Intervention de Danielle Auroi

Réunion du 29 mars 2016 à 17h00
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanielle Auroi, Présidente :

La Médiatrice européenne, Emily O'Reilly, a ouvert une enquête relative à la transparence de ces trilogues, à laquelle je vais répondre par un courrier, ce dont je souhaitais vous informer.

Qu'est-ce qu'un trilogue ? Les propositions de règlements et de directives adoptées selon la procédure législative ordinaire, c'est-à-dire la grande majorité des textes européens, peuvent faire l'objet de deux lectures en navette entre le Parlement européen et le Conseil, et d'une phase de conciliation, que l'on peut comparer avec nos CMP.

Au cours de ces dernières années, les accords en premières lectures se sont multipliés de manière impressionnante : alors que 30 % des textes étaient adoptés dès la première lecture sous la législature 1999-2004, c'était le cas de 72 % des textes adoptés sous la législature 2004-2009, et de 85 % des textes adoptés sous la législature 2009-2014. L'accord dès la première lecture est donc devenu le mode « normal » d'adoption des textes.

Ce phénomène est permis par la multiplication de réunions informelles appelées « trilogues ». Ces trilogues, qui ne sont pas prévus par les traités, réunissent des représentants du Parlement européen, de la Commission européenne et du Conseil.

Ainsi, sous la précédente législature, 1 500 trilogues ont été organisés, sur 350 dossiers de codécision environ (certains dossiers ont nécessité un nombre considérable de trilogues : par exemple, la négociation du cadre financier pluriannuel a nécessité 364 trilogues).

Concrètement, chaque institution désigne pour les trilogues des négociateurs : le Conseil est représenté par la présidence du Conseil (en général, le Représentant permanent ou Représentant permanent adjoint), le Parlement européen par une délégation composée du président de la commission concerné, du rapporteur et les rapporteurs fictifs, la Commission européenne par un haut fonctionnaire.

Ces trilogues devaient permettre de renforcer l'efficacité du processus décisionnel européen, mais la durée moyenne d'adoption des actes n'a fait qu'augmenter au cours des dernières années.

Surtout, la multiplication des trilogues pose de véritables questions en matière de transparence.

Ces réunions ne sont pas prévues par les traités, et sont très opaques : aucun compte-rendu n'est fait de ces réunions, et aucune information claire n'est disponible sur la liste des trilogues en cours ou leur ordre du jour. Ils sont donc devenus une véritable « boîte noire » au sein du processus législatif de l'Union européenne.

Cette opacité rend le contrôle démocratique du processus décisionnel très difficile, pour les parlements nationaux mais également pour le Parlement européen lui-même. Elle rend également plus complexe la compréhension par la société civile et les citoyens européens du processus décisionnel et des différentes positions en présence.

Par exemple, sur les minerais de conflits, après le vote du Parlement européen en mai 2015, les trilogues doivent commencer sous présidence néerlandaise, et seront probablement très conflictuels, mais il est difficile d'en savoir plus sur le calendrier des réunions et sur leur contenu.

Enfin, cette pratique rebat les cartes de l'équilibre entre les institutions de l'Union par rapport aux règles fixées par les traités, au profit de la Commission européenne, qui joue un rôle actif dans ces trilogues, et non pas seulement un rôle d'arbitre ou d'animateur, et au détriment du Parlement européen.

J'ai donc souhaité répondre à la consultation lancée par la médiatrice européenne pour porter les inquiétudes de notre commission sur l'absence de transparence de ces trilogues à sa connaissance, et lui indiquer notre soutien à des mesures plus ambitieuses, comme la publication des calendriers et des documents de travail des trilogues. Je propose notamment la création d'un registre public des trilogues.

Par ailleurs, j'attirerai l'attention de la Médiatrice sur la nécessité de traduire les documents les plus importants issus de ces trilogues dans toutes les langues de travail de l'Union européenne.

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