Intervention de Christian Eckert

Réunion du 13 avril 2016 à 12h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Christian Eckert, secrétaire d'état chargé du budget :

Monsieur le président de la commission, madame la présidente de la commission des affaires européennes, mesdames et messieurs les députés, les questions de calendrier sont toujours complexes. L'Assemblée nationale ne siège pas cette semaine, nous en sommes bien conscients. Mais nous étions tenus par les délais de transmission des documents, en amont au Haut Conseil des finances publiques, en aval à la Commission européenne. L'usage selon lequel le programme de stabilité est présenté à votre commission aussitôt après le Conseil des ministres qui l'adopte est ainsi respecté, et nous vous remercions de votre présence aujourd'hui.

Nous vous prions d'excuser Michel Sapin, qui vient de s'envoler vers Washington pour assister au G20 des ministres des finances.

Ce programme de stabilité, qui est bien sûr entièrement cohérent avec le programme national de réforme que vous présentera Emmanuel Macron, retrace les grandes orientations économiques et budgétaires de la France et participe à la coordination de ces politiques économiques au sein de l'Union européenne. Avant de l'adresser à la Commission européenne et à nos partenaires d'ici à la fin du mois, nous aurons l'occasion d'en débattre en séance publique mardi 26 avril, comme vous l'avez rappelé, monsieur le président.

Vous constaterez que ce document recèle peu de nouveautés : nos grandes orientations économiques et budgétaires n'ont pas changé car seule la constance, dans les objectifs et dans la méthode, permet d'obtenir des résultats tangibles et durables.

La constance dans la politique fiscale, c'est la poursuite des baisses d'impôts. Après avoir totalisé 24 milliards d'euros en 2015, le pacte de responsabilité représentera, avec le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), 34 milliards de baisses de cotisations et de fiscalité pour les entreprises en 2016. Ces allégements massifs soutiennent la production et l'emploi ; ils sont décisifs pour la prospérité du pays.

La constance dans la politique budgétaire, c'est la poursuite de la réduction du déficit grâce au plan d'économies de 50 milliards sur trois ans annoncé en 2014. Tous les organismes publics sont associés à cet effort, et toute dépense nouvelle est financée par des économies à due concurrence. C'est la condition pour mettre en oeuvre les baisses de prélèvements tout en nous donnant les moyens d'agir pour financer nos priorités, comme pour réagir lorsque de nouveaux besoins se font sentir dans le courant d'un exercice budgétaire.

Comme nous l'avions anticipé, l'environnement macroéconomique s'améliore progressivement. Cette tendance devrait se poursuivre.

La croissance s'est installée sur des bases solides en 2015 : elle a atteint 1,2 %, dépassant l'objectif initial de 1 % que certains jugeaient pourtant optimiste. Cette dynamique, portée par la consommation et l'investissement, pourrait s'accélérer en 2016.

Les ménages voient leur pouvoir d'achat progresser fortement, grâce à la politique de modération fiscale ainsi qu'à la baisse du prix du pétrole : il a augmenté de 1,8 % l'an dernier. C'est sa plus forte progression depuis 2007, et il devrait rester dynamique en 2016 et 2017. En conséquence, la consommation progresse : après une hausse de 1,4 % l'an dernier, elle devrait croître de 1,6 % par an en 2016 et 2017.

Les entreprises voient leurs marges se redresser : c'est une étape nécessaire pour investir et produire en France. Ainsi, leur taux de marge a déjà repris les deux tiers du chemin perdu avec la crise, pour atteindre 31,4 % à la fin de l'année 2015. Avec le déploiement complet du pacte de responsabilité, le taux de marge reviendra à son niveau moyen d'avant crise. Tout cela crée les conditions d'une accélération de l'investissement des entreprises : après avoir progressé de 2 % l'an dernier, il devrait augmenter de plus de 3 % en 2016.

Dans ce contexte, l'économie française a renoué avec les créations d'emploi dans le secteur privé en 2015, avec 100 000 emplois créés. Ce rythme devrait s'accélérer dès cette année, grâce au renforcement de la reprise et au déploiement du plan d'urgence pour l'emploi.

En 2015, la croissance s'est donc affermie, marquant la première année de reprise économique effective.

Pour 2016, les derniers développements conjoncturels sont cohérents avec notre prévision de 1,5 % de croissance. Le Haut Conseil des finances publiques a rendu ce matin son avis sur les prévisions macroéconomiques associées au programme de stabilité et il considère cette prévision comme « atteignable ». Maintenir cette ancre permet d'assurer une stabilité essentielle à la conduite sereine de la politique budgétaire.

La seule modification majeure que contient ce document concerne l'inflation : alors que notre prévision était de 1 % pour 2016 à l'automne, elle devrait être à nouveau quasiment nulle cette année – 0,1 % selon nos prévisions – avant de revenir progressivement vers sa cible de 2 %. C'est la nouvelle baisse du prix du pétrole depuis janvier qui entraîne un redressement de l'inflation plus lent que prévu.

Si la situation s'améliore sur le front de l'économie, elle s'améliore aussi sur le front des finances publiques.

Permettez-moi de revenir tout d'abord sur l'année 2015. Le passé éclaire l'avenir, j'en suis persuadé, et les similitudes entre 2015 et 2016 ne manquent pas. Ce que nous avons réussi l'an dernier, nous pouvons le réussir cette année – la méthode a fait ses preuves.

Les résultats de 2015 sont meilleurs que prévu : le déficit s'établit à 3,5 % du PIB ; c'est mieux que ce que nous avions anticipé.

Les dépenses ont diminué de 1,4 milliard d'euros d'exécution à exécution – je pense que vous êtes sensible à ce point, monsieur le président : ce ne sont pas là des tendances. C'est le résultat d'une gestion réactive du budget : tout au long de l'année, nous avons su dégager de nouveaux moyens pour agir. Cette année, nous ferons de même : toute dépense nouvelle sera financée, à commencer par le plan emploi, le plan d'urgence en faveur des agriculteurs et les mesures en faveur de la jeunesse. Concrètement, ces dépenses seront financées par deux moyens principalement : la réserve de précaution a été augmentée de 1,8 milliard d'euros par le gel des crédits reportés de 2015 à 2016, et elle atteint aujourd'hui un peu plus de 11 milliards d'euros ; prochainement, un décret d'avance va gager les dépenses sur l'emploi par des économies supplémentaires.

Les comptes de la sécurité sociale se sont également améliorés en 2015. En quatre années, le déficit du régime général a été divisé par trois, enregistrant son niveau le plus bas depuis 2002. Là encore, ces bons résultats viennent de la maîtrise de la dépense : la progression des dépenses d'assurance maladie a été contenue à 2 %, niveau historiquement bas. Cette année encore, nous allons poursuivre cet effort ; l'objectif voté – 1,75 % – est ambitieux. L'avis du Comité d'alerte sur l'évolution des dépenses d'assurance maladie publié aujourd'hui confirme que nous pouvons l'atteindre.

Les élus locaux se sont également emparés du sujet du rétablissement des comptes publics. Permettez-moi de vous rappeler les faits : la dépense locale a ralenti, dépenses de fonctionnement comme dépenses de personnel, et les recettes ont progressé plus vite que les dépenses. La politique budgétaire du Gouvernement se révèle efficace : pour la première fois depuis 2003, le solde des administrations locales est excédentaire ! Cette année encore, grâce au mouvement désormais enclenché, la maîtrise de la dépense sera poursuivie et cette situation financière globalement bonne permettra aux collectivités de relancer leurs investissements : en 2015, les collectivités ont augmenté leurs dépôts sur le compte du Trésor ; elles ont donc mis de l'argent de côté et disposent des marges nécessaires pour relancer l'investissement.

En 2016 comme en 2015, nous prenons aussi des mesures complémentaires pour absorber l'impact négatif de la faible inflation sur les finances publiques : 3,8 milliards d'économies complémentaires vont être réalisées en 2016, au-delà du financement des dépenses nouvelles. En voici le détail précis : après financement des mesures nouvelles, les dépenses de l'État et des opérateurs seront diminuées d'un milliard d'euros ; un autre milliard d'économies sera également réalisé sur les dépenses sociales, avec notamment la pérennisation des économies constatées en 2015 ; enfin, 1,8 milliard d'euros seront économisés grâce à de moindres dépenses sur la charge d'intérêts. Cette dernière économie est permise par la seule révision à la baisse des taux d'intérêt – le taux à dix ans à la fin 2016 est désormais prévu à 1,25 %, contre 2,4 % en loi de finances initiale.

Pour 2017, les orientations fixées par ce programme de stabilité sont constantes et inchangées : poursuivre la réduction du déficit pour qu'il repasse en deçà de 3 %, continuer à baisser les impôts et financer tout cela par des économies. C'est ce que nous faisons depuis deux ans et c'est ce que nous continuerons à faire jusqu'à la fin du quinquennat.

J'en viens maintenant à la description un peu plus agrégée de notre trajectoire : le taux de progression de la dépense publique en 2014 et en 2015 a été limité à environ 1 %. Cette progression sera maintenue à un niveau similaire en 2016 et en 2017. Sur ces quatre années, nous avons engagé une vraie rupture avec le passé car la dépense avait progressé en moyenne de 3,2 % entre 2007 et 2012.

S'agissant des recettes, le taux de prélèvements obligatoires a baissé en 2015 pour la première fois depuis 2009. La baisse va se poursuivre ; nous atteindrons 44 % en 2017, avec le déploiement des baisses d'impôts du pacte de responsabilité et de solidarité.

Le résultat d'un déficit qui se réduit et d'une croissance qui repart, c'est une dette qui se stabilise. Celle-ci n'aura progressé que de 0,4 point en 2015 pour atteindre 95,7 % du PIB. C'est bien peu quand l'on regarde le rythme de progression de la dette depuis 2007.

Après avoir augmenté fortement depuis 2008, la dette est aujourd'hui quasi stabilisée. Maîtriser ainsi nos grands équilibres, c'est également la condition pour préserver la qualité de la signature de la France et se financer à bas coût. La semaine dernière, nous avons emprunté à dix ans à un taux de 0,43 % – c'est un record. Cette semaine même, nous avons réalisé une émission à maturité de cinquante ans à 1,9 %, événement rare, puisque la dernière opération de ce type avait eu lieu en 2010, à un taux de 4,2 %.

Ces bonnes conditions de financement nous permettront de dépenser à nouveau moins au titre des charges d'intérêts en 2016 qu'en 2015 – 43,1 milliards d'euros contre 44,1 milliards pour l'ensemble des administrations. Et comme il est d'usage, nos prévisions de taux d'intérêt restent prudentes : 1,25 % fin 2016, et 2 % fin 2017.

Depuis 2012, le Gouvernement et la majorité assument la responsabilité d'apurer des années de laisser-aller budgétaire : si nous n'avions rien fait, le déficit public se serait établi à près de 7 %. Au lieu de cela, il a été divisé par deux depuis le pic de la crise et il sera ramené sous les 3 % à horizon 2017.

Pour la première fois depuis l'année 2000, nous avons l'an dernier baissé à la fois le déficit et le taux de prélèvements obligatoires.

Voilà les éléments du débat passionné que nous ne manquerons pas d'avoir.

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