Je viens pour ma part, comme chaque année, vous présenter le programme national de réforme, dans la continuité de ce que Christian Eckert vient de vous indiquer. J'évoquerai aussi ses premiers résultats – notre débat de l'an dernier avait, je m'en souviens, porté notamment sur leur évaluation.
Ce programme national de réforme comprend quatre axes principaux.
Il s'agit tout d'abord d'assurer la soutenabilité et la qualité des finances publiques. Cet aspect vient d'être détaillé, et je n'y reviens pas. Certaines de nos réformes – celles qui concernent, par exemple, les retraites et les retraites complémentaires – ont permis d'améliorer la soutenabilité de long terme de nos finances publiques. On connaît les éléments conjoncturels qui nous sont favorables, le niveau des taux d'intérêt par exemple ; il faut poursuivre nos réformes structurelles.
Le deuxième axe, c'est la poursuite du redressement de la compétitivité et de la productivité, mais aussi de l'amélioration de l'environnement des entreprises.
Cette amélioration passe par celle de la compétitivité-coût ; si les marges des entreprises étaient si basses, c'est aussi parce que pendant une décennie nous avons progressivement dérivé – non pas tant sous l'effet de décisions gouvernementales, mais en raison d'une dynamique salariale très décorrélée entre les principales économies de la zone euro. Nous avions donc perdu en compétitivité ; c'est pourquoi nous avons pris des mesures destinées à corriger cet état de fait, à commencer par le pacte de responsabilité et le CICE. Elles fonctionnent, puisque les marges s'améliorent, comme l'a dit Christian Eckert. Dans le PNR, nous faisons notamment état de notre volonté de pérenniser le CICE, par sa transformation en baisse durable de cotisations sociales, de la mise en oeuvre du dernier volet du pacte – un peu de 6 milliards d'euros d'allégements de charges complémentaires résulteront de son entrée en vigueur au 1er avril, avec un ciblage important pour la compétitivité de l'industrie, puisque les charges seront allégées jusqu'à 3,5 SMIC – et de la poursuite de la suppression progressive de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S). Cette stratégie en matière de compétitivité-coût comprend une composante conjoncturelle, avec en particulier le dispositif « embauche PME », qui vient accélérer et accompagner la reprise ; il devrait permettre de créer 60 000 emplois supplémentaires d'ici à la fin 2016.
La compétitivité revêt également une dimension hors coût : ce qui importe, c'est de réussir une différenciation de l'offre, une montée en gamme tant de la production que de la formation, afin de désensibiliser notre économie à la concurrence des pays à bas coût et de conquérir de nouveaux marchés.
Le Gouvernement apporte donc son aide à la recherche et développement et à l'innovation. Les derniers chiffres de l'attractivité confirment que cette stratégie est bonne. Nous avons notamment pérennisé le crédit d'impôt recherche et prorogé pour un an le dispositif de suramortissement mis en place en 2015 – qui permet d'amortir 140 pour une décision d'investissement productif de 100. À cela s'ajoutent les mesures prises en matière de simplification de la vie des entreprises.
Ces mesures seront complétées par des dispositions structurantes pour l'entrepreneuriat. Certaines seront comprises dans le projet de loi présenté par Michel Sapin. Il s'agit de faciliter la création d'entreprises, notamment en poursuivant le mouvement de simplification des exigences de qualification pour chaque métier, tout en continuant naturellement de protéger la santé et la sécurité de tous. Il s'agit également de faciliter la croissance des entreprises, en simplifiant le passage du régime fiscal et social de la micro-entreprise au régime de droit commun, et en allégeant autant que faire se peut les obligations et les procédures. Enfin, l'amélioration de l'environnement économique passe par les simplifications en matière de numérique et par l'ouverture des données. La loi pour la croissance et l'activité a pris des mesures pour plusieurs secteurs ; ce mouvement sera poursuivi par voie réglementaire comme par voie législative, avec le projet de loi pour une République numérique. Il s'agit par exemple de donner une valeur juridique probante aux documents numériques. Nous amenderons également le projet de loi pour y inclure de nouvelles mesures visant à ouvrir les données dans les secteurs de l'énergie et du foncier notamment.
Le troisième axe concerne le fonctionnement du marché du travail.
Depuis 2012, nous avons adopté des réformes visant à permettre à nos entreprises de s'adapter à une conjoncture incertaine : nous avons ainsi, en 2013, réformé les plans de sauvegarde de l'emploi (PSE), à la suite de la signature de l'accord national interprofessionnel (ANI) ; nous avons également mis en place, en 2013, les accords de maintien dans l'emploi, qui ont été réformés et simplifiés en 2015.
Nous prenons également des mesures destinées à offrir plus de protections et à améliorer la qualité des accompagnements offerts aux salariés comme aux demandeurs d'emploi, dans un environnement où la fréquence des transitions professionnelles s'accélère : je pense à la portabilité des droits, à la réforme de la formation professionnelle, à l'instauration du compte personnel d'activité.
Nous avons enfin renforcé le cadre du dialogue social, que la loi relative au dialogue social a également permis de simplifier. D'autres mesures sont en discussion dans le cadre de la loi « travail », visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs.
Nous voulons continuer de donner plus de visibilité aux employeurs afin de faciliter la création d'emploi et de sécuriser les transitions pour les salariés.
Enfin, le quatrième axe concerne la promotion de l'inclusion sociale et de l'égalité des chances. C'est en parvenant à renforcer la sécurité individuelle que nous pourrons donner plus de flexibilité à notre économie. Cet équilibre est nécessaire pour affronter un monde où les ruptures de parcours sont plus nombreuses et les risques plus grands.
Il est essentiel de rendre plus facile pour les entreprises de s'organiser de façon flexible, par le dialogue social, et de renforcer l'entrepreneuriat ; mais ces mesures doivent être complétées par d'autres, visant à lutter contre la précarité et la pauvreté. On constate d'ailleurs, à cet égard, que la situation se dégrade fortement chez nos voisins.
Le Gouvernement a donc décidé une revalorisation des minima sociaux et pris des mesures en faveur de l'inclusion bancaire et de l'accès au logement. Il apporte un soutien particulier aux jeunes à travers le dispositif « garantie jeunes ».
Les mesures destinées à ouvrir le marché des biens et des services aux nouveaux entrants font également partie de cette stratégie d'inclusion sociale – je veux souligner ici la cohérence de notre politique. Ces mesures, qui rendent notre économie plus efficace, la rendent aussi plus juste, en permettant aux plus fragiles d'accéder qui au crédit, qui à la mobilité, qui à certaines professions.
Voilà, rapidement brossés, les quatre axes du PNR.
J'ai aussi parlé de résultats et d'évaluation.
Les marges des entreprises se redressent, même si nous n'avons pas encore retrouvé les niveaux d'avant la crise : cela doit nous conduire à rester à la fois prudents et volontaristes. Dans beaucoup d'entreprises, et notamment de PME, les marges demeurent très fragiles.
En matière de coût unitaire du travail, nous avons enrayé la dégradation du différentiel. Je rappelle qu'au début de la décennie 2000, le coût unitaire du travail pour des emplois industriels peu qualifiés était moins élevé en France qu'en Allemagne. Au début de cette décennie, il est devenu plus important. Depuis la fin de l'année 2014, nous avons réussi à inverser cette tendance sous l'effet conjugué des mesures de compétitivité que j'évoquais et de l'inflation salariale allemande liée aux négociations sociales, d'une part, et aux mesures décidées par le gouvernement de grande coalition d'autre part.
À plus longue échéance, selon les évaluations de nos services, qui sont toujours réalisées avec une grande prudence et qui sont cohérentes avec d'autres études, notamment de l'OCDE, les mesures présentées dans le PNR auront un impact brut de l'ordre de 4,8 points de PIB à l'horizon 2020 et de plus d'un million d'emplois créés. L'impact net est estimé à 2,5 points de PIB et de 670 000 emplois à horizon 2020, ce qui reste robuste et non négligeable. La décomposition de cet impact par catégorie de mesures figure page 19 du document. L'un des plus gros écarts entre le brut et le net concerne le CICE et le pacte de responsabilité et de solidarité pour une raison simple : il faut tenir compte de l'effet récessif des économies qui financent ce dispositif. On passe d'un impact sur le PIB de 1,7 point à l'horizon 2020 à un impact de 0,1 point, ce qui est tout à fait normal. On observe par contraste le caractère particulièrement robuste de toutes les mesures de soutien à l'investissement et à l'innovation dont l'impact est de 0,6 point en brut et de 0,5 point en net.
Voilà les quelques éclairages que je souhaitais vous apporter en complément des documents qui vous ont été transmis.