Intervention de Harlem Désir

Réunion du 29 mars 2016 à 8h30
Commission des affaires européennes

Harlem Désir, secrétaire d'état aux affaires européennes :

Ce que l'on peut rappeler, c'est que l'Afrique est un continent qui connaîtra la croissance démographique la plus importante au cours des prochaines années, et qui va ainsi probablement passer d'un milliard à deux milliards d'habitants. Il est évident qu'il faut qu'il y ait un avenir pour les jeunes générations qui arrivent en Afrique. Cela ne veut pas dire que nous voulons totalement nous fermer, mais il est évident que l'Europe ne pourra pas accueillir un milliard de personnes parce que l'Afrique manque d'emplois.

L'Afrique est aussi un continent qui connaît une importante croissance, qui a beaucoup de capacités et de ressources mais au sein du continent, certains pays ont des problèmes, accumulent des retards en matière d'infrastructures, d'investissement, d'équipement. Il faut que notre relation avec l'Afrique soit déterminée par cette vision stratégique, vous avez raison de le dire. La question est de savoir que faire avec ce « Sud » : soit nous saisissons l'opportunité de contribuer à son développement, à l'innovation pour que ce soit un continent émergent, qui sera une ressource et un relais de croissance pour l'Europe et qui permettra de donner de l'emploi et un avenir à ses habitants ; soit nous serons dans une situation de crises permanentes, avec d'ailleurs probablement des instabilités et des guerres à l'intérieur du continent ainsi que des tensions très fortes entre l'Europe et l'Afrique. Il faut donc une vision très stratégique, très globale et que nous mobilisons l'ensemble des États membres. Cela nous ramène aussi aux questions de défense et de sécurité. Peut-être qu'un certain nombre de pays considèrent que l'Afrique est loin, car ils n'ont pas de passé africain colonial, parce qu'ils n'ont pas de façade méditerranéenne et, il est vrai que le monde vu d'une certaine partie du nord de l'Europe ne met pas l'Afrique en son coeur mais aujourd'hui, dans cette crise et celle du terrorisme qui nous vient du Moyen-Orient, personne ne peut considérer en Europe qu'il peut y avoir une réponse sans avoir une vraie politique extérieure, ni sans avoir une vraie politique de sécurité et de défense qui tienne compte du continent africain.

Notre avenir avec le Sud réside ainsi dans une politique de coopération. C'est aussi important que lorsque les États-Unis ont pensé, au XIXe siècle, leur relation avec le sud du continent américain. Cela a marqué le commencement de leur politique étrangère, car, rappelons-le, au début ils ne se souciaient pas de ce qu'il se passait en dehors de leur pays. Il leur a ensuite même été reproché de faire une « politique de jardin », de « pré carré », en Amérique du Sud. Nous ne pouvons pas considérer qu'il n'y a plus de relations stratégiques entre l'Europe et l'Afrique parce que l'ère de la colonisation a pris fin. C'est absolument majeur pour notre avenir, et cela représente aussi un des défis dont il nous faudra débattre en Europe pendant les semaines et les mois qui viennent.

Concernant l'agriculture, les mesures qui ont été prises le 14 mars doivent désormais être mises en oeuvre. Il a été fait, pour la première fois, utilisation de l'article 222 du règlement OCM unique qui permet de déroger aux règles de marché, sur une base volontaire afin de pouvoir, avec les producteurs, modérer et réduire la production. Il faut également que tous les instruments d'intervention sur les marchés du lait et du porc puissent être utilisés. Nous voulons poursuivre aussi tous les efforts d'ouverture des nouveaux débouchés commerciaux. Il y a ainsi la négociation avec la Russie sur la levée de l'embargo sanitaire. Il faut évidemment mettre en oeuvre cet accord rapidement. Or, je crois que ce que nous avons obtenu lors du conseil agriculture, au-delà de la reconnaissance par l'Union européenne et la majorité des États membres de l'existence d'une crise européenne - ce n'est pas simplement la France qui est concernée par cette crise de surproduction -, c'est qu'il faut essayer de revenir à des mesures de régulation, de gestion de la production, qui permettent de faire baisser les prix. Il faut donc maintenant utiliser à plein régime les dispositions de ce conseil agriculture.

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