Intervention de François Cuenot

Réunion du 30 mars 2016 à 11h00
Mission d'information sur l'offre automobile française dans une approche industrielle, énergétique et fiscale

François Cuenot, représentant l'ONG européenne Transport et Environnement, T&E :

J'ai entendu le président du directoire de Volkswagen France s'exprimer devant votre mission d'information, le 9 février dernier. Il indiquait clairement que tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes. Selon lui, en Europe, Volkswagen n'était pas coupable d'avoir utilisé des logiciels truqueurs – defeat devices. Le constructeur a pourtant reconnu les faits s'agissant des mêmes moteurs, des mêmes instruments, et des mêmes logiciels aux États-Unis.

Cette différence de posture pourrait s'expliquer par l'écart entre le droit européen et le droit américain. Le contexte légal aux États-Unis est pourtant très proche de celui de l'Union européenne : les définitions du système d'invalidation sont identiques, et les exemptions sont les mêmes. La seule nuance notable repose sur le fait que, aux États-Unis, lors de la demande d'homologation, il y a obligation de déclarer l'utilisation de systèmes d'invalidation. Volkswagen s'appuie sur ce point, mais les choses ne sont pas claires.

En effet, si, en Europe, on considère que l'utilisation de ces systèmes est interdite, rien ne précise si leur usage peut être déclaré, auprès de qui il faut le faire, ou qui est responsable. L'ONG International Council on Clean Transportation (ICCT) a publié la semaine dernière, une note qui compare le cadre légal aux États-Unis et en Europe.

L'Office fédéral allemand de régulation du secteur automobile, le Kraftfahrt-Bundesamt (KBA), a cependant exigé que les véhicules Volkswagen soient remis en condition en Europe, ce que le constructeur fait de façon « volontaire » puisqu'il ne reconnaît pas s'être placé dans l'illégalité. Il y a une sorte de flou en Europe : je suppose que plusieurs actions légales seront entamées, des ONG y travaillent. Nous en faisons partie, car il importe de savoir si Volkswagen ou d'autres constructeurs se sont placés dans l'illégalité.

La plupart des constructeurs entendus par la commission Royal, au sein de laquelle je siège au nom du RAC, indiquent que leur système de contrôle d'émissions, en particulier la vanne dite EGR – pour Exhaust gas recirculation, recirculation des gaz d'échappement –, cesse de fonctionner, ou fonctionne seulement, dans des conditions très strictes de température. Pourtant la réglementation européenne prévoit clairement que les constructeurs doivent donner des détails sur la stratégie de fonctionnement des systèmes EGR en incluant des informations sur l'utilisation à basse température. À ce jour, les autorités françaises n'ont pas fourni de détails sur les éléments dont elles disposaient avant que n'éclate l'affaire Volkswagen ; nous devrions aborder ce sujet lors de la prochaine réunion de la commission. Cette question importante touche directement au moins un constructeur français.

Pour en venir à la « comitologie », l'affaire Volkswagen a provoqué des réactions différentes de la part de la Commission européenne, des États membres, et des ONG.

La Commission a bien mesuré l'ampleur du problème : elle rédige actuellement des textes aux ambitions plus grandes que par le passé.

Le 28 octobre dernier, à Bruxelles, se trouvait ainsi sur la table une proposition relative aux tests d'émissions de gaz polluants effectués selon la procédure RDE, incluant des facteurs de conformité plutôt ambitieux de 1,6 à court terme et de 1,2 à moyen terme. Cependant, les États membres se sont retranchés derrière une ligne business as usual – certains d'entre eux restent sous l'emprise des constructeurs automobiles. Ils ont affaibli ces facteurs de conformité qui sont passés respectivement à 2,1 et 1,5, ce qui se révèle assez peu ambitieux après le scandale Volkswagen. Nous le déplorons.

De la même façon, s'agissant de la procédure d'homologation, la Commission a mis sur la table une proposition assez ambitieuse. Nous verrons quelle attitude adopteront les pays membres. Il semble que la France s'apprête à suivre la Commission et qu'elle comprenne que pour gagner en crédibilité, il faut un système robuste.

Paradoxalement, l'affaire Volkswagen a rendu la tâche des ONG européennes plus complexe. Il est en effet aujourd'hui plus difficile qu'hier d'obtenir des informations de façon informelles en raison de l'exposition médiatique très forte des sujets en question.

Vous m'avez aussi interrogé sur la collaboration de FNE et de Transport et Environnement avec PSA. Notre objectif est double. Nous voulons augmenter la transparence, et donner des valeurs plus crédibles aux consommateurs sur la consommation de leur véhicule dans la réalité. Nous définissons un nouveau protocole, robuste, représentatif et reproductible, qui reste à développer.

Nous pensons qu'il est possible d'influencer les prochaines politiques européennes, notamment pour ce qui concerne l'après 2020-2021, avec l'objectif de 95 grammes de CO2 au kilomètre, ou l'application des tests RDE aux mesures de pollution de l'air. Certains éléments en développement dans le cadre de la mise en place de la procédure RDE se trouvent déjà dans le protocole en cours avec PSA, comme le démarrage à froid, ou l'impact de la régénération du filtre à particules. Nous espérons que le législateur européen profitera de nos travaux.

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