Intervention de Michel Issindou

Réunion du 7 avril 2016 à 15h00
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Issindou :

M. Accoyer peut lire mon récent rapport sur le sujet, dont l'article 44 est un peu la traduction. Je conçois que ces dispositions ne le satisfassent pas, mais il ne peut pas dire qu'aucune concertation n'a été organisée : nous avons procédé à 78 auditions et rencontré de très nombreux salariés et médecins du travail notamment. M. Sebaoun et moi avons une approche différente du problème. Dans le cadre de ce rapport, nous sommes partis d'un constat très simple, celui de la pénurie de médecins du travail. Celle-ci est si importante qu'actuellement, les obligations légales ne sont pas respectées. Je rappelle en effet que chaque salarié doit, tous les deux ans, passer une visite chez un médecin du travail. Or, actuellement, nous sommes très loin du compte. L'administration accorde même des dérogations qui portent à quatre, cinq ou six ans, voire beaucoup plus, le délai séparant deux visites.

La position d'Hervé Gosselin, qui a participé avec moi à la mission de 2014, a évolué depuis le rapport qu'il a remis en 2007. Nous avons défini grosso modo trois catégories de postes. La première catégorie regroupe les postes dits de sécurité – celui de pilote de ligne, par exemple – qui doivent être soumis aux contrôles les plus stricts, même si ceux-ci ne sont pas infaillibles, comme en témoigne l'affaire de la Germanwings. La deuxième catégorie est celle des postes dits à risque dont le nombre doit demeurer raisonnable. Je reconnais que nous avons encore quelques difficultés à les définir très clairement, mais ils sont déjà connus, puisqu'ils sont décrits dans le rapport. Les salariés qui occupent ces postes doivent voir, avant leur embauche puis de manière régulière, le médecin du travail, car, pour diverses raisons, leur travail met en jeu leur santé – il existe, du reste, de nombreuses similitudes entre ces postes à risque et les cas de pénibilité. Ces postes exigent, non pas des visites de contrôle, mais une prévention régulière destinée à s'assurer que ces personnes sont en bonne santé.

La troisième catégorie regroupe l'ensemble des autres postes. Nous devons faire face à la pénurie : les effectifs de médecins du travail sont de 5 000 équivalents temps plein et ils ne seront plus que de 2 500 dans quinze ans. La situation est dramatique ! Aujourd'hui, seulement 3 millions des 20 millions de visites d'embauche – leur nombre a augmenté en raison de la multiplication des CDD et des contrats d'intérim – qui devraient être organisées sont effectuées. Beaucoup de salariés commencent à travailler, et parfois même quittent l'entreprise, avant d'avoir passé la visite médicale. On peut déplorer cette pénurie et réclamer que l'on revalorise cette belle médecine à laquelle je crois, mais le fait est qu'elle est en train de se casser la figure. Nous avons donc estimé – et c'est pourquoi je ne soutiens pas cet amendement – qu'il fallait cibler les salariés les plus exposés et définir des priorités. Ainsi ceux qui présentent apparemment le moins de risques doivent être vus à intervalles plus longs, de quatre à cinq ans au maximum. C'est une mesure de bons sens, et c'est dans cet esprit que le texte a été bâti.

La visite d'embauche peut être décalée à l'après-embauche ; il s'agirait d'une visite de prévention qui consisterait en un entretien avec le salarié. Les visites seraient donc rapprochées pour ceux qui en ont besoin et plus espacées pour les autres. C'est, de fait, ce qui se passe aujourd'hui. Or, il faut mettre la loi en accord avec les pratiques. On ne peut pas continuer à faire semblant d'ignorer le problème. C'est pourquoi l'article 44, qui me satisfait pleinement, va dans le bon sens : il correspond à ce qu'est la réalité de la médecine du travail.

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