La quantité et la qualité des questions prouvent l'intérêt de la représentation nationale pour le groupe que j'ai l'honneur de présider.
Je commence par le sujet des concessions hydrauliques, évoqué par Mmes Marie-Noëlle Battistel, Marie-Lou Marcel et Jeanine Dubié, et sur lequel M. Emmanuel Macron s'est exprimé devant vous. La Commission européenne a mis en demeure la France assez sévèrement, en créant un lien entre l'aval et l'amont : cela nous a beaucoup surpris. L'entreprise, en liaison étroite avec les membres du Gouvernement concernés, combat l'essence même de cette mise en demeure à la fois sur l'hydraulique et les concessions dans les territoires – l'Aveyron, les Hautes-Pyrénées, les Alpes. Nous souhaitons préserver ce lien territorial très fort, mais aussi le modèle intégré d'EDF que les Français chérissent. En clair, le moindre lien entre la situation de telle ou telle concession, ou dans le parc hydraulique français en général, et le modèle intégré d'EDF nous semble totalement injustifié. Pour l'instant, la Commission n'a pas déclaré la France en infraction, et nous avons entendu dire que la voie serait ouverte à une négociation. Je peux donc dire aujourd'hui à la représentation nationale qu'EDF est tout à fait disposée à entrer dans des discussions qui pourraient engager la France ; autrement dit, nous souhaitons accompagner l'État, s'il le décide, dans la recherche d'un compromis. Ainsi, nous allons réfléchir à la manière de protéger la valeur de l'eau, pas simplement parce que l'eau permet de produire de l'énergie, mais aussi parce qu'elle apporte, à travers divers mécanismes auxquels nous sommes très attachés, des bénéfices collectifs aux territoires concernés – je pense à l'irrigation, au tourisme, etc. Nous serons très attentifs à la manière dont les dispositions votées dans le cadre de la loi relative à la transition énergétique pourraient être mises en oeuvre par le ministère : mise en place de sociétés d'économie mixte ; prolongation contre travaux, qui a fait ses preuves dans d'autres secteurs d'activité avec des bénéfices indéniables pour l'économie. À cet égard, nous avons d'ores et déjà entamé des discussions préliminaires très intéressantes avec le ministère dirigé par Mme Ségolène Royal. Ce sujet des concessions hydrauliques figure au premier plan des préoccupations de la direction générale du groupe EDF, et nous serons très attachés à accompagner l'État dans les discussions qui semblent se dessiner avec la Commission européenne en étant en permanence les meilleurs défenseurs de ce trésor national, l'eau qui tombe sur nos montagnes et nos collines.
Je passe au sujet des énergies nouvelles. EDF a une vision très pragmatique des différentes contributions possibles de la nature aux énergies renouvelables. De ce point de vue, nous essayons – à la mesure de nos moyens, réduits depuis quelques années – d'anticiper les grandes tendances en matière d'énergies renouvelables. Je le rappelle : dans le cadre de notre stratégie Cap 2030, nous sommes extrêmement ambitieux en matière d'énergies renouvelables. Nous souhaitons ainsi mener à bien les trois grands projets d'éoliennes en mer qui nous ont été attribués voilà quatre ans, sur la base de décisions de principe prises par le Grenelle de l'environnement il y a…neuf ans. Nos équipes travaillent sur ces dossiers de construction d'éoliennes en mer, de très grands chantiers en termes de construction et de technologie qui permettront la création d'une filière industrielle. Or on me dit que le premier de ces champs d'éoliennes en mer se développera au mieux en 2020 ou 2021. Je dois vous dire que je suis frappé du temps qu'il faut dans notre pays entre une décision de principe prise fin 2007, un appel d'offres conclu début 2012 et une mise en service éventuelle en 2020 ou 2021. EDF souhaiterait aller plus vite et l'accumulation de nos dépenses aujourd'hui pour une production d'électricité à un horizon éventuel de 2020 ou 2021 est un défi très important pour l'entreprise. Je puis donc vous rassurer, Monsieur Denis Baupin : EDF Énergies Nouvelles a de très grands projets en France. Par ailleurs, nous développons des champs d'éoliennes dans un certain nombre de régions terrestres, dès lors que nous gagnons les appels d'offres. Il nous arrive de ne pas gagner des appels d'offres, certains s'en réjouissent, d'autres s'en désolent ; mais il nous arrive aussi d'en gagner, et nous travaillons un peu partout, notamment en Champagne-Ardenne et en Languedoc-Roussillon, sur des projets d'éoliennes dans des conditions qui répondent à nos objectifs de rentabilité financière.
Madame Béatrice Santais, le stockage est le complément idéal des énergies intermittentes. En la matière, EDF procède de plusieurs façons. D'abord, nous stockons de l'énergie au moyen du pompage des installations hydroélectriques, permettant de remonter l'eau une première fois turbinée en haut du barrage et de la refaire passer à l'intérieur du système pour returbiner l'eau quand l'électricité a beaucoup de valeur, en particulier lors de la pointe du matin ou du soir. EDF souhaite que la France puisse améliorer son potentiel de stockage en la matière, et c'est pourquoi nous espérons que des dispositions seront prises dans le cadre de discussions avec la Commission européenne sur le réexamen de la régulation de l'hydraulique, d'autant qu'il y a des projets intéressants dans différents endroits du territoire français. Ensuite, nous stockons l'énergie dans des batteries, domaine où nous sommes très actifs. J'ai moi-même visité début février à La Réunion un dispositif très intéressant et très novateur, non pas une batterie locale de petite échelle, Madame la députée, mais une batterie de grande échelle, mise en place directement dans le réseau. Ce dispositif permet, lorsqu'il y a trop de courant du fait d'un grand ensoleillement, et donc un besoin en énergie modeste, de stocker le courant et de le réutiliser lorsque les Réunionnais rentrent chez eux et ont besoin de davantage de courant électrique pour leurs besoins domestiques. Nous avons mis en place ce dispositif en Guyane, et nous avons d'autres projets de ce type à la Réunion et aux Antilles. J'ajoute qu'EDF a décidé de consacrer une part significative de son budget recherche et développement à cette question importante du stockage, en particulier sur les manières d'optimiser les cellules des batteries.
Madame Corinne Erhel, j'ai parlé de l'éolien offshore – des champs d'éoliennes qui se voient, certains diront malheureusement –, mais il est intéressant aussi de parler des énergies marines qui ne se voient pas, sous la mer. Nous sommes actifs dans un consortium associant un autre grand groupe français, DCNS, pour travailler au large de la Bretagne sur des expérimentations d'hydroliennes placées dans des endroits où les courants marins sont forts, comme à Paimpol-Bréhat au large des Côtes-d'Armor. Notre objectif est d'aider au développement d'une nouvelle filière, si elle fait ses preuves sur le plan à la fois technologique et économique. Il est donc trop tôt pour en parler. La première de ces hydroliennes, que j'ai pu voir dans le port de Brest dans le cadre de mes fonctions précédentes, a été transportée sur place voilà quelques semaines et elle va commencer à produire du courant dans peu de temps. Pour EDF, il s'agit là d'un domaine très intéressant de développement pour l'avenir.
Madame la présidente, vous m'avez demandé si la décision de céder 50 % du capital de RTE était prise. La situation est la suivante : aucune décision n'est prise à ce jour, mais, bien avant mon arrivée, EDF avait inscrit dans le plan d'évolution de son périmètre la possibilité de céder jusqu'à 50 % du capital de RTE. Ce projet, qui existe donc depuis de nombreuses années, n'a pas encore été mis en oeuvre. Dans le cadre de nos discussions avec l'État sur la nouvelle trajectoire financière d'EDF, qui résulte des prix de marché, nous devons réfléchir à la manière d'optimiser le patrimoine d'EDF, en nous concentrant sur les actifs essentiels. RTE est un actif essentiel pour la Nation, mais ce n'est plus EDF qui le gère depuis de nombreuses années. En effet, RTE étant le transporteur de toute l'électricité produite en France, EDF n'a plus aucune influence – en dehors de quelques éléments financiers, comme la fixation du dividende – sur la gestion et les programmes d'investissement de RTE. Ainsi, RTE est une société totalement indépendante d'EDF quant à ses grandes orientations stratégiques, ses choix d'investissement. Il est paradoxal que, du fait de cette réglementation – dont je ne dis pas qu'elle est illogique –, l'actionnaire à 100 % de RTE qu'est EDF ne puisse avoir une influence stratégique sur les choix essentiels de RTE. Quoi qu'il en soit, 50 % du capital de RTE ont été placés dans les actifs d'EDF qui sont dans un compartiment spécial, lequel garantit les ressources qui nous permettront de gérer le démantèlement des centrales nucléaires et la fin du cycle de vie des déchets nucléaires correspondants – ce sont les projets de démantèlement et du centre d'enfouissement des déchets nucléaires Cigeo. Ces actifs dédiés détiennent donc 50 % du capital de RTE, et nous considérons comme une bonne chose que ces 50 % continuent à être logés dans ce compartiment spécial de notre bilan. Quant aux 50 % restants, nous discutons sur des évolutions possibles avec l'État et RTE, dont le président M. François Brottes réfléchit de son côté à un projet industriel. Nous verrons si ce projet industriel permet d'inscrire une évolution du capital de RTE dans le cadre de la stratégie qu'elle va définir, et les décisions seront prises à ce moment-là. Je vous propose d'inviter le président de RTE…