Intervention de Danielle Auroi

Réunion du 29 mars 2016 à 8h30
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanielle Auroi, présidente :

Je suis très heureuse de vous accueillir aujourd'hui, pour que nous puissions faire le point sur le Conseil européen de la semaine dernière et les récents développements de l'actualité européenne, dans un contexte encore très marqué par les attentats de Bruxelles, qui ont directement visé l'Europe, ses valeurs communes.

Ces attentats nous ont contraints à annuler l'audition prévue mercredi dernier.

Les questions migratoires et la discussion de l'accord Union européenne Turquie ont été au coeur du Conseil des 17 et 18 mars ; vous pourrez nous en préciser les tenants et les aboutissants, comme les difficultés d'application. Cet accord est, vous le savez, très critiqué, à la fois sur le plan des principes et valeurs qui fondent l'Union, et sur le plan juridique. De nombreuses voix se sont élevées pour dénoncer un accord honteux, un marchandage terrible entre l'Union européenne et la Turquie, au moment même où les violations des droits humains en Turquie sont plus graves que jamais.

Nous connaissons la difficulté des débats européens sur ce sujet, et celle de dégager des solutions communes, dont le principe est indispensable. Et nous savons que la Turquie est un partenaire incontournable.

Mais, pour autant, comment accepter que la Turquie soit devenue un « pays sûr » pour les réfugiés ? Le Défenseur des droits, Jacques Toubon, a mardi dernier, vous le savez, devant notre commission des Lois, estimé que l'accord avec la Turquie n'était pas juridiquement correct, car la Turquie ne pouvait pas être considéré comme un « pays sûr », n'ayant pas ratifié la convention de Genève dans tous ses éléments.

L'accord intervenu à ce propos au sein du Conseil européen implique-t-il que la Turquie doit être considérée comme un pays sûr par l'ensemble des États membres ? Comment par ailleurs s'assurer que chaque situation fera l'objet d'un examen individuel avant tout renvoi en Turquie ?

Quelle est la base juridique de l'accord avec la Turquie, alors même que les décisions en matière d'asile relèvent très largement des compétences nationales ?

Comment compter sur l'organisation de l'asile en Grèce pour assurer le respect des droits des réfugiés et migrants ? l'Europe ne risque-t-elle pas de se trouver en infraction avec le droit international en organisant des retours forcés ? La mise en oeuvre de l'accord paraît très difficile. MSF, comme d'autres ONG, vient de mettre un terme à ses interventions dans les « hot spots » en Grèce, constatant que ceux-ci étaient devenus des centres de rétention fermés.

Sur le plan quantitatif, le dispositif prévu semble largement en-deçà des besoins réels. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : les réinstallations de Turquie vers UE seront limitées à 72 000 personnes alors que sur les trois premiers mois de 2016 il y a eu déjà plus de 100 000 arrivées (131 000 selon MSF)… Au printemps les arrivées risquent d'augmenter…

Par ailleurs, comment les personnes réfugiées en Turquie seront – elles choisies pour bénéficier d'une procédure de réinstallation ? Il a été dit que les critères de vulnérabilité seront pris en compte mais quelle autorité prendra la décision ? Quels seront les organismes chargés de la gestion des centres d'accueil des réfugiés en Turquie ayant fait l'objet d'une décision de réadmission ? Quel sera le rôle du HCR?

Les autorités turques ont annoncé en fin de semaine dernière qu'il n'était pas question pour elles de modifier leur législation, pour revoir à la hausse les garanties apportées aux migrants renvoyés de Grèce.

Quelle a été la position de la France dans ce débat ? et quelle sera sa contribution au dispositif engagé ? L'OFPRA y contribuera-t-il ?

Il y avait d'autres points à l'ordre du jour du Conseil – notamment les suites de la COP 21 et le semestre européen – ; nous les évoquerons si nous avons le temps.

Avant de vous laisser la parole, monsieur le Secrétaire d'État, je voudrais évoquer très rapidement la lutte contre le terrorisme au niveau de l'Union.

L'indispensable coopération entre les services de renseignements des 28 semble avoir beaucoup de mal à atteindre le niveau nécessaire.

À l'occasion du dernier conseil des ministres de l'intérieur, jeudi, au surlendemain des attentats de Bruxelles, le commissaire Dimitris Avramopoulos, n'a pas caché sa frustration, en dénonçant à ce propos « l'absence de volonté politique », le manque de « coordination », et de « confiance » entre les États membres.

Ce constat est assez inquiétant. Pouvez-vous faire le point sur cette question de la lutte contre le terrorisme ?

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion