L'environnement du CISME est à la fois complexe et peuplé d'acronymes.
Au fondement de notre organisation, qui remonte à 1946, nous trouvons 1,5 million d'employeurs employant environ 15 millions de salariés. Ces employeurs sont soumis à des obligations en matière de sécurité qui engagent leur responsabilité pénale. La directive-cadre européenne (directive 89391 CEE) de 1989, relative à la sécurité et à la santé au travail, rappelle le principe de la responsabilité individuelle de chaque employeur : la signature d'un contrat de travail l'oblige à agir en faveur de la sécurité et de la santé de son salarié.
Les entreprises de grande taille ont les moyens de créer des services internes de santé au travail, qui sont des services autonomes. Le CISME représente les services interentreprises des entreprises trop petites pour se doter d'une structure propre. Celles-ci sont amenées à créer une association loi de 1901 afin de mutualiser leurs moyens pour assumer leurs responsabilités en matière de santé et de sécurité au travail.
L'obligation née de la directive de 1989 a été considérablement renforcée par la jurisprudence française, celle-ci ayant notamment dégagé un principe d'obligation de résultat qui s'applique à chaque employeur.
Il existe quelque 270 services de santé au travail, dont la quasi-totalité adhère au CISME.
Depuis 2011, le fonctionnement des services de santé au travail interentreprises (SSTI) est paritaire. Leur conseil d'administration est composé à parité de représentants des employeurs et des salariés. Le président, issu des représentants des employeurs, dispose d'une voix prépondérante. Le trésorier est issu des représentants des salariés. Un contrôle social est exercé par la commission de contrôle (CC) composée aux deux tiers de représentants des salariés et présidée par un salarié.
À ce stade, je veux évoquer un élément important du fonctionnement des services de santé : le projet de service. Nous ne sommes pas certains de maîtriser totalement le concept de « paritarisme de gestion » qui a déjà été présenté devant votre mission d'information, mais nous savons que le paritarisme à l'oeuvre dans les conseils d'administration ne vise pas seulement à gérer des fonds, mais bien à exécuter une mission et à agir. Cette mission est formalisée dans un projet de service qui détermine les priorités d'action du service de santé au travail. Il est élaboré à partir d'une réflexion menée par les médecins du travail au sein d'une commission médico-technique ainsi qu'avec des équipes pluridisciplinaires. Il est soumis à l'approbation du conseil d'administration paritaire qui prend alors une décision pour l'action.
En 1946, le conseil d'administration d'un service de santé au travail pouvait prendre deux formes. Il pouvait n'être composé que de représentants des employeurs. Dans ce cas, lui était adjoint une commission de contrôle composée aux deux tiers de représentants des salariés, dont la présidence était assurée par un employeur. Le conseil d'administration pouvait également être composé à parité d'employeurs et de salariés, son président et son trésorier restant des employeurs. Dans ce cas, il n'y avait pas de commission de contrôle.
Une nouvelle formule est introduite, en 2004, avec un conseil d'administration composé pour les deux tiers de représentants des employeurs, et pour le tiers restant des représentants des salariés, ce qui permettait d'associer davantage ces derniers aux décisions prises. Une commission de contrôle, dans la même composition que celle qui existait déjà, était adjointe à ce conseil d'administration.
Depuis 2011, il n'y a plus le choix : le conseil d'administration est nécessairement composé à parité de représentants des employeurs et des salariés, tous issus d'entreprises adhérentes à l'association. Dans un souci de transparence financière, le législateur a souhaité que le trésorier de l'association soit un salarié – sachant que les services de santé au travail sont aussi sous le contrôle d'un commissaire aux comptes. Par ailleurs, la commission de contrôle adjointe au conseil d'administration a désormais un salarié pour président, son secrétaire étant un employeur.
Comme dans toute association loi de 1901, l'assemblée générale est souveraine. Depuis 1946, l'assemblée générale des employeurs adhérents valide le budget, et elle élit les représentants employeurs. Elle garantit le lien de responsabilité entre le service et chaque employeur adhérent. Par son adhésion, l'employeur donne mandat au conseil d'administration et à son représentant légal, son président, pour exécuter une mission et prendre en charge une responsabilité qui lui est propre.
Ce schéma de gouvernance s'inscrit dans un environnement complexe. Le paritarisme s'exerce au niveau local, dans chaque service de santé, mais également aux niveaux régional et national.
Les services de santé au travail exercent une activité réglementée par le code du travail. Le ministère de tutelle est celui du travail et non celui de la santé. La politique nationale en matière de santé au travail se décide au sein du conseil d'orientation des conditions de travail (COCT) et de son groupe permanent d'orientation (GPO) composé des partenaires sociaux. Le plan santé travail (PST) se présente comme une commande de la collectivité nationale dont les services de santé au travail doivent tenir compte. Au sein du COCT, des commissions spécialisées réunissent des représentants des salariés et des employeurs. Cette instance est l'antichambre du PST et des textes qui nous réglementent. Le dialogue social qui s'y noue conditionne notre activité. Vendredi dernier, le COCT a produit une note, signée par quatre organisations représentant les employeurs et quatre organisations représentant les salariés, dans laquelle se dégage un consensus très fort sur l'évolution de notre activité.
La politique, pensée au niveau national, est déclinée par région et mise en oeuvre dans ce cadre par le préfet de région. La direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) exécute cette politique de santé au travail débattue au niveau local au sein du conseil régional d'orientation des conditions de travail (COREOCT) – l'ancien comité régional de prévention des risques professionnels (CRPRP). Ce conseil élabore une déclinaison du plan national : le plan régional de santé au travail (PRST), qui tient compte des spécificités de la région. Le paritarisme est à l'oeuvre au sein du COREOCT dans le collège numéro 2 au sein duquel siègent les partenaires sociaux.
La prévention concerne aussi les accidents du travail et les maladies professionnelles. À ce titre, l'État contractualise avec la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS). Cette démarche est guidée par la commission des accidents du travail et des maladies professionnelles (CATMP) dans laquelle siègent les partenaires sociaux. Des priorités d'action sont définies puis formalisées dans une convention d'objectifs et de gestion (COG) par un plan national d'actions coordonnées (PNAC). Celui-ci est décliné, au niveau régional, dans chaque caisse d'assurance retraite et santé au travail (CARSAT) par des plans d'action régionaux (PAR) et des contrats pluriannuels de gestion (CPG). Tout cela a longtemps fonctionné en tuyaux d'orgue, mais nous essayons, ces dernières années, d'engager une convergence.
Évidemment, on attend des services de santé au travail qu'ils contribuent aux objectifs nationaux et régionaux. Une double responsabilité est en jeu : celle, individuelle, du chef d'entreprise, et celle de l'État auquel il appartient de fixer un cadre du fait de ses obligations régaliennes.
J'ajoute que les conseils paritaires régionaux en santé au travail (COPAREST), les anciens observatoires régionaux en santé au travail, ont vocation à réunir les partenaires sociaux au niveau de la région pour définir les orientations en amont des réflexions du COREOCT, définir les mandats, et discuter des orientations en matière de santé au travail pour la région. Une véritable maturation du dialogue social a donc bien lieu en amont des politiques de santé au travail. La CARSAT siège au COREOCT où elle a une influence sur la nature du PRST et sur ses objectifs.
Pour ne pas brouiller les responsabilités de chacun, le législateur a proposé que soit passé un contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens. Il permet de faire signer par un président de service de santé, au nom de ses adhérents employeurs, un document qui met en avant un objectif commun à tous les acteurs. Cette signature permet de préserver la responsabilité de chaque employeur.