Intervention de Christophe Sirugue

Réunion du 7 avril 2016 à 9h00
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Sirugue, rapporteur :

Je remercie les collègues qui ont eu des mots sympathiques à mon égard. Je suis bien convaincu de leur sincérité.

Certains me font cependant un procès en « rigidité ». Ils oublient que je propose de modifier la rédaction du projet de loi présenté par le Gouvernement. Si nous n'introduisons pas de distinctions entre les entreprises selon leur taille, la durée requise de baisse significative du chiffre d'affaires ou des commandes s'établirait indifféremment à quatre trimestres, en application des dispositions supplétives prévues par le texte. Je ne propose donc pas d'introduire une rigidité, mais, bien au contraire, d'adopter des dispositions d'ordre public qui permettent d'établir une distinction entre les entreprises sur le fondement de seuils dont j'ai bien constaté l'existence durant les auditions. Nous verrons d'ailleurs que ceux qui me critiquent à ce sujet ont eux-mêmes présenté des amendements visant à établir des seuils.

Personne ne prétend qu'il n'y aurait pas de différence entre un artisan et une entreprise de 400 salariés. Pour autant, fallait-il qu'il y ait autant de seuils ? J'avoue que, dans un premier temps, je n'avais défini que trois catégories, avec des seuils à 10 et à 50 salariés. Divers échanges m'ont amené à prendre en considération la profonde différence qui sépare une entreprise de 55 salariés d'une autre qui en compte 1 000. J'ai donc ajouté un seuil à 300 salariés. Il me semble erroné de parler de rigidité, s'agissant d'un élément d'adaptation à la réalité économique !

Quant aux critères choisis, comme la commission des affaires économiques, nous avons retenu ceux qui reviennent le plus souvent dans la jurisprudence. La mention de « tout élément de nature à justifier ces difficultés » soulève des interrogations. Nous sommes pourtant dans l'obligation de l'inclure en raison de la jurisprudence du Conseil constitutionnel qui considérerait que, si elle ne figurait pas dans le texte, nous porterions atteinte à la liberté d'entreprise.

Au-delà de cette obligation constitutionnelle, cette mention permet de laisser au juge une capacité d'appréciation. La jurisprudence montre qu'il prend position en tenant compte, par exemple, de la concurrence, d'une crise conjoncturelle ou d'un problème de productivité. Certes, les critères stricts de baisse du chiffre d'affaires ou de tels indicateurs ne peuvent pas suffire à caractériser des difficultés économiques. Mais, madame Khirouni, cette rédaction permet d'inclure les problématiques spécifiques aux associations. Nous n'ouvrons pas un fourre-tout qui permettrait de justifier des licenciements économiques par n'importe quel argument : au contraire, nous permettons au juge de développer une argumentation et d'apprécier la situation.

Après les nombreuses auditions que nous avons menées, à l'occasion desquelles les acteurs de terrain nous ont fait passer des messages, le renvoi à la négociation collective de la définition des critères du licenciement économique me paraît être quelque chose de fou. Cette disposition était dans le projet de loi, mais, parce que je ne partage pas ce choix, je présente un amendement qui introduit des critères qui sont strictement d'ordre public pour définir le licenciement économique : ils ne relèvent donc ni de la négociation ni de dispositions supplétives, et ils s'imposent partout. Certes, ces éléments, proposés en accord avec Yves Blein, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, apportent aux chefs d'entreprise des précisions sur les conditions d'un licenciement économique, mais ils fournissent aussi des éléments au juge pour qu'il s'oppose à ce que l'on en vienne à faire n'importe quoi.

Ainsi, nous parvenons à un certain équilibre. Il s'agit de s'adapter à une réalité caractérisée par une disparité des situations qui tient à la fois à la géographie, à la diversité de la jurisprudence, à la taille des entreprises, aux difficultés des divers marchés, à la crise économique. Le législateur ne peut pas ne pas en tenir compte et ne pas donner d'orientations nouvelles.

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