Intervention de Gaspar Gascon Abellan

Réunion du 6 avril 2016 à 17h00
Mission d'information sur l'offre automobile française dans une approche industrielle, énergétique et fiscale

Gaspar Gascon Abellan, membre du comité exécutif et directeur de l'ingénierie du Groupe Renault :

Aujourd'hui, dans un moteur diesel, 85 % des NOx sont traités par le système EGR, technologie de recirculation des gaz d'échappement qui consiste à réintroduire ces gaz dans le collecteur d'admission afin d'abaisser la température de combustion, à laquelle la production de NOx est proportionnelle : plus la température est basse, plus la génération de NOx est limitée. C'est, en quelque sorte, l'arme fondamentale en matière de contrôle des émissions d'un moteur diesel. Le traitement des 15 % restants – nécessaire pour le respect de la norme – relève de dispositifs du type NOx trap ou SCR.

Les procédures d'homologation sont aujourd'hui fondées sur un cycle bien défini et sont exécutées en laboratoire ; elles présentent l'inconvénient de ne pas être représentatives de toutes les conditions d'usage par les conducteurs, mais ont l'avantage d'être reproductibles, ce qui permet d'établir des comparaisons entre les différents constructeurs.

Nous avons été conduits à équiper nos véhicules de dispositifs de post-traitement des gaz polluants et des NOx, qui satisfaisaient aux normes d'homologation, mais, hors de ce contexte, dans certaines circonstances, nous étions conduits à limiter le recours au système EGR. C'est dû au fait que, depuis 2005 environ, c'est-à-dire depuis le début de l'introduction massive des moteurs diesel modernes, des problèmes de fiabilité touchant les moteurs et le bon fonctionnement des systèmes de contrôle des émissions ont été constatés. Le régime des émissions polluantes est très dépendant de la température extérieure ; il se produit à l'intérieur du moteur des phénomènes de dévernissage, de colmatage des dépôts de suie sur les vannes EGR et, dans certaines conditions, de condensation d'eau – les gaz d'échappement en contenant beaucoup –, tous susceptibles d'induire des défaillances du moteur.

Beaucoup de véhicules ont dû être repris, et nous avons été amenés à modifier les critères de réglage de ces moteurs. Cela a conduit à ce que des moteurs remplissant parfaitement les normes d'homologation produisent, dans les conditions réelles d'usage, plus d'émissions polluantes que ce qu'autorise la réglementation. Je répète qu'en aucun cas nous n'avons cherché à contourner les normes d'homologation.

Il faut garder à l'esprit que, à l'époque où ces moteurs ont été développés, la technologie disponible ne permettait pas de pratiquer de contrôle des émissions polluantes en condition réelle d'usage. L'appareil portatif de mesure des émissions polluantes, le portable emissions measurement system (PEMS), est apparu sur le marché il y a deux ans seulement, et nous sommes encore loin de disposer de matériel suffisamment précis pour effectuer des mesures répétables.

Nous avons préparé le passage à la norme Euro 6 b, et, en 2015, après la définition de la nouvelle norme Euro 6 d et des nouvelles conditions d'homologation et de contrôle, fondées sur le cycle Real driving emission (RDE), qui a fait l'objet de beaucoup de discussions ; nous nous y sommes adaptés. Au cours de cette période, nous avons travaillé à réduire le taux d'émissions polluantes et d'oxyde d'azote en condition d'usage réel des véhicules. En comparant nos résultats qualité obtenus auprès de nos clients, nous avons constaté que des marges importantes de progrès existaient. Cela nous a conduits à élargir l'utilisation de l'EGR à des zones de températures beaucoup plus larges afin de réduire automatiquement le taux d'émissions polluantes, et nous pensons pouvoir encore progresser.

Les résultats des essais réalisés par la commission technique indépendante, qui a procédé à plusieurs types de tests afin de détecter la présence éventuelle de logiciels de fraude, ont été pour nous l'occasion de constater que les logiciels de calibrage du NOx trap n'étaient pas assez robustes. Nous avons réalisé que, dans certaines conditions, nous pouvions remplir le NOx trap et limiter encore plus les émissions. Pour ce faire, nous avons augmenté la fréquence des purges tout en les rendant plus élastiques dans toutes les circonstances de conduite ; car le NOx trap stocke les NOx pour, ensuite, les traiter et les transformer en azote et en oxygène. Il fonctionne comme une éponge, et, lorsqu'il est plein, il faut le purger au moyen d'un cycle que nous appelons « deNOx », consistant à augmenter la température du NOx trap et à produire ainsi la réaction chimique qui transformera l'oxyde d'azote en azote et oxygène.

Ces deux leviers sur lesquels nous avons joué permettent une réduction sensible d'émission des NOx dans des conditions d'usage allant bien au-delà des conditions d'homologation : je le répète, Renault n'a jamais contourné les normes et n'a jamais installé dans ses moteurs de logiciel de fraude.

Lorsque les autorités européennes ont exigé une limitation conséquente des émissions de CO2 par les véhicules automobiles, Renault s'est lancé dans une course à trois directions : le programme de voitures électriques, le renouvellement complet de la gamme des moteurs essence et une nouvelle génération de moteurs diesel – celle actuellement présente sur le marché.

À l'époque, le groupe avait retenu le dispositif le plus innovant de tout le marché : le système EGR à basse pression, qui prélève les gaz d'échappement à la sortie du filtre à particules afin de les refroidir, ce qui constitue le meilleur moyen de contrôler les émissions de NOx. Cette technique n'en comportait pas moins quelques contraintes d'usage, particulièrement une certaine sensibilité à la température externe, et c'est au cours des années, au fur et à mesure des réactions que nous recevions de nos clients, que nous avons pu apporter des améliorations.

Comme toute technologie, ce système dispose d'une durée de vie limitée, et tous les cinq ou six ans, il faut renouveler les générations de moteurs ; aussi, dans la perspective de l'entrée en vigueur de la norme Euro 6 d, préparons-nous une nouvelle génération de moteurs diesel recourant au dispositif SCR, qui demeure le plus efficace, même s'il n'est pas nécessaire pour répondre à la nouvelle norme, sauf pour les applications lourdes. C'est pourquoi nous y recourrons pour les véhicules utilitaires, mais pas pour les voitures particulières ; c'est un système performant, que la rigueur de la norme Euro 6 d rend pratiquement obligatoire.

Par ailleurs, nous allons entièrement reprendre le système EGR en substituant l'eau à l'air pour le refroidissement, ce qui permettra d'élargir encore la plage d'utilisation du dispositif dans tous les contextes thermiques.

Ces deux systèmes constitueront les éléments les plus caractéristiques de la prochaine génération de nos moteurs diesel.

La commission technique indépendante a procédé à des essais sur le modèle Captur, et les tests d'homologation sur banc n'ont pas été conformes. Nous avons analysé les raisons de cette non-conformité, et découvert une erreur de calibration de l'automate qui règle le cycle du « deNOx », c'est-à-dire du traitement des NOx accumulés dans le NOx trap. De ce fait, la consigne de température à laquelle le NOx trap doit exécuter la procédure de désulfuration est faussée ; en effet, non content de cumuler les oxydes d'azote, le NOx trap se charge du soufre présent dans le gazole, ce qui rend nécessaire un cycle de désulfuration. Cette opération est réalisée à une température de 700 degrés, et l'erreur constatée empêchait son déroulement ; le NOx trap se chargeait alors excessivement en soufre, élément chimique qui a pour effet négatif de neutraliser l'efficacité du dispositif de stockage d'oxyde d'azote.

Malheureusement pour nous, cette anomalie avait été détectée bien avant les essais de la commission technique indépendante et avait été corrigée en juillet et septembre sur les véhicules Captur et Kadjar, mais une erreur interne à l'entreprise a fait que l'ingénieur devant signaler qu'il fallait réaligner les calibrations des véhicules a omis cette mention. Ceci a conduit à ce que les véhicules mis sur le marché avant la détection du dysfonctionnement n'ont pas été rappelés. C'est pour cette raison que le nombre de véhicules concernés n'était pas supérieur à 15 000 : 11 000 d'entre eux avaient été vendus, et les autres ont été traités avant leur mise en vente.

Comme tous les constructeurs, j'imagine, Renault procède à des vérifications avant le stade de la production des véhicules et mesure les émissions polluantes ; cependant, un véhicule qui n'a jamais roulé n'est pas chargé en soufre ; il est impossible de découvrir l'anomalie. Ce n'est qu'après avoir roulé sur plusieurs milliers de kilomètres que cette accumulation se produit jusqu'à la neutralisation du NOx trap. S'agissant de véhicules très récents, nous n'avions pas encore procédé aux contrôles des audits réalisés sur des véhicules présents sur le marché, ce qui nous a empêchés de détecter l'erreur par nos propres moyens. Nous l'avions en revanche détectée à l'occasion d'essais internes de validation du nouveau véhicule, comme je l'ai indiqué précédemment.

Outre le gain réalisé dans le domaine des températures, nous avons amélioré l'automate de pilotage du NOx trap. L'impact du dispositif EGR sur la consommation des véhicules est inférieur à 1 %, et il est négligeable sur les performances : des tests réalisés sur des véhicules montrent des variations de consommation n'excédant pas 10 %.

Nous consacrons 50 millions d'euros au contrôle des émissions de NOx. La difficulté ne réside pas tant dans les questions techniques que dans la diversité des modèles de véhicules à traiter. Par ailleurs, il n'est pas possible d'apporter des modifications au moteur d'un véhicule sans s'assurer qu'il n'y a aucun risque pour sa fiabilité et sa sûreté. Depuis juillet 2015, nous procédons à des tests d'endurance, à des simulations et à des validations afin de nous assurer que cet élargissement de la zone d'utilisation de l'EGR ne crée aucun problème dans ces domaines. Je peux dire aujourd'hui que c'est le cas, et que nous allons pouvoir mettre en oeuvre les contre-mesures décidées.

Comme je l'ai indiqué, nous sommes en phase intensive de développent des moteurs compatibles avec la norme Euro 6 d afin de les mettre sur le marché au plus tôt, si possible dans leurs versions définitives ; nous nous efforçons d'apporter la meilleure performance en matière de contrôle des émissions polluantes.

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