J'ai le plaisir de vous présenter Albert Fiyoh Ngnato, responsable des services de l'automobile, Éric Heitz, responsable CFTC équipementier automobile, et Emmanuel Chamouton, responsable CFTC au sein de la Direction de la recherche et du développement de PSA Peugeot Citroën. Pour ma part, je suis délégué syndical central CFTC chez PSA.
Effectivement, la filière automobile a connu un choc en 2008, avec les conséquences que l'on sait, notamment des restructurations. Puis a éclaté l'affaire du diesel, que l'on peut regretter. Cette affaire n'est peut-être pas arrivée au bon moment et elle n'a peut-être pas été suffisamment anticipée. La « maison automobile » est donc aujourd'hui en grande restructuration et elle connaît de profonds changements.
Ces changements sont liés d'abord aux orientations politiques environnementales. Il est clair que des progrès importants ont été effectués en ce qui concerne le diesel. Mais qui peut soutenir que le diesel existera encore dans trente, quarante ou cinquante ans ? Il faut donc rapidement exploiter d'autres filières. Cela veut dire qu'il va falloir commencer à procéder à un rééquilibrage entre moteurs essence et moteurs diesel. En parallèle, et dans la foulée, il faut travailler sur les moteurs hybrides et faire en sorte que ceux-ci montent en puissance et soient améliorés pour assurer au moins l'interface avec le véhicule tout électrique. C'est ce que l'on voit apparaitre avec des sociétés comme Tesla. L'idée paraît séduisante, tant en termes de performance que d'autonomie du véhicule.
Ces changements sont liés ensuite à l'adaptation des points de vente, de l'après-vente, grâce à des moyens digitaux, pour satisfaire le client. Un constructeur pourrait très bien, à l'avenir, élargir sa gamme de services en proposant, par exemple, une assurance, un parking, l'entretien, etc. Il pourrait y avoir également des points de vente multimarques, des réseaux de pièces de rechange. Bref, il y a là de nombreuses idées à creuser pour essayer de sortir le constructeur automobile du carcan dans lequel il est enfermé, c'est-à-dire ne fabriquer que des automobiles.
Au-delà de nos points de vente, il faudra aussi adapter nos usines – on parle beaucoup de l'usine 4.0 – en les équipant de nouveaux robots intelligents et d'une communication entre les différents outils de production et les chaînes d'approvisionnement. Tout cela nécessite d'anticiper la formation des salariés, de ceux qui sont en place aujourd'hui et, dans un deuxième temps, des futurs salariés. Aussi faudra-t-il travailler en amont, avec l'Éducation nationale, pour former les gens qui viendront travailler dans ces usines du futur.
On oublie souvent que la vision des usagers sur la mobilité a évolué. Je pense à l'autopartage, au covoiturage. On pourrait très bien avoir un véhicule selon le besoin du moment. Par exemple, si je suis à Paris la semaine, une petite voiture électrique me suffit bien pour aller au travail. Par contre, comme j'ai des enfants, il me faut le week-end une voiture plus grande et d'une plus forte cylindrée. Pourquoi ne pas envisager de payer une certaine somme chaque mois pour bénéficier d'un service qui me permettrait d'avoir un véhicule qui correspondrait à une situation donnée ? J'ajoute que les jeunes n'ont pas la même perception de la possession d'un véhicule que ma génération. Je pense que la filière automobile est restée un peu trop longtemps « droit dans ses bottes ». Il est encore temps de changer.
Bien sûr, il faut développer le véhicule autonome, qui peut avoir un impact positif sur la sécurité routière. L'usager de demain pourra allumer son ordinateur alors que sa petite voiture électrique autonome le conduira jusqu'à son travail. Et comme elle est électrique, elle aura aussi l'autre avantage de ne pas polluer.
Mais toutes ces évolutions exigent une révolution dans nos entreprises avec un élargissement des compétences et de ne plus raisonner en simple fournisseur d'un produit mais d'un service. La CFTC, qui a compris cet aspect, est prête à l'accompagner parce qu'elle pense que c'est le seul moyen moderne aujourd'hui de préserver les emplois et les sites industriels sur le territoire français. Bien sûr, comme je l'ai dit, il conviendra de former les salariés pour assurer la transition, et de recourir à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) telle qu'elle a été conçue, c'est-à-dire en anticipation et pas attendre que les problèmes surviennent pour mettre en place des mesures qui ne sont plus de la GPEC, du moins dans l'esprit.
Les sites industriels doivent anticiper plutôt que subir, être en action plutôt qu'en réaction, faire les investissements nécessaires pour intégrer les nouvelles technologies. Bien évidemment, des aides pourraient leur être attribuées dans ce cadre-là.
Nous regrettons que les organisations syndicales de manière générale ne soient pas associées aux décisions de l'entreprise. Des comités paritaires stratégiques commencent à voir le jour ; c'est un beau premier pas, mais ce n'est pas suffisant. On doit aller plus loin dans la démarche. Nous sommes encore loin, très loin du système de cogestion à l'allemande – je ne sais pas si je le verrai pour ma part. Avant d'arriver à un tel système de cogestion à l'allemande, on pourrait peut-être trouver un système intermédiaire que l'on pourrait appeler de co-construction avec les organisations syndicales. Ce serait déjà un premier pas.