Intervention de Nathalie Homobono

Réunion du 5 avril 2016 à 12h00
Mission d'information sur l'offre automobile française dans une approche industrielle, énergétique et fiscale

Nathalie Homobono, directrice générale de la DGCCRF :

Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, l'affaire Volkswagen, qui a été révélée par l'Agence américaine de protection de l'environnement en septembre 2015 est l'élément déclencheur qui a conduit le Gouvernement et la ministre de l'environnement à mettre en place une commission d'enquête indépendante. Vous avez peut-être déjà auditionné les services du ministère de l'environnement.

Cette commission a accès aux résultats des essais qui ont été réalisés, à ce jour, sur quarante à cinquante des cent véhicules devant être contrôlés. C'est un point d'appui pour notre action, s'agissant notamment de l'enquête sur les émissions atmosphériques, que nous avons ouverte à l'automne pour examiner les pratiques des constructeurs qui destinent une partie de leurs véhicules au marché français.

N'ayant pas nous-mêmes les moyens d'effectuer ces contrôles, les conclusions de la commission d'enquête et les résultats des analyses effectuées par les laboratoires de l'Union technique de l'automobile, du motocycle et du cycle (UTAC) sont des éléments très importants, sur lesquels nous pouvons nous appuyer pour mener notre enquête.

Suite aux révélations de l'Agence américaine de protection de l'environnement, (EPA), selon lesquelles il y avait eu une action délibérée pour contourner les normes des émissions polluantes aux États-Unis, nous avons lancé cette enquête. Elle concerne une quinzaine de constructeurs automobiles sur le territoire national. Nous nous sommes intéressés, dans un premier temps, aux véhicules de la marque Volkswagen, ce qui nous a conduits à mener une perquisition – dont a dû vous parler le président du directoire de Volkswagen France –, le 16 octobre 2015.

Nous voulions avant tout récupérer des éléments d'information pour compléter ceux que nous avions obtenus lors de nos premiers contacts, dès septembre 2015, au siège de Volkswagen France, d'où il ressortait que l'entreprise présente en France ne faisait qu'appliquer les décisions émanant principalement des autorités allemandes, concernant la construction des véhicules et la publicité. Celles-ci étaient relayées et mises en oeuvre notamment par le représentant de la marque en France, à savoir la société Volkswagen Group France. Il nous a donc semblé nécessaire de nous procurer des éléments complémentaires, lesquels ont été recueillis lors de la perquisition que nous avons menée en octobre 2015.

Suite à cela, il nous est apparu que Volkswagen France et Volkswagen Allemagne avaient, de manière manifeste et délibérée, mis en place des dispositifs pour fausser les résultats des contrôles. Le logiciel qui pilote les véhicules avait pour objectif d'identifier les tests, de fausser les paramètres d'émissions, et donc, de permettre aux véhicules de passer avec succès les tests d'homologation concernant les émissions atmosphériques.

Nous avons adressé au parquet de Paris un procès-verbal pour tromperie, dans lequel figuraient les éléments caractérisant l'infraction au plan matériel, c'est-à-dire les lignes de code du logiciel ayant pour but de fausser les résultats des contrôles. Il nous appartenait également de démontrer le caractère intentionnel de la fraude, c'est-à-dire la volonté manifeste du groupe de mettre en place ce dispositif pour atteindre le niveau d'émissions permettant de passer avec succès les tests d'homologation. L'affaire est aujourd'hui entre les mains du parquet de Paris, qui a désigné des juges d'instruction.

Parallèlement, nous avons mené des investigations auprès des autres constructeurs qui commercialisent une partie des véhicules en France, sous leur marque. Nous avons également participé aux travaux de la commission d'enquête indépendante, sous la houlette du ministère de l'environnement. Compte tenu des résultats des tests communiqués par l'UTAC sur les véhicules sélectionnés par la commission d'enquête, il nous a semblé que d'autres situations méritaient un examen approfondi.

C'est ce qui nous a amenés à nous intéresser plus particulièrement au constructeur Renault ; les résultats transmis par l'UTAC marquant un gros écart par rapport aux résultats des tests, dans le cadre de la procédure normalisée de l'homologation.

Nous avons donc auditionné, en lien avec le ministère de l'environnement, les représentants de Renault. Il nous a semblé utile de compléter les éléments que Renault nous avait spontanément remis à la fin de l'année 2015 par une perquisition, qui a eu lieu le 7 janvier 2016, au siège de Renault, dans un centre technique et au Technocentre. Les éléments que nous avons recueillis dans le cadre de cette perquisition sont en cours d'examen.

Lors d'une perquisition, nous pouvons prélever des documents papier, mais également des éléments de la messagerie des cadres et des agents qui travaillent chez Renault. Ces perquisitions sont faites « en bloc », sachant qu'au niveau de la messagerie, nous ne pouvons pas faire usage, dans le cadre de notre enquête, de la correspondance de l'entreprise avec ses avocats.

Nous collectons l'ensemble des éléments de la messagerie qui nous paraissent avoir un lien possible avec notre enquête, puis nous vérifions, pièce par pièce, s'ils relèvent des échanges ou de la correspondance avec les avocats du groupe, auquel cas nous devons les retirer de l'ensemble des éléments sur lesquels nous pouvons appuyer notre enquête. Nous effectuons ce tri en présence des représentants de Renault et de leurs avocats.

Nous en sommes aujourd'hui à la phase d'audition d'un certain nombre de personnels de Renault, à qui nous demandons des explications complémentaires sur certaines pièces nécessaires à notre enquête. Les auditions des cadres de Renault, en présence des avocats de l'entreprise, ont commencé mi-mars et se poursuivent aujourd'hui.

La commission d'enquête indépendante pourrait se réunir dans quelques jours. Si la date est confirmée, il pourrait y avoir d'autres réunions, au cours desquelles de nouveaux résultats concernant d'autres constructeurs pourraient être communiqués, ce qui veut dire que nous pourrions être amenés à poursuivre nos investigations auprès de ces constructeurs.

La commission a auditionné Renault, ainsi que d'autres constructeurs, tels que Mercedes, Ford ou Opel, sur les dépassements des normes d'émissions polluantes et les écarts par rapport aux résultats des tests d'homologation.

En ce qui concerne l'articulation de ces actions nationales avec des actions menées dans un cadre plus large, une réunion de coopération entre les autorités judiciaires des États de l'Union européenne, sous l'égide d'Eurojust, s'est tenue le 10 mars dernier.

Sur les vingt-huit États membres, dix-neuf pays ont assisté à cette réunion, qui a permis un premier échange de vues, en particulier entre les autorités judiciaires françaises et allemandes, s'agissant notamment de l'articulation entre les procédures nationales de chacun des deux pays, afin de savoir s'il n'y avait pas empiètement ou chevauchement.

Il y a, en particulier, une règle selon laquelle on ne peut pas juger deux fois un auteur suspecté d'une infraction pour les mêmes faits. Un premier examen a eu lieu pour déterminer s'il y avait chevauchement entre les procédures françaises et les procédures allemandes et s'il était nécessaire de revoir le périmètre de l'une ou de l'autre.

Une réflexion est en cours sur ce sujet. Il semble qu'il n'y ait pas chevauchement, ce qui veut dire que la coopération entre les autorités judiciaires françaises et allemandes va se poursuivre, notamment pour clarifier le contour des procédures de l'un et l'autre pays.

J'en viens à une question que vous m'avez posée indirectement tout à l'heure.

Le cadre juridique qui s'applique n'est pas tout à fait le même dans l'ensemble des pays de l'Union européenne.

Dans certains pays, par exemple, il est possible de poursuivre les personnes morales, dans d'autres, de poursuivre les personnes morales ou les personnes physiques. Les moyens d'action ne sont donc pas harmonisés sur le territoire de l'Union européenne, ce qui incite à poursuivre les échanges entre les autorités judiciaires.

C'est un peu la même chose pour le droit de la consommation, même s'il est déjà très largement harmonisé. Cela étant, s'il existe un socle minimal identique dans les différents États de l'Union européenne, le cadre juridique peut être plus ou moins fourni selon les pays. Par conséquent, les moyens d'action peuvent aussi différer d'un pays à l'autre.

En ce qui concerne nos homologues, nous avons eu un premier contact avec les autorités de protection des consommateurs, mais les autorités de surveillance du secteur automobile ne sont pas forcément nos homologues au quotidien, s'agissant notamment de la protection des intérêts économiques des consommateurs. Nombre de mes homologues s'occupent de la protection des intérêts financiers des entreprises, par exemple, mais pas des questions de sécurité. Nos homologues, je le répète, ne sont pas toujours les personnes avec lesquelles nous échangeons quotidiennement.

La Commission européenne réunit, une fois par semestre, les autorités de protection des consommateurs, au sens générique du terme. Il est ressorti des échanges que nous avons eus que peu de pays avaient lancé des investigations aussi larges et approfondies que celles que nous avons menées, en tant qu'autorité de protection des consommateurs.

En ce qui concerne la remise en conformité des véhicules, nous ne sommes pas, dans le cadre des responsabilités actuelles. L'autorité de surveillance du marché des véhicules, c'est le ministère de l'environnement qui en a la charge, comme il a celle du contrôle de la conformité des véhicules qui sortent des lignes de fabrication françaises, sur la base des homologations qui leur sont, d'ailleurs, délivrées par ce ministère.

Aujourd'hui, nous ne sommes pas compétents en la matière, c'est-à-dire que nous n'exerçons pas de surveillance sur la mise en conformité des véhicules, même si nous faisons régulièrement le point, en lien avec le ministère de l'environnement, avec certains des constructeurs – notamment Volkswagen – pour savoir s'ils ont rappelé les véhicules pour les remettre en conformité, et à quel rythme.

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