Intervention de Jean-Bernard Lévy

Réunion du 5 avril 2016 à 18h00
Commission des affaires économiques

Jean-Bernard Lévy, président-directeur général du groupe électricité de France, EDF :

Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, je suis très heureux d'avoir la possibilité de m'entretenir à nouveau avec vous sur la situation d'EDF. L'entreprise évolue actuellement dans un contexte européen de l'électricité très déprimé : le graphique que nous vous avons distribué montre que les prix de marché ont été divisés par deux ces deux dernières années, atteignant aujourd'hui 26 à 27 euros. Cela est dû essentiellement à la baisse du prix des matières premières énergétiques et à une consommation atone du fait, en particulier, de la crise économique, alors que de nouvelles capacités de production se déploient de façon soutenue en France et plus largement en Europe occidentale. Je reviendrai plus tard en détail sur ces points.

De nombreux énergéticiens sont dans des situations financières très difficiles, qui les ont amenés à des résultats déficitaires et, pour certains d'entre eux, à des mesures drastiques – je pense à des scissions de grands groupes en deux ou plusieurs entreprises indépendantes. Tel n'est pas le cas d'EDF. Parmi les grands énergéticiens européens, EDF est le seul à être resté chaque année bénéficiaire. Grâce à la compétence et à la mobilisation des salariés, et grâce à notre choix historique en faveur de l'électricité d'origine nucléaire, nous sommes un électricien performant bas carbone et nous mettons à la disposition de nos clients, en particulier en France, une électricité bien moins chère que chez tous nos voisins, une électricité abondante qui assure la sécurité d'approvisionnement du pays, et qui nous permet d'exporter et donc de créer ou de maintenir des emplois de haute qualification en France. Ainsi, notre situation est singulière dans un contexte européen de l'énergie très déprimé.

Peu après mon arrivée à EDF, nous avons défini notre stratégie pour le long terme, Cap 2030, que désormais nous mettons en oeuvre. Cette stratégie vise à faire d'EDF le leader de la production bas carbone.

Grand opérateur intégré avec une forte culture de service public, EDF, comme on a coutume de le dire, est le service public préféré des Français, et ce n'est pas une réalité du passé : l'image d'EDF est très positive dans toutes les catégories de la population française. Cela nous oblige à être à la hauteur des attentes des Français, de nos clients qui nous sont fidèles, des riverains de nos ouvrages qui nous font confiance, des jeunes qui souhaitent nous rejoindre. Cette image, nous la devons aussi à la compétence ainsi qu'au sens du service public et de la responsabilité des salariés du groupe, qui sont légitimement très fiers de leur entreprise.

Premier exploitant nucléaire au monde, EDF s'appuie sur l'ensemble d'une filière industrielle, qui comprend de grandes entreprises, mais aussi de nombreuses PME présentes dans pratiquement toutes les régions françaises, actives à l'exportation, et qui représente, après l'aéronautique et l'automobile, la troisième filière industrielle de notre pays. Prochainement, l'intégration de l'activité réacteurs d'Areva au sein du groupe EDF contribuera à donner une parfaite cohérence à notre filière d'excellence.

Leader européen dans les énergies nouvelles renouvelables (EnR), le groupe EDF a inscrit au coeur de sa stratégie le développement de nouveaux moyens de production d'énergie renouvelable en complément de sa production hydraulique. Notre filiale spécialisée EDF-EN est présente partout dans le monde et connaît une forte croissance, en pleine cohérence avec la logique de diversification du mix dans le cadre de la transition énergétique.

EDF est bien implantée dans les services énergétiques. Les attentes des entreprises, des collectivités et des particuliers sont de plus en plus fortes en matière de services énergétiques, afin de pouvoir mieux piloter leur propre consommation, de l'adapter à leurs rythmes et d'en optimiser le volume. Le groupe EDF accélère son développement dans ces services d'efficacité énergétique, notamment depuis la reprise de Dalkia.

Nous avons de fortes capacités d'innovation. Point singulier par rapport à nos principaux concurrents, nous faisons un gros effort en matière de recherche et développement, avec un budget de 600 millions d'euros, 2 000 chercheurs principalement situés en France, mais aussi présents en Allemagne, en Chine, en Californie, ainsi que le pôle de Saclay où des personnes de la R&D d'EDF sont arrivées ces dernières semaines. Nous avons de nombreuses et positives interactions avec l'écosystème de l'innovation – startups, incubateurs, acteurs du monde scientifique et académique.

Cap 2030 est une stratégie de long terme. Elle est fondée sur une conviction de ce que sera le monde de l'énergie demain. L'énergie sera bas carbone, tant sur le plan du climat que sur le plan géopolitique – je pense aux engagements de la COP21. C'est un monde où les consommateurs seront aussi des acteurs : ils voudront être producteurs, piloter eux-mêmes leur consommation. C'est un monde dans lequel de nombreux moteurs de croissance auront besoin de davantage d'électricité : les véhicules électriques, les industries de la communication au sens large avec internet, etc. L'électricité est donc la solution pour ceux qui recherchent un monde décarboné, dans un modèle où la production décentralisée se superposera – elle ne se substituera pas – au modèle centralisé et hiérarchisé actuel.

Notre objectif est la proximité avec nos clients. Les services, le développement d'outils numériques, des propositions pour améliorer l'efficacité énergétique, voilà comment nous allons innover, nous rapprocher de nos clients et développer les usages performants de l'électricité.

Le kWh français étant désormais très largement décarboné, le recours à l'électricité pour le chauffage des logements permet de réduire drastiquement les émissions de gaz à effet de serre, de préserver le pouvoir d'achat des ménages, et de mieux maîtriser les coûts de construction. Or une réglementation récente aboutit paradoxalement à exclure les solutions électriques au profit des énergies fossiles pour le chauffage des logements. Cette réglementation calcule les objectifs de consommation non pas sur la quantité d'énergie effectivement consommée dans le logement, mais sur la quantité d'énergie primaire où, par une convention datant des années quatre-vingt, 1 kWh électrique pèse 2,58 fois plus qu'un kWh produit à partir des énergies fossiles. Résultat : dans le logement collectif neuf, la part de l'électricité est passée en quatre ans de 70 % à 10 %, et celle du gaz de 30 à 73 %. Voilà l'effet de la RT 2012 : le remplacement massif d'une énergie décarbonée par une énergie fossile. La loi prévoyait bien de prendre en compte également les émissions de C02, mais elle n'est pas appliquée.

En matière de bas carbone, nous avons soutenu ardemment la COP21, et nous nous sommes réjouis de son succès. EDF dispose d'un parc de production qui n'émet que 15 g de CO2 par kWh produit, soit 20 fois moins que la moyenne de ses voisins européens. Ce chiffre exceptionnellement bas correspond à un parc de production reposant essentiellement sur des énergies renouvelables et sur le nucléaire.

Comme vous le savez, les ambitions du groupe EDF en matière de développement des énergies renouvelables sont très grandes. La production renouvelable d'EDF repose d'abord sur l'hydraulique, première des énergies renouvelables, source d'énergie puissante, stockable et disponible, et sans laquelle les chiffres que je viens de citer sur le C02 ne seraient pas atteignables. La production renouvelable d'EDF repose également, et de plus en plus, sur l'éolien, le solaire et la chaleur renouvelable.

Le groupe EDF est devenu le premier producteur d'énergie renouvelable en Europe et l'un des premiers dans le monde, derrière les Chinois. Nous investissons chaque année un peu plus de 2 milliards d'euros pour produire de nouvelles capacités de renouvelables, soit un peu plus que notre investissement dans le nouveau nucléaire. Notre objectif est de doubler la capacité du parc renouvelable d'ici à 2030, en passant de 28 à 50 GW dans le monde.

Nous sommes convaincus que l'avenir repose sur un mix de renouvelables et de nucléaire : le nucléaire apporte une excellente disponibilité et un coût très compétitif ; les renouvelables apportent un complément décarboné très puissant lorsqu'il vente ou qu'il fait soleil. EDF a donc mis en oeuvre des méthodes de gestion du parc qui nous permettent de moduler la production nucléaire de façon à ce qu'elle complète la production renouvelable. Le résultat est d'une grande efficacité au service de la transition énergétique.

Il nous faut donc conforter le parc nucléaire existant, et faire le grand carénage. Ce programme dont le principe a été approuvé par le conseil d'administration d'EDF en janvier 2015, peu de temps après mon arrivée, est indispensable. C'est un programme de grande ampleur pour l'ensemble de la filière nucléaire en matière d'emplois. C'est un programme très rentable et très utile pour la collectivité nationale. Il s'agit de prolonger la durée de fonctionnement de nos centrales, tout en augmentant encore leur niveau de sûreté. Il se fera naturellement sous réserve de l'accord de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Le coût du grand carénage s'établira à environ 51 milliards d'euros courants sur la période 2014-2025 – soit 15 % de moins par rapport à notre évaluation initiale à la faveur de l'optimisation de nos dépenses. Environ 40 % de nos investissements annuels seront ainsi consacrés à ce programme pour prolonger nos centrales d'au moins dix années – sans doute de vingt années pour une bonne partie d'entre elles. De nombreuses centrales américaines de même technologie ont obtenu leur autorisation de prolongation à 60 ans, et certaines ont déposé des dossiers, en cours d'instruction, pour aller jusqu'à 80 ans.

Il faut aussi préparer l'avenir du nucléaire, avec les EPR. Nous venons de franchir à la date prévue – et j'en félicite les équipes – le premier jalon clé de la mise en service de l'EPR de Flamanville, conformément au calendrier mis à jour à l'été 2015 et prévoyant un démarrage du réacteur au quatrième trimestre 2018. La nouvelle organisation, que j'ai mise en place peu après mon arrivée pour garantir la maîtrise industrielle du chantier avec nos partenaires, s'avère donc plus efficace.

Vous m'avez interrogé sur le projet Hinkley Point, Madame la présidente. En quoi ce projet est-il important et pourquoi faut-il le faire maintenant ?

D'abord, ce projet est rentable pour le groupe EDF. Après avoir négocié ces dernières années avec le Gouvernement britannique, nous avons obtenu un prix de vente de l'électricité produite par les deux réacteurs qui est un prix garanti sur une période de 35 ans, de 2025 à 2060. Ce prix est indexé sur l'inflation. Le taux de rentabilité de l'investissement est d'environ 9 % par an, et 95 % de cette rentabilité sont réalisés pendant les 35 années où le prix est garanti. Ce contrat, qui a été validé par la Commission européenne, est robuste. Il ne s'agit pas d'une loi ou d'un décret, qui pourrait être modifié à l'avenir par le Gouvernement britannique, mais d'un contrat entre l'État britannique et la filiale d'EDF qui construira et exploitera les deux réacteurs. EDF n'investit pas seule, mais avec China General Nuclear Power Group (CGN), son partenaire chinois de bientôt trente-cinq ans, qui portera un tiers de l'investissement total, soit environ la même proportion que celle portée par EDF dans la construction des deux EPR de Taishan en Chine. Cette confiance de nos partenaires chinois qui, comme nous, connaissent bien ce produit EPR, nous rend particulièrement satisfaits.

Ensuite, le projet est mûr, et tout est prêt pour le lancer. Les accords avec l'État britannique et les accords avec notre partenaire chinois CGN ont été approuvés par la Commission européenne. Les contrats avec les principaux fournisseurs et prestataires sont finalisés ; bien sûr, ils pourraient être remis en cause, ce qui ferait augmenter le devis, en cas de retards, mais ces contrats sont aujourd'hui finalisés dans des devis serrés, et les équipes sont prêtes à démarrer. Le projet Hinkley Point intègre le retour d'expérience de la construction des trois réacteurs de Flamanville 3 et de Taishan : c'est déjà le cas pour l'essentiel, l'ingénierie et la conduite des chantiers ; ce sera également le cas lorsque le premier béton de sûreté à Hinkley Point prévu en 2019 sera coulé, puisque nous aurons mis en service Taishan et Flamanville. Les deux réacteurs d'Hinkley Point seront donc la suite logique des quatre premiers EPR construits dans le monde.

Bien évidemment, un projet d'une telle ampleur et d'une telle durée présente des risques. Une revue des risques, conduite à ma demande fin 2015, a établi que les risques sont bien identifiés et sont surmontables, moyennant la mise en oeuvre d'une série de recommandations. J'ai décidé d'appliquer la totalité de ces recommandations. Sur la base de mon expérience industrielle, je puis vous assurer que ce n'est qu'une des revues de risques qui interviendra lors du chantier : d'autres analyses de risques auront lieu tout au long du projet, ce qui est une pratique habituelle et normale pour des projets de cette ampleur.

J'ajoute que le report du projet Hinkley Point n'est pas opportun. Certains évoquent la nécessité de reporter le projet après la mise en service de Flamanville et de Taishan. Cela n'est ni nécessaire, ni faisable. Pourquoi ? Premièrement, un tel report – je ne sais de quelle durée, trois ans, cinq ans, six ans ? –, n'est pas une option pour le Gouvernement britannique et l'amènerait à se tourner vers des solutions alternatives. Le contrat pour différence deviendrait caduc, et nous devrions tout renégocier. Le partenariat avec CGN serait remis en cause, or il nous apporte 8 milliards d'euros. Les contrats avec les principaux fournisseurs, qui permettent de sécuriser 70 % des coûts, devraient également être renégociés. Les dépenses déjà engagées sur le projet seraient en grande partie perdues. Nous entrerions dans une zone d'incertitude majeure. Deuxièmement, Hinkley Point est un bon projet. La construction de ces deux réacteurs ouvre des perspectives majeures pour l'ensemble de la filière nucléaire française, filière d'excellence. Ce projet nous permettra de disposer d'une offre plus compétitive lorsque, dans quelques années, la question du renouvellement du parc se posera en France.

Vous m'avez également interrogé sur Areva, Madame la présidente. L'apport de l'activité réacteurs d'Areva, en cours de finalisation, sera pour nous un atout pour garantir la performance de notre production bas carbone, la mise en cohérence de la filière, ainsi que la préservation des emplois et des perspectives d'exportation.

Je voudrais maintenant revenir sur le contexte économique. Vous le savez, le prix des combustibles et le prix du C02 sont historiquement bas, et la demande d'électricité en France et en Europe est durablement stable. L'efficacité énergétique fait de grands progrès, et nous nous en réjouissons, mais ses effets associés à ceux, plus massifs, de la faible croissance économique et surtout de la désindustrialisation de la France et de l'Europe induisent une baisse de la demande d'électricité qui n'est pas encore compensée en volume par la hausse induite par la démographie et le développement des nouveaux usages de l'électricité – véhicules électriques, data centers, etc. Il en résulte une demande stable depuis plusieurs années, alors que l'offre augmente chaque année en raison des politiques volontaristes de financement public des énergies renouvelables partout en Europe – en France, le parc d'énergies renouvelables a augmenté de 2 000 MW en 2015. Ce phénomène est vraisemblablement durable : les marchés montrent que, sur les trois prochaines années, les prix seront au niveau très bas atteint ces dernières semaines.

Or la situation d'EDF a changé en quelques années. EDF est maintenant fortement exposée au prix de marché, en raison principalement de la fin des tarifs jaunes et verts, dont nous subissons les effets depuis le 1er janvier 2016. Simultanément, nous avons un programme d'investissement important : le grand carénage, qui vise à prolonger nos centrales nucléaires existantes ; le développement des énergies renouvelables, avec un doublement de la puissance installée d'ici à 2030 ; le développement du nouveau nucléaire et la préservation de la filière, ne serait-ce que pour renouveler notre propre parc, préserver les compétences et les emplois ; l'adaptation du réseau d'ERDF aux énergies renouvelables, au numérique – aux smart grids –, ainsi qu'au déploiement des compteurs Linky, conformément à une directive européenne, programme que nous avons commencé à mettre en oeuvre à grande échelle depuis quelques mois. Ainsi, notre équation financière est sous tension. Néanmoins, dans cet environnement dégradé, nos résultats sont restés positifs chaque année, alors que tous les énergéticiens européens ont connu des pertes de valeur massives qui ont conduit beaucoup d'entre eux, certaines années, à connaître des pertes comptables majeures.

Face à cette situation nouvelle, née de la baisse à 26 ou 27 euros des prix du marché de gros, les réponses apportées par EDF visent à renforcer notre structure bilancielle et à poursuivre dans nos missions de long terme les missions de Cap 2030, les missions de la loi relative à la transition énergétique, et d'une façon générale la préservation du service public et des emplois directs chez EDF et de toute la filière qui bénéficie des commandes d'EDF.

Premièrement, nous avons un programme de cessions. Notre dette est importante – elle a malheureusement crû chaque année de façon significative – depuis trop longtemps. Nous devons réduire le périmètre d'EDF, l'objectif étant de nous concentrer sur nos actifs clés, tels que définis dans la stratégie Cap 2030. Nous allons donc céder des participations minoritaires, ainsi que des actifs de production qui émettent beaucoup de dioxyde de carbone ; et nous envisageons de céder jusqu'à 50 % du capital de RTE dans le cadre de la stratégie mise au point par le directoire de celle-ci.

Deuxièmement, nous mettons en place un plan d'économies. Dès 2015, nous avons commencé à renverser les tendances précédentes. Pour la première fois depuis bien longtemps, nos charges d'exploitation ont baissé de 1,4 %, soit de 300 millions d'euros en 2015. Cette situation nouvelle va se prolonger.

Nous avons aussi à ajuster nos effectifs. Après une augmentation significative de 2009 à 2014, les effectifs d'EDF ont – là aussi pour la première fois depuis longtemps – légèrement baissé en 2015. Dans la mesure où les départs en retraite seront nombreux dans les années à venir, nous préparons une baisse des effectifs plus accentuée qui nous permettra à la fin de la décennie de rapprocher le niveau des effectifs d'EDF à celui du début de la décennie.

Ce plan d'économies prévoit également la mise en place d'une plus stricte régulation de nos investissements. Nous voulons baisser d'environ 2 milliards d'euros nos investissements à l'horizon 2018 par rapport au niveau atteint en 2015. Cela sera possible grâce à la fin de plusieurs programmes importants – les systèmes électriques insulaires, le terminal gazier de Dunkerque, le programme immobilier de Saclay – et par une concentration de nos efforts sur les investissements réellement stratégiques. Les nouveaux investissements de développement seront financés par des cessions.

Troisièmement, nous avons ouvert un dialogue avec l'État qui est à la fois notre actionnaire majoritaire – puisqu'il détient 85 % de notre capital – et le régulateur du secteur. M. Emmanuel Macron vous l'a expliqué : l'État a modifié la manière dont il applique la politique de dividendes, en décidant pour l'exercice 2015 de ne pas toucher le dividende versé par EDF sous forme de cash, mais de le laisser dans l'entreprise en étant rémunéré sous forme de titres.

Nous discutons aussi avec l'État sur l'adaptation du modèle de marché, qui pourrait être envisagé dans le cadre de la réglementation.

Nous parlons également de consolidation du bilan et de renforcement des fonds propres. Là aussi, M. Emmanuel Macron s'est exprimé devant vous, et je n'ai rien à ajouter puisqu'il s'agit bien d'une prérogative de l'actionnaire.

Pour terminer, je dirai que nous sommes préoccupés par le cadre de régulation européen mis en place. Le modèle actuel de marché n'est pas durable : tous les énergéticiens sont en grande difficulté, et plus aucun investissement ne se réalise sans subvention – sans mécanisme artificiel pour que les prix soient payés in fine de façon garantie par les consommateurs. Il existe des possibilités pour améliorer cette réglementation, et je me rends fréquemment à Bruxelles pour évoquer ces sujets.

Tout d'abord, nous souhaitons que soit donné un prix minimum au carbone pour la production d'électricité, comme l'ont fait la Suède et le Royaume-Uni. Or dans certains pays voisins, de nouveaux investissements, qui viennent renforcer le surcroît d'offre par rapport à la demande, sont fortement polluants et générateurs de CO2 – politique totalement à l'opposé des engagements pris dans le cadre européen ou de la COP21. Nous considérons qu'un prix minimum de la tonne de carbone, de 30 à 40 euros, permettrait de remettre dans le bon ordre de mérite les moyens de production en fonction de leurs émissions de CO2, notamment en faisant passer le charbon derrière le gaz.

Ensuite, nous souhaitons faire reconnaître la valeur des capacités de production nécessaires à la sécurité d'approvisionnement. Nous avons connu ces derniers temps des hivers peu rigoureux, mais en cas de grand froid durable – comme en 2012 –, l'absence de black-out n'est pas garantie, selon nos experts, au vu des fermetures de centrales non rentables que tous les électriciens mettent en oeuvre.

Enfin, nous souhaitons que soit examiné un nouveau cadre régulatoire permettant aux investissements d'être fondés sur un marché. Car aujourd'hui, tous les investissements ne sont justifiés que par des garanties sur le prix de vente, c'est-à-dire par une augmentation automatique de la facture des clients finals.

Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, nous nous trouvons à un tournant. La transition énergétique, les nouvelles technologies, les prix de marché, la situation générale des énergéticiens en Europe, tous ces paramètres imposent à EDF de prendre des mesures différentes de celles qui ont fait son succès pendant 70 ans. L'entreprise, qui fête en effet cette semaine ses 70 ans d'existence, est donc devant un grand chantier de transformation que j'ai l'honneur de conduire. Ainsi, EDF est en train de s'organiser pour répondre à ces défis avec la même réussite que celle qui lui a permis d'être aujourd'hui l'entreprise de service public la plus performante et l'entreprise de service public préférée des Français.

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