Intervention de Anthony Requin

Réunion du 15 mars 2016 à 17h00
Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Anthony Requin, directeur général de l'Agence France Trésor, AFT :

Les éléments structurels qui permettent à une dette de se stabiliser ou de diminuer sont doubles. Pour diminuer le ratio de la dette par rapport au PIB, il faut que le dénominateur – le PIB – augmente plus vite que le numérateur – la dette.

La première question que vous nous avez posée portait sur la justification de l'existence d'une agence autonome, ainsi que sur l'adéquation entre nos moyens et nos missions.

L'Agence France Trésor n'est pas une agence dotée de la personnalité morale ; c'est un service à compétence nationale, placée sous l'autorité du directeur général du Trésor et du ministre. Elle n'a donc pas ses comptes propres, elle fait partie intégrante de l'État. Elle a été créée pour donner de la visibilité, pour créer une marque reconnue par les investisseurs – ce qui est le cas. Il s'agissait aussi de lui donner une certaine autonomie dans les processus de marketing et de vente de la dette publique, dans un souci d'efficacité opérationnelle. Mais nous n'avons pas voulu couper les liens avec l'État et son insertion au sein du ministère des finances et de la Direction générale du Trésor, ainsi que nos liens avec la direction du Budget, avec la direction générale des Finances publiques, nous donnent accès à de nombreuses informations macro-économiques et budgétaires qui nous permettent d'apporter des réponses aux questions posées par les investisseurs.

L'AFT compte aujourd'hui 40 personnes, 18 femmes et 22 hommes, aux compétences et aux parcours très variés. Parmi ces personnes, il y a aujourd'hui 28 fonctionnaires, qui connaissent les processus financiers de l'État, et 12 contractuels, qui sont des professionnels des marchés. Nous avons une organisation sous forme de 8 cellules qui nous permettent de travailler opérationnellement avec efficacité.

Nous sommes assistés par un comité stratégique, dont vous avez reçu le président. Ce comité consultatif nous aide à tester des idées ; il nous permet d'avoir des échanges avec des professionnels de marché aux profils internationaux.

Quant aux moyens techniques, juridiques, matériels dont nous disposons, comme n'importe quel responsable d'administration publique on pourrait souhaiter naturellement en avoir davantage… Mais nous sommes très conscients des contraintes du secteur public, et j'estime que la qualité de notre personnel nous permet d'exercer notre mission correctement.

Votre deuxième question portait le processus d'adjudication. Vous vous demandiez si nous gagnions de l'argent sur le prix de vente aux enchères des titres de dette publique, et comment cet argent était employé.

Nous sommes, je l'ai dit, un service à compétence nationale : notre activité est retracée dans le programme 117 Charge de la dette et trésorerie de l'État et dans le compte de commerce Gestion de la dette et trésorerie de l'État, ainsi qu'à titre subsidiaire dans le compte de commerce Couverture des risques financiers de l'État. Nous ne disposons pas de budget propre, ni de compte de résultat : nous ne pouvons donc pas gagner de l'argent pour nous-mêmes ; tous nos gains reviennent au contribuable en moindre charge d'intérêt de la dette.

Une troisième question portait sur l'intérêt de connaître avec précision la base des investisseurs de la dette publique française. Vous nous demandiez également des précisions sur les territoires à partir desquels il était possible d'opérer pour acquérir de la dette française.

La connaissance précise de l'ensemble des détenteurs de la dette française serait une information intéressante bien sûr. Il serait cependant très difficile d'en avoir une photographie exacte à un moment donné : la dette française s'échange sur le marché secondaire, et change donc de mains de jour en jour. Ces transactions sont importantes : 10 milliards d'euros par jour, 3 600 milliards par an – chiffres à comparer à celui du stock, qui est de 1 600 milliards.

De plus, une obligation de déclaration qui s'imposerait aux détenteurs de dette française, et uniquement à eux, nous ferait prendre un risque car ce serait un désavantage compétitif par rapport aux autres États si une telle obligation ne s'appliquait pas à eux. Les investisseurs, en effet, n'aiment pas dévoiler leurs positions sur le marché, pour des raisons dont certaines me semblent légitimes.

Ainsi, beaucoup de nos investisseurs sont des banques centrales, qui doivent placer des réserves de change et souhaitent disposer d'actifs sûrs et liquides. Mais les banques centrales peuvent aussi, parfois, être amenées à réaliser des transactions dans le cadre de leur politique de change, donc à vendre des quantités de titres importantes. Elles font partie du secteur public d'un État étranger : de telles transactions massives pourraient les placer en position inconfortable vis-à-vis des pays émetteurs, car cela pourrait être interprété comme un signal négatif, un geste de défiance.

Quant aux investisseurs privés – assureurs, fonds de pension… – ils ne souhaitent pas dévoiler au marché, à tout moment, leurs positions. Ce serait pour eux un risque, car les marchés connaissent les règles de diversification et de prise de risque : ils pourraient donc savoir, dans certaines configurations de marché, quand ces investisseurs vont être obligés de vendre certains titres. La publication de leurs positions pourrait donc se retourner contre eux.

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