L'exemple que vous citez illustre bien que l'enjeu stratégique de la guerre économique s'est déplacé pour se situer maintenant au niveau des données. Qui maîtrise les données ? Qui a accès aux données ? Voici les nouvelles questions qu'il convient aujourd'hui de se poser, en se disant qu'il est indispensable de garder le contrôle des données dans certains secteurs d'importance vitale, sachant qu'il doit s'agir d'un contrôle effectif et réel. Des réflexions ont déjà été menées à ce sujet, puisque la CNIL, par exemple, a émis un avis sur le « Cloud » (le nuage numérique), et qu'elle a alerté sur le type de données qu'on pouvait admettre d'y stocker, car, par-delà la facilité que ce dispositif offre, elles s'y trouvent très exposées. Par exemple, il n'est peut-être pas conseillé d'y stocker les données liées aux recherches les plus avancées d'une université, ou les résultats de recherche et développement d'une entreprise. Tout repose ainsi principalement sur la vigilance de chacun, mais la CNIL avait néanmoins suggéré, quoiqu'elle se trouvât là un peu loin de son domaine, qu'un « Cloud » européen soit mis en place, offrant les garanties nécessaires. Vous savez sans doute que, pour le « Cloud » souverain, deux offres se sont affrontées et que cela n'a finalement débouché sur rien.
Dès lors que les données deviennent l'actif stratégique, si l'on veut garder un minimum de souveraineté numérique, il faut coupler le dispositif juridique de protection avec une offre industrielle et commerciale ; la seule barrière juridique ne suffit pas. Si les agriculteurs français sont, certes, alertés du danger de laisser leurs données aux machinistes américains, mais qu'ils ne disposent d'aucune alternative pour leurs achats d'équipements, ils en resteront au statu quo. La préservation de la souveraineté suppose donc une stratégie industrielle et commerciale.