Intervention de Christian Eckert

Réunion du 13 avril 2016 à 12h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Christian Eckert, secrétaire d'état chargé du budget :

Dans ce cas, vous vous en souvenez aussi bien que moi. J'ai toujours dit que la France demandait à l'Europe d'instaurer ce reporting public pays par pays. J'ai toujours dit que, dès que l'Europe l'aurait instauré, nous nous engagions à le transcrire dans notre législation. Pierre Moscovici s'est exprimé ces jours-ci et s'exprimera de nouveau très prochainement sur cette question ; Michel Sapin emporte à Washington des propositions précises, y compris à ce sujet. Je précise que, dans la décision qu'il a rendue après nos travaux de décembre, le Conseil constitutionnel a clairement dit qu'il acceptait le reporting pays par pays dans la mesure où celui-ci n'était pas public, mais réservé aux administrations fiscales, et ce afin de ne pas entraver la liberté d'entreprendre. Il apparaît donc de plus en plus nécessaire qu'un autre principe constitutionnel, celui qui oblige à transposer les règles européennes, nous permette de procéder au reporting de manière solide, constitutionnellement fondée. J'ai été violemment pris à partie à ce sujet en décembre, et je le regrette. Mes propos ont toujours été clairs et nets. Afin de dissiper toute inquiétude s'il en était encore besoin, j'ajoute que le reporting public figure dans les propositions 12 et 13 de la liste de propositions que Michel Sapin et moi-même avons publiée à la suite de l'affaire des Panama papers.

En ce qui concerne le STDR et Panama, Mme Pires Beaune a eu raison de citer les chiffres de 2015. Ils méritent explication. J'ai entendu, en effet, que trois affaires concernant le Panama auraient été traitées au STDR. Mais, si le STDR est saisi d'une affaire dans laquelle un compte est localisé au Luxembourg, concernant une société basée aux Îles Vierges et créée par une autre société elle-même créée au Panama et ayant des bénéficiaires français, dans quelle catégorie faut-il la classer : France, Îles Vierges, Panama ou Luxembourg ? Nous avons adopté, notamment pour présenter le rapport auquel il a été fait allusion – et dont la publication, curieusement, était prévue avant l'affaire Panama –, le principe d'une classification selon la localisation du compte bancaire. Nous avons néanmoins cherché à savoir, à la suite de cette affaire, combien de dossiers traités en 2014 et 2015 concernaient Panama à un stade ou à un autre ; nous en avons trouvé 750 environ, qui représentent quelque 4 milliards d'euros d'avoirs et 1,2 milliard d'impôts et de pénalités perçus.

Les effectifs sont aujourd'hui de 159 agents, en place au service central du STDR et dans les annexes régionales que nous avons créées. Avant l'affaire Panama, nous avions déjà décidé de porter leur nombre à 200 environ. En effet, nous avons 45 000 dossiers, et nous en traitons 6 000 ou 7 000 par an : il nous faut donc plus de personnel pour écluser le stock.

Y a-t-il plus ou moins de dossiers qu'auparavant ? Nous en avons reçu 341 en mars ; il n'est pas sûr que ce soit lié à l'affaire Panama, compte tenu du calendrier des événements. Cela représente 4 000 à 5 000 dossiers par an. Voilà les informations que je puis vous donner à ce stade.

Michel Sapin et moi-même avons rencontré Wolfgang Schäuble à Metz jeudi dernier pour nous mettre d'accord, ainsi qu'avec d'autres pays, sur les propositions qui seront défendues en commun aujourd'hui à Washington, et dans les deux semaines à venir en vue du prochain sommet européen.

Monsieur le président, le lanceur d'alerte que vous êtes sera bientôt protégé par la « loi Sapin » ! En la matière, vous êtes un récidiviste : l'année dernière à la même époque, vous donniez l'alerte dans les mêmes termes – il n'y avait pas assez d'inflation, il allait nous manquer 10 milliards d'euros de recettes, nous avions engagé des dépenses non prévues et le déficit de la France allait exploser. Voilà qui appelle les réponses suivantes.

Vous avez évoqué la faible inflation. Celle-ci a trois effets sur nos comptes publics. Elle a, premièrement, un effet, qui peut paraître négatif, sur les dépenses puisque l'on peut penser qu'elle provoque mécaniquement une diminution des recettes, de TVA par exemple, si la croissance ne compense pas ce déficit d'inflation. Or, nous avons prévu une croissance de 1,5 % – tout a été dit sur l'humilité des prévisionnistes ; je n'en rajouterai pas. Au demeurant, l'an dernier, nous étions dans la même situation : l'écart entre nos prévisions et l'inflation réelle était le même que cette année. Or, il a manqué tout au plus 1 milliard d'euros sur les 170 milliards de recettes de TVA. Ces dernières ont donc été au rendez-vous. Certes, je ne peux pas vous garantir que ce sera encore le cas cette année.

Elle a, deuxièmement, un effet sur les dépenses : une faible inflation permet de mieux tenir les budgets, puisque l'on achète à un prix moins élevé. Je prends un exemple caricatural. Si l'on a alloué à un ministère les crédits nécessaires pour acheter cent véhicules en tenant compte d'une inflation de 1 %, on peut penser que, si celle-ci est finalement de 0,1 %, ces véhicules lui coûteront moins cher et qu'il pourra donc économiser de l'argent. Je pourrais également mentionner le coût plus faible de l'énergie, dont tous les ministères – de même que les collectivités territoriales, nous y reviendrons – bénéficient, car tous doivent chauffer des bâtiments. Une faible inflation favorise donc la tenue des crédits budgétaires et permet même, parfois, d'en annuler un certain nombre. Tel est l'exercice auquel nous sommes en train de nous livrer avec tous les ministères. Faut-il traiter la justice et la défense à part, et considérer que tout est prioritaire, donc sanctuarisé ? Vous comprendrez que le secrétaire d'État au budget ne peut pas tenir ce type de discours. Je reviendrai, du reste, sur la situation du ministère de la justice.

Enfin une faible inflation a un troisième effet : elle diminue le coût de la charge de la dette, car les taux d'intérêt à dix ans et un certain nombre de produits financiers sont indexés sur l'inflation, de sorte qu'une moindre inflation, y compris au niveau européen, produit au moins autant d'économies que des taux d'intérêt faibles.

L'an dernier, les effets de ces trois facteurs se sont assez largement compensés et se sont même montrés, en définitive, plutôt favorables. Mais je ne dis pas que ce n'est pas un souci : nous avons corrigé nos prévisions sur ce point et nous y sommes attentifs.

Je voudrais dire un mot des collectivités territoriales. Mme Pires Beaune a rappelé l'hétérogénéité des situations, mais nous parlons, ici, de moyennes. En moyenne, donc, les recettes réelles de fonctionnement de l'ensemble des collectivités territoriales – communes, intercommunalités, départements et régions – ont augmenté d'1,5 %, en incluant la baisse des dotations, laquelle ne s'élève pas à 28 milliards, madame Louwagie – comme le prétend également M. Laignel, qui prend en compte quatre années de baisse de dotations –, mais à trois fois 3,667 milliards, soit 10,5 milliards. Les dépenses réelles de fonctionnement des collectivités ont, quant à elles, augmenté de 1,46 %.

Leur capacité d'autofinancement a donc, généralement, progressé. Du reste, les comptes au Trésor ont, je le redis, bénéficié d'environ 4 milliards de dépôts supplémentaires, ce qui signifie qu'il existe un certain nombre de disponibilités qui n'ont pas été mises en oeuvre, et ce, pour diverses raisons que je n'aurai pas le temps d'exposer. Les dépenses de fonctionnement, qui s'accroissaient d'environ 3 % par an, augmentent donc cette année de 1,46 % et les recettes, comme nous l'avons toujours dit, n'ont pas baissé : elles ont même continué à augmenter, malgré la baisse des dotations.

Se pose donc la question de savoir à quoi est due cette augmentation des recettes. Pour le savoir, nous avons examiné attentivement les produits fiscaux : celui de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises reversée aux collectivités a progressé de 4,5 % et celui des droits de mutation à titre onéreux de 16 %, en raison d'une certaine reprise du marché immobilier. Par ailleurs, une augmentation des taux des impôts locaux a été décidée dans moins d'un tiers des communes et des intercommunalités. Nous avons donc également examiné les raisons de l'accroissement des recettes de taxe d'habitation, de taxe foncière sur les propriétés bâties et de cotisation foncière des entreprises, augmentation qui est de l'ordre de 2,6 milliards d'euros, soit 4 % à 5 %. Vous savez tous que l'augmentation des recettes d'impôts locaux peut avoir trois causes : l'augmentation de l'assiette générale – que vous avez votée et établie à 0,9 %, sans grande pression du Gouvernement –, l'augmentation physique des bases d'imposition et celle des taux. Les travaux de nos services nous ont permis de repérer que cette hausse de 4 à 5 % est due, pour un quart, soit 726 millions exactement, à l'augmentation des taux et pour 521 millions d'euros à la revalorisation forfaitaire, le reliquat étant lié à l'augmentation physique des bases. Je livre ces faits à votre réflexion.

Si vous souhaitez – j'ai également fait cette proposition au Sénat, qui semble faire la sourde oreille – que nous consacrions une séance de travail à la fiscalité locale, je suis prêt à répondre à vos sollicitations. Ensuite, toutes les questions politiques et stratégiques peuvent se poser.

Madame Dalloz, je vous signale que la baisse des dépenses de 1,4 milliard d'euros est calculée hors intérêts de la dette, pensions et comptes d'affectation spéciale (CAS). À ce propos, je précise que nous avons transféré 2 milliards de dépenses militaires d'un CAS vers le budget général, ce qui vient nous « pénaliser », si j'ose dire. En revanche, vous avez raison à propos de la baisse du prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne, qui s'établit à 600 millions d'euros.

Un mot, enfin, sur le gel et le surgel des crédits budgétaires ainsi que sur la situation du ministère de la justice. Tout d'abord, geler des crédits ne signifie pas qu'on ne les dépensera pas. Il arrive en effet régulièrement que nous en dégelions, et pas seulement à la fin de l'année, mais dès juin – ce qui est plutôt rare – et septembre, ce qui est un peu plus fréquent. À ce propos, j'ai eu une explication de texte avec M. Urvoas, qui souhaite s'en remettre à un arbitrage qui dépasse ma modeste compétence. Vous en lirez certainement, un jour, le résultat dans les documents budgétaires, ou dans les journaux puisqu'il a choisi de parler davantage à ces derniers qu'à son collègue.

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