Lors des auditions que j'ai conduites, j'ai constaté ce fait étonnant. Alors que les présidents d'autorités ont été chargés par le législateur, dans une disposition validée par le Conseil constitutionnel, de collecter les déclarations d'intérêts et de patrimoine des membres, l'un d'eux m'a déclaré qu'il avait les enveloppes en sa possession mais ne les avait pas ouvertes, se réservant la possibilité de le faire le jour où un problème se poserait, tandis que d'autres m'ont indiqué que leur secrétariat disposait bien des déclarations mais qu'eux-mêmes ne les avaient pas regardées, n'estimant pas devoir le faire.
Je n'ai pas interrogé sur ce point toutes les personnes que j'ai auditionnées, n'imaginant même pas que la question puisse se poser. Toutefois, le vice-président du Conseil d'État m'a dit, lors de son audition, qu'il lui semblait opportun que les présidents d'autorités indépendantes prennent connaissance des déclarations, à des fins de prévention : c'est à condition de l'avoir fait, en effet, qu'ils peuvent, lorsque tel ou tel sujet est sur le point d'être abordé, nourrir un doute à propos d'un membre et le convoquer avant la réunion prévue pour vérifier auprès de lui s'il convient qu'il y siège.
Le texte du Sénat prévoit la possibilité pour tout membre, lors de sa nomination, de demander à consulter les déclarations déposées par ses collègues. Cette disposition me paraît indéfendable. Imagine-t-on se trouver dans pareille situation ? C'est parfaitement irréaliste, et le Gouvernement partage mon point de vue.
Dès lors, deux autres solutions vous sont proposées. Celle du Gouvernement, que traduit l'amendement CL138, consiste à supprimer cette possibilité offerte à tout membre de consulter les déclarations de ses collègues. Voici la mienne, contenue dans l'amendement CL69 : si vous estimez que la prévention des conflits d'intérêt nécessite que chaque membre soit informé de ces déclarations, il doit l'être dans le cadre des formalités administratives liées à sa nomination, ce qui se matérialisera par l'apposition de son visa. Ainsi disparaîtrait la procédure selon laquelle un membre irait demander à voir ce qu'ont fait les autres ; en outre, chacun étant averti d'emblée, nul ne nourrira plus de soupçons envers un collègue, ou, s'il se pose des questions, il alertera le président.