Intervention de Gilles Carrez

Réunion du 13 avril 2016 à 12h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilles Carrez, président :

Mes questions s'adressent pour une part à M. le secrétaire d'État et pour l'autre à M. le ministre.

Concernant les aspects financiers, le Haut Conseil des finances publiques a confirmé que vos prévisions macroéconomiques paraissaient atteignables.

Toutefois, un sujet, sur lequel vous avez vous-même insisté, monsieur le secrétaire d'État, nous préoccupe particulièrement pour l'exercice 2016 : le financement des nouvelles dépenses. Le coût de ces nouvelles dépenses, qu'il s'agisse du plan emploi, des mesures en faveur de l'agriculture, ou de la défense et de la sécurité, de l'extension de la garantie jeunes, des dernières annonces pour la jeunesse ou de la hausse du point d'indice de la fonction publique, est estimé entre 5 et 7 milliards d'euros en année pleine, dont plus de la moitié en 2016. À ces dépenses nouvelles s'ajoutent les 3,8 milliards d'euros d'économies supplémentaires imposées par le réajustement à la baisse de l'inflation – les prévisions passant de 1 % à 0,1 %. Les économies à trouver pour la seule année 2016 se situeraient donc dans un ordre de grandeur de 7 à 8 milliards d'euros.

Or, pour seule réponse, vous avancez la réserve de précaution, agrémentée d'une nouveauté, puisqu'elle est, pour la première fois, étendue aux reports de crédits. La réserve va atteindre cette année presque 12 milliards d'euros en autorisations d'engagement. Cela signifie qu'à peine le budget voté, un mois entier de ce budget est gelé – je parle des crédits « pilotables », qui représentent une bonne centaine de milliards.

L'expérience des années précédentes montre qu'entre 4 et 4,5 milliards d'euros de crédits sur les crédits mis en réserve sont annulés chaque année. Pour 2016, le montant devrait s'élever à 8 milliards d'euros sur une réserve au maximum de 12 milliards d'euros dont une bonne partie n'est pas réellement opérationnelle. Comment allez-vous vous y prendre pour réaliser ces économies ?

De plus en plus, le recours à la technique du rabot, puisqu'il s'agit bien de cela, pose un problème de méthode. Pour effectuer les annulations de crédits nécessaires, on cherche les économies là où l'on peut, c'est-à-dire sur les crédits « pilotables », essentiellement des crédits d'investissement, des crédits d'avenir. Avec cette technique et faute de réformes structurelles, la gestion de nos finances publiques pose d'énormes difficultés. L'administration, y compris pour exercer des missions régaliennes, se trouve parfois dans le plus grand dénuement.

La question de la méthode vaut pour aujourd'hui et pour l'avenir, car, désormais privés de marge de manoeuvre fiscale, nous devons nous intéresser aux dépenses.

J'en viens aux questions adressées à M. Macron. Ce matin, le Haut Conseil a fait état d'une divergence avec le Gouvernement sur la croissance potentielle. Il estime, à l'instar de la Commission européenne, que les prévisions de croissance potentielle sont excessives, trop optimistes, et que les différentes réformes que vous venez d'évoquer ne permettent pas de redresser de manière aussi importante que vous le souhaitez la croissance potentielle.

Je reconnais un point positif : les engagements pris dans le pacte de responsabilité sont tenus puisque les documents semblent indiquer que la dernière tranche prévue pour 2017, à savoir la suppression totale de la C3S et le début de l'abaissement progressif du taux de l'impôt sur les sociétés, sera exécutée. Nous souhaiterions avoir confirmation de ce point.

Je note une proposition très intéressante : sur le modèle du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu, est envisagée la mise en place d'une baisse des charges à la source, par transformation du CICE en baisse directe de cotisations sociales. Cela nous évitera de perdre du temps sur des amendements de conditionnalité du CICE, qui créent beaucoup d'incertitude et d'instabilité dans cette commission. Pouvez-vous nous confirmer que cette réforme souhaitable interviendra à un horizon proche, peut-être dans la loi de finances pour 2017 ?

Je souhaite enfin vous interroger sur quelques réformes qui sont à mes yeux structurelles et qui ne figurent pas dans le PNR alors même qu'elles vont augmenter de façon structurelle la dépense publique.

Première réforme, essentielle bien que conduite à bas bruit, qui aura des conséquences sur la société : l'ouverture de l'assistance aux jeunes qui arrivent sur le marché du travail. Le Gouvernement entre 1997 et 2002 s'est constamment opposé à l'idée d'ouvrir le revenu minimum d'insertion (RMI) aux moins de vingt-cinq ans. Or, aujourd'hui, avec le revenu de solidarité active (RSA), l'extension de la garantie jeunes et les mesures pour les étudiants, de facto est offert à la sortie des études le choix de l'assistance. Que pensez-vous de ce type de réponse structurelle ?

Deuxième réforme qui n'est pas mentionnée : la généralisation du tiers payant pour les consultations médicales. Il suffit d'observer les effets à la fin des années 1980 de la généralisation du tiers payant pour les médicaments : une hausse considérable de la consommation, en dépit du garde-fou que représentent la consultation et la délivrance sur ordonnance des produits. Cette réforme structurelle va modifier les comportements de nos concitoyens qui ne seront plus à même de mesurer le coût réel de la santé puisqu'ils n'en auront plus connaissance.

Troisième réforme structurelle en France, qui va à l'inverse de la politique menée dans les pays étrangers : la conjugaison d'une augmentation des effectifs dans la fonction publique et d'une hausse du point d'indice.

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