Intervention de Danielle Auroi

Réunion du 5 avril 2016 à 16h45
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanielle Auroi, présidente :

Je vous remercie d'avoir accepté notre invitation et je suis heureux de vous accueillir aujourd'hui à l'Assemblée nationale pour évoquer les très nombreux sujets qui font l'actualité en matière de politique commerciale européenne.

Depuis l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, qui a renforcé les compétences de l'Union en matière de politique commerciale, la Commission a conclu de multiples accords de libre-échange, en particulier avec la Corée du Sud, l'Amérique centrale, la Colombie et le Pérou, Singapour, le Canada et le Vietnam. Sont actuellement en cours de nombreuses négociations, avec les Etats-Unis, la Birmanie, la Chine, la Tunisie, le Maroc ou le Japon. Des accords de libre-échange sont enfin envisagés avec l'Australie et la Nouvelle-Zélande, et les négociations avec le Mercosur sont en bonne voie pour être relancées.

Je m'interroge sur la stratégie qui est poursuivie par la Commission dans ces négociations bilatérales et sur l'articulation de celles-ci avec les négociations multilatérales. Le multilatéralisme n'est-il pas mis en danger par cette multiplication tout azimut des accords bilatéraux de la part de l'Europe mais également d'autres puissances commerciales comme les Etats-Unis ?

Sur cette question du multilatéralisme justement, quelle est votre analyse de l'accord intervenu en décembre à Nairobi sur le cycle de Doha et, surtout, de l'avenir de ce cycle de négociations qui dure depuis 2001? J'ai moi-même le souvenir d'avoir fait Cancun !

Parmi l'ensemble des accords bilatéraux que je viens d'évoquer, deux retiennent l'attention générale : il s'agit de l'AECG-CETA avec le Canada et, bien-sûr, du PTCI-TTIP avec les Etats-Unis.

S'agissant de l'AECG-CETA, le « toilettage juridique » de l'accord est achevé et le texte définitif a été rendu public le 29 février. Il intègre la proposition européenne d'International Court System (ICS) en lieu et place des tribunaux arbitraux privés. L'accord doit maintenant être approuvé par le Conseil et le Parlement européen d'ici la fin de l'année. Dans cette perspective, je me pose plusieurs questions.

Pendant des mois, la Commission comme le gouvernement canadien ont répété que les négociations étaient closes depuis le 26 septembre 2014 et qu'il n'était pas possible les rouvrir. Or, l'ICS a finalement été intégré à l'accord. Que s'est-il passé qui a abouti, il faut bien le reconnaître, à une réouverture des négociations sous prétexte de « toilettage juridique » ?

L'AECG-CETA sera-t-il finalement reconnu comme un accord « mixte » qui, en tant que tel, sera soumis aux Parlement nationaux ?

A supposer que la mixité soit reconnue, le Conseil peut-il décider, avant que les Parlements nationaux se prononcent, l'application provisoire de l'AECG-CETA ? En cas de rejet ultérieur par un Parlement national, que deviendrait alors l'accord ?

L'autre accord qui retient toute notre attention est évidemment le PTCI-TTIP. Après 12 rounds de négociations depuis 2013, et alors que se profilent les élections américaines, la conclusion des négociations en 2016 vous semble-t-elle possible ? Surtout, ses négociations se déroulent-elles dans un sens favorable aux intérêts de l'Union européenne ? En particulier, quelle est aujourd'hui la position des Etats-Unis sur des sujets importants pour l'Europe et la France que sont l'ouverture des marchés publics américains, la protection des indications géographiques ou encore la protection des investissements ? Inversement, qu'en est-il du respect de nos lignes rouges concernant, par exemple, nos préférences collectives en matière sanitaire et environnementale ?

Enfin, le dernier sujet qui me préoccupe est le futur statut de la Chine à l'OMC. Le sujet est d'importance car si la Chine se voit octroyer le statut d'économie de marché, le recours par l'Union européenne aux droits antidumping seraient rendu beaucoup plus compliqué. Or, vous n'êtes pas sans savoir que la Chine a fait et fait l'objet de nombreuses enquêtes sur ses pratiques déloyales dans des secteurs comme le silicium, l'acier ou les panneaux solaires. L'arrêt des mesures antidumping actuelles comme la difficulté d'en adopter de nouvelles feraient peser de lourdes menaces sur l'emploi en Europe comme sur son potentiel industriel dans des secteurs de pointe.

Monsieur le Directeur général, faut-il craindre un tel statut et si c'est le cas, que compte faire la Commission pour en prévenir les conséquences sur l'industrie européenne ?

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