Intervention de Jean-Luc Demarty

Réunion du 5 avril 2016 à 16h45
Commission des affaires européennes

Jean-Luc Demarty, directeur général de la politique commerciale à la Commission européenne :

Nous avons conclu de multiples accords de libre-échange, et d'autres accords sont en cours.

Parmi ces accords, plusieurs font déjà l'objet d'assez de recul pour juger des résultats : je pense notamment à l'accord avec la Corée. La presse n'en parle pas beaucoup, mais nos exportations vers la Corée ont progressé de près de 70% depuis cinq ans, largement grâce à cet accord. Nous sommes passés sur le marché coréen de 9% à 13% de parts de marché. Les Etats-Unis, qui ont conclu un accord analogue, ont maintenu leur part de marché, tandis que le Japon, qui n'a pas d'accord de libre-échange avec la Corée, a vu sa part de marché diminuer. Nous sommes passés d'un déficit avec la Corée de 10 milliards d'euros à un excédent de 10 milliards d'euros. Je pense donc que ceux qui disent que la Commission européenne est un négociateur naïf se trompent ! L'accord avec la Corée est un modèle d'accord commercial moderne, car il couvre l'ensemble des éléments des négociations commerciales, dont la propriété intellectuelle, les marchés publics et les services, alors que nos accords avec le Chili ou le Mexique, plus anciens, couvrent essentiellement les tarifs douaniers.

Ces accords donnent donc des effets très positifs : c'est la cas de la Corée, mais également de la Colombie, du Pérou ou de l'Amérique centrale, plus récents – j'ai d'ailleurs évoqué ce point ce matin avec vos collègues MM. Pueyo et Gaymard. Sur le sujet qui était considéré comme le plus sensible, l'automobile, le ministre français de l'industrie avait demandé en 2012 le déclenchement de la clause de sauvegarde, ce qui aurait tué l'accord. Mais nos exportations automobiles avec la Corée ont triplé, et l'Union européenne est maintenant largement excédentaire. Il ne s'est pas produit les catastrophes attendues, même si les exportations coréennes d'automobiles en Europe ont légèrement augmenté. A ce moment-là, il y avait des problèmes économiques et politiques liés à Peugeot, et il pouvait être tentant de faire du commerce extérieur un bouc émissaire.

Nous négocions bien entendu pour faire de la croissance et de l'emploi, pas pour le plaisir de négocier ! Evidemment, parfois, des considérations géopolitiques peuvent entrer en ligne de compte, mais cela reste d'abord du commerce et de l'investissement.

Nous restons de grand multilatéralistes. J'ai personnellement beaucoup investi dans les négociations du Dow Round lorsque je travaillais à la direction générale de l'agriculture. Mais force est de constater que l'accès au marché ne va pas se décider dans les négociations multilatérales. On ne négocie pas des accords d'accès au marché réciproques à cent-soixante ou plus dans le cadre de l'OMC, sauf à faire des concessions unilatérales qui ne sont pas notre vocation. La bonne approche pour l'accès au marché désormais, c'est le bilatéral et le plurilatéral. Si jamais il y a une relance du Dow Round, nous serons prêts à faire quelques efforts en matière d'accès au marché, mais qui seront bien moindres que ceux que nous étions prêts à faire en 2008. Il est exclu d'ouvrir des contingents tarifaires sur nos produits les plus sensibles comme les viandes ! Par contre, nous avons besoin du multilatéral pour définir les règles du commerce international, ce qui ne peut pas se faire en bilatéral. Nous avons besoin d'une OMC vivante pour édicter ces règles. Nous avons donc travaillé d'arrache-pied à Bali avec l'accord sur la facilitation du commerce, qui doit maintenant être ratifié par deux tiers des membres, si tout va bien d'ici fin 2016. A Nairobi, nous avons passé un accord où nous avons été particulièrement actif pour mettre fin aux aides à l'exportation dans les domaines agricoles et agroalimentaires. C'était un signal politique fort, et nous avons joué un rôle très important dans la conclusion de cet accord, notamment grâce à des négociations préalables avec le Brésil.

Nous restons donc tout à fait mobilisés pour faire en sorte que le multilatéral reste vivant et que les règles du multilatéral soient modernisées. A l'avenir, il faudra agir sur les subventions industrielles, les subventions à la pêche, les subventions agricoles – nous avons intérêt à ce que nos partenaires ne créent pas de distorsions de marché dans ce domaine, alors que 90% des subventions européennes font partie de la « boîte verte » de l'OMC. Nous devons également continuer à travailler sur les règles favorables aux pays en voie de développement, sur les règles d'origine, sur le coton, par exemple. Mais ce qui est probablement terminé, c'est ce que l'on appelle le « single undertaking », lorsqu'un grand accord doit tout régler en même temps. Je pense que cela n'arrivera plus, et que nous devrons trouver d'autres éléments pour moderniser les règles. Il faudra aussi pousser de nouveaux sujets, comme le e-commerce et le numérique.

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