Monsieur le président, chers collègues, nous sommes réunis ce matin pour examiner, pour avis, le projet de loi autorisant l'accession de la France au protocole sur le statut des quartiers généraux militaires internationaux, créés en vertu du Traité de l'Atlantique Nord, dit « Protocole de Paris », comme vient de l'indiquer notre président.
Ce projet de loi de ratification a été examiné hier par la commission des Affaires étrangères, saisie au fond, et est inscrit à l'ordre du jour de la séance du 7 avril à 9 h 30. Je précise à ceux d'entre vous qui n'auraient pas eu l'information qu'une discussion générale d'une durée d'1h30 a été décidée par la Conférence des présidents. En effet, l'habituelle procédure « d'examen simplifiée », autorisée par le Règlement de notre assemblée, n'a pas été retenue pour ce projet de loi. C'est assez rare pour le souligner et chaque groupe pourra ainsi s'exprimer en séance.
S'agissant toujours des questions de procédure, je rappelle que le Parlement est saisi du présent projet de loi en application de l'article 53 de la Constitution et que les parlementaires ne peuvent pas amender le texte des conventions internationales, ni formuler de réserves. Nous ne pouvons que conclure à l'adoption ou au rejet du projet de loi de ratification. C'est dans ce contexte que le Sénat l'a adopté le 16 mars dernier.
Si j'en crois les commentaires parus ici ou là dans la presse, ou même les interventions formulées lors de séances de questions au Gouvernement, l'accession de la France au Protocole de Paris a suscité beaucoup de commentaires, voire déchaîné quelques passions.
L'accession au Protocole de Paris, ou devrai-je plutôt dire la ré-accession de notre pays à cet accord, n'est pourtant que la suite logique de la réintégration de la France au sein du commandement militaire intégré de l'OTAN. Cet accord international, dont la France avait été l'un des signataires originels en 1952, ne comporte en effet que des dispositions d'essence avant tout technique, visant à faciliter la vie des personnels militaires et civils de l'OTAN déployés sur notre territoire par nos alliés, ainsi que le fonctionnement de certains quartiers généraux ou infrastructures certifiés par l'OTAN.
Il s'agit simplement, au fond, de garantir à ces personnels un statut proche, mais moins avantageux, de celui des personnels des organisations internationales, dont bénéficient par exemple les employés de l'UNESCO ou de l'OCDE en poste à Paris. Par ailleurs, l'accession de la France à ce protocole permettra de garantir à ces personnels les mêmes garanties que celles dont bénéficient l'ensemble des personnels affectés dans les structures de l'OTAN sur le territoire des membres de l'Alliance, au premier rang desquels nos compatriotes en poste à Mons, à Norfolk ou ailleurs dans le monde.
Je ne reviendrai pas ici sur l'histoire, mouvementée, des relations entre la France et l'OTAN. Chacun la connaît, en a sa propre opinion, et nos collègues Gilbert Le Bris et Philippe Vitel sont longuement revenus sur le sujet dans leur rapport d'information sur l'évolution du rôle de l'OTAN, qu'ils nous ont présenté le 3 février dernier.
Le protocole de Paris est un texte d'essence avant tout technique, je l'ai dit. Il n'en demeure pas moins clair et accessible. Sa brièveté – 16 articles – s'explique par sa nature même : le protocole de Paris ne crée en effet pas un régime spécifique mais étend simplement l'application de la convention entre les États parties au traité de l'Atlantique Nord sur le statut des forces, dite « SOFA OTAN », signée à Londres le 19 juin 1951, aux quartiers généraux interalliés créés en vertu du traité de l'Atlantique Nord ou aux « organismes militaires internationaux », ainsi qu'à leurs personnels civils et militaires.
Le texte de l'accord précise d'ailleurs bien qu'il s'agit d'un protocole « à » la Convention sur le statut des forces.
La France étant partie au SOFA OTAN depuis l'origine et sans discontinuer, il s'agit donc, par l'accession au protocole de Paris, de n'opérer qu'une simple action de coordination et de bonne administration.
Avant de vous exposer en quelques mots la nature des dispositions du protocole de Paris, je tiens à préciser son champ d'application.
Il s'applique aux quartiers généraux suprêmes de l'OTAN, ainsi qu'à tout quartier général militaire international créé en vertu du traité de l'Atlantique Nord et directement subordonné à un quartier général suprême. La France n'abrite aucun QG de ce type et il n'existe pas de projet en ce sens.
Toutefois, l'article 14 du protocole prévoit que le Conseil de l'Atlantique Nord peut décider d'appliquer tout ou partie des stipulations du protocole à tout quartier général militaire international ou à toute organisation militaire internationale, sous réserve d'une décision dite d'activation. Si la France le demande, plusieurs sites pourraient ainsi être concernés, le principal étant le Quartier général du corps de réaction rapide (CRR-FR) de Lille, certifié par l'OTAN. D'autres sites pourraient être concernés en France, comme le Quartier général de l'état-major de force aéromaritime française de réaction rapide, situé à Toulon ou le centre d'excellence français d'analyse et de simulation pour la préparation aux opérations aériennes de Lyon. Cela représente environ soixante-dix militaires selon le ministère de la Défense. En ajoutant les personnels étrangers du Quartier général du corps de réaction rapide européen (CRR-E, « Eurocorps ») de Strasbourg, dont le statut est spécifique, le nombre de militaires concernés par les dispositions du Protocole de Paris serait d'environ 240.
J'en viens à présent au contenu du Protocole à proprement parler.
Celui-ci comporte des dispositions visant tant les quartiers généraux que les personnels qui y sont affectés. Premièrement, s'agissant des quartiers généraux, le protocole de Paris :
- prévoit qu'ils partagent avec les États d'origine les obligations du SOFA OTAN liées à l'arrestation de leur personnel, aux enquêtes, à la recherche des preuves en matière de demandes d'indemnités ainsi qu'au paiement des amendes ;
- leur confient la responsabilité d'éditer à leurs personnels une carte d'identité qui devra être produite à toute réquisition ;
- les autorise à être exonérés des droits et taxes afférents aux dépenses qu'ils supportent dans l'intérêt de la défense commune et pour leur avantage officiel et exclusif ;
- comporte des dispositions relatives à la liquidation de leurs avoirs ;
- les dote de la personnalité juridique leur permettant de contracter, d'acquérir et d'aliéner, sous réserve d'accords particuliers signés avec l'État d'accueil, ainsi que d'ester en justice ;
- les autorise à détenir des devises ainsi que des comptes en toute monnaie pour assurer leur fonctionnement ;
- instaure un régime d'inviolabilité des archives et documents officiels qu'ils détiennent, sauf en cas de renoncement à cette immunité.
Deuxièmement, s'agissant des personnels de ces QG, le protocole de Paris :
- accorde le bénéfice des privilèges de juridiction ;
- renvoie au SOFA OTAN la définition du régime juridique en matière de règlement des dommages causés ou subis ;
- prévoit des exonérations fiscales individuelles ;
- autorise les personnels à importer leur mobilier et leurs effets personnels, ainsi que leur véhicule, en franchise de droit.
Comme vous pouvez le constater, le Protocole de Paris ne porte nullement atteinte à l'autonomie et à l'indépendance de notre politique de défense ou à la souveraineté nationale. Nous sommes loin de tout cela… Y accéder permettra de simplifier la vie quotidienne des personnels implantés sur notre territoire, de renforcer l'attractivité de la France et ainsi de conforter notre influence au sein de l'Alliance, tout en témoignant à nos alliés de notre plein engagement. Notre engagement militaire au sein de l'Alliance n'est pas mis en cause, et nos alliés savent que la France est volontaire et prête à faire face aux menaces multiples qui pèsent sur l'Europe et le monde. Le niveau d'engagement de nos forces en opérations extérieures comme sur le territoire national en atteste quotidiennement. Il serait hautement regrettable de ternir cette image par la permanence de tracasseries administratives et techniques, alors même que nos propres hommes et femmes déployés dans les structures de l'OTAN bénéficient des dispositions du protocole de Paris à l'étranger.
C'est pourquoi je vous invite à adopter le présent projet de loi.