettrisme, et plus tard au décrochage scolaire, spécialement importants dans les outre-mer.

Ils tiennent ensuite aux insuffisances de l'offre de formation, notamment universitaire, qui contraignent de nombreux jeunes à quitter leur territoire d'origine dès lors qu'ils atteignent un certain niveau d'études.

Ils tiennent enfin aux défauts de l'offre de formation. Le demandeur d'emploi en quête de formation se trouve en face d'une pluralité de prescripteurs, faisant de son parcours de formation un parcours du combattant. La qualité des organismes de formation est très inégale, et me semble appeler un contrôle accru, voire un renforcement des conditions d'agrément.

La nécessité d'une formation professionnelle est vitale pour les salariés des outre-mer. Je m'interroge, dès lors, sur l'opportunité d'inscrire dans la loi le principe d'un droit opposable à la formation bénéficiant aux demandeurs d'emploi en situation précaire, en situation de demande d'emploi pendant plus de deux ans.

Je vous remercie par avance, madame la ministre, d'indiquer à la Délégation ce que vous pensez de ces diverses analyses et propositions. Êtes-vous prête à les soutenir ?

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion