Merci, monsieur le directeur général, pour la vision prospective que vous venez d'apporter à notre Commission sur le prestigieux festival d'art lyrique que vous dirigez et qui se tourne, à vous entendre, résolument vers l'avenir, avec confiance et engagement. Permettez-moi de vous féliciter pour l'excellence du travail que vous menez à la tête du Festival international d'art lyrique d'Aix-en-Provence. Désigné ambassadeur culturel européen en 2013, il s'est vu décerner le prix du meilleur festival aux International Opera Awards en 2014 !
Chacun se souvient de votre action à la tête du théâtre royal de la Monnaie de Bruxelles, l'une des plus belles maisons d'opéra en Europe. Vos qualités d'interprète sur la scène internationale, votre intérêt pour tous les répertoires, la capacité dont vous avez si souvent témoigné à relever les défis, votre attention très particulière et maintes fois manifestée pour l'accès à l'opéra du plus grand nombre ont construit ce festival et l'ont maintenu au plus haut niveau.
L'action menée en faveur du public représente en effet un volet important du projet que vous avez conduit dans un souci constant de proximité. Proximité des artistes, des oeuvres et des spectateurs, proximité également du Festival avec sa ville et son territoire, dont les habitants bénéficient de conditions d'accueil particulières.
Pour reprendre le sociologue Edgar Morin, la culture est ce qui relie les connaissances éparses d'une société dont le sens se perd quand les savoirs restent trop compartimentés, et trop étrangers les uns aux autres. La société de la connaissance doit aussi être une société de culture, qui décloisonne notre vision du monde et des êtres humains.
Votre présentation souligne la richesse de l'univers culturel qu'est l'opéra, ses métamorphoses récentes et à venir, sans oublier son caractère toujours socialement orienté vers les catégories socioprofessionnelles supérieures. Permettez-moi de me référer ici à l'ouvrage L'Opéra de Paris, Gouverner une grande institution culturelle, rédigé il y a maintenant plus de dix ans par MM. Philippe Agid et Jean-Claude Tarondeau, qui souligne que la sociologie des publics de l'opéra a peu évolué au cours du temps et ce, malgré les actions de démocratisation engagées.
C'est pourquoi je souhaite vous interroger sur les résultats des études sociologiques que vous avez pu mener auprès des publics que vous accueillez. En effet, pour assurer son développement et son ouverture, le Festival a fait le choix de l'excellence, de la créativité, du partage et de la transmission. En proposant à la fois le grand répertoire revisité, mais aussi des petites formes et des créations interculturelles, vous avez favorisé la création lyrique et le renouvellement d'un patrimoine savant souvent considéré comme élitiste.
D'après vous, l'action culturelle passe par l'élargissement du répertoire, la mise en oeuvre de nouveaux outils de communication, des actions de terrain, qui sont l'avenir et le gage de la pérennité d'un festival comme le vôtre. Quel bilan tirez-vous de cette action culturelle ? Les élèves des classes sensibilisées reviennent-ils avec leurs parents ? Comment aborder le virage du numérique pour l'opéra ? La politique tarifaire a-t-elle permis de diversifier votre public ? Le public qui assiste aux manifestations gratuites proposées dans la ville intègre-t-il ensuite les « murs » du Festival ?
Je souhaite également vous interroger sur les modes de financement du Festival. Pourriez-vous nous indiquer la structuration de vos ressources, leur répartition entre sources publiques et privées, l'intervention des différents échelons territoriaux et les résultats de la mise en oeuvre de partenariats et d'incitation au mécénat culturel ?
D'ailleurs, j'aurais aimé connaître votre avis sur les sous-commissions « Culture » des commissions territoriales de l'action publique (CTAP), réunions destinées à mettre tous les décideurs publics autour de la table pour évoquer l'aménagement culturel du territoire et le financement croisé des événements d'envergure territoriale.
La culture, c'est la vie, c'est le poumon d'un territoire, ce qui fait respirer le monde. Elle doit être partout, au coeur des territoires ruraux comme dans les quartiers les plus démunis. L'accès de tous à la culture passe donc par le rééquilibrage des territoires et sa diffusion « hors les murs » pour faciliter l'accès à des esthétiques d'exception. Le Festival d'Aix-en-Provence ne peut y échapper.
Je tiens à nouveau à vous féliciter pour l'approche active et engagée que vous nous avez proposée.