Intervention de Pierre Ferracci

Réunion du 23 mars 2016 à 16h00
Mission d'information relative au paritarisme

Pierre Ferracci, président du Groupe Alpha :

Nous avons abordé certains de ces sujets, mais parfois assez rapidement, car le temps nous était compté – il a d'ailleurs été un peu raboté à la fin, car le Gouvernement souhaitait agir de manière urgente. Je vous donnerai donc un avis personnel.

Fort heureusement, la loi relative à la sécurisation de l'emploi et la loi relative au dialogue social et à l'emploi, dite « loi Rebsamen », ont fait évoluer la segmentation des négociations dans l'entreprise : c'est une très bonne chose d'avoir rassemblé, par grands blocs, les informations et consultations du comité d'entreprise avec les négociations correspondantes. En revanche, je trouve un peu dommage que l'on n'ait pas été au-delà de la négociation des seules orientations du plan de formation, lequel constitue un enjeu essentiel en termes de sécurisation. Car c'est moins au niveau de la branche ou du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels que dans l'entreprise que l'on peut atteindre des cibles microéconomiques et donner des moyens supplémentaires à ceux qui en ont le plus besoin. La négociation du plan de formation dans l'entreprise aurait été un signal fort. Peut-être parviendra-t-on à l'obtenir ultérieurement.

Aujourd'hui, il y a un blocage non seulement du paritarisme, ainsi que je l'ai évoqué, mais aussi du fonctionnement des institutions représentatives du personnel (IRP). Les comités d'entreprise, les comités de groupe et les comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) continuent bien entendu à jouer un rôle très utile – ce n'est évidemment pas moi qui dirai le contraire –, mais on s'aperçoit que les IRP ont beaucoup de mal à jouer un rôle d'anticipation sur les questions que nous avons abordées, peut-être en raison de leur histoire depuis soixante-dix ans. Parfois, c'est la faute des dirigeants d'entreprise, qui dissimulent certaines de leurs décisions jusqu'au dernier moment. Parfois, c'est aussi la faute de certains syndicats, qui pratiquent la politique de l'autruche, en se disant que, si l'on n'examine pas le problème, il n'arrivera peut-être pas tout de suite ; or, en général, il surgit aussi vite qu'il le doit.

Dès lors, il faut continuer à travailler sur le rôle des IRP et leur donner ce pouvoir d'anticipation qu'elles n'ont pas ou que, dans certains cas, elles ont perdu. Selon moi, la présence d'administrateurs salariés dans les conseils serait une façon de dépasser le débat. Certes, il ne s'agit pas de rêver à une codétermination sur le modèle allemand, avec une représentation paritaire dans les conseils de surveillance – et non pas dans les directoires, qui assurent la gestion quotidienne –, mais on a été un peu frileux en n'accordant qu'un ou deux administrateurs salariés selon la taille de l'entreprise. Selon moi, si l'on veut donner plus de poids aux syndicats demain, il faut être cohérent et franchir une étape supplémentaire, en attribuant un poste d'administrateur à chaque syndicat représentatif dans l'entreprise, qu'il y en ait deux ou cinq – nous sommes un certain nombre à avoir fait cette suggestion. En effet, la question est non pas celle du nombre d'administrateurs, mais celle du nombre de droits de vote, qui peut être limité, par exemple, à 30 % du total – la plupart des syndicats ne souhaitent d'ailleurs pas en détenir davantage.

Aujourd'hui, on demande avant tout aux représentants des salariés et aux organisations syndicales de gérer les conséquences des décisions qui sont prises sans eux. La meilleure façon d'évoluer demain serait de leur donner la parole au moment où les décisions sont prises – je parle là des conseils d'administration qui jouent pleinement leur rôle, et non des cas où il y a une double réunion, l'une avec les administrateurs salariés, et l'autre, la « vraie », sans eux. Écouter la voix des administrateurs salariés ou des représentants des syndicats n'enlèverait rien au pouvoir de l'employeur. Cela modifierait seulement un peu l'angle d'attaque. Souvent, les intéressés connaissent bien l'entreprise, sont attachés à elle et ont une vision de sa stratégie qui n'est pas dénuée d'intérêt, loin s'en faut. Cela permettrait de parvenir à un équilibre que, de mon point de vue, on n'a pas réussi à trouver avec les IRP telles qu'elles fonctionnent aujourd'hui.

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