Intervention de Bernard Cazeneuve

Réunion du 5 avril 2016 à 18h00
Commission des affaires étrangères

Bernard Cazeneuve, ministre de l'Intérieur :

Je n'ai jamais dit le contraire.

Nous gérions la frontière pour eux et ils ne payaient rien. De plus, ils n'accueillaient pas ceux qui y avaient vocation au titre de l'asile parce que pouvant prouver qu'ils avaient de la famille au Royaume-Uni. Nous avons par conséquent demandé que ces accords soient rééquilibrés : le Royaume-Uni doit à la fois financer des équipements de sécurité et les politiques humanitaires en France – notamment les CAO – ; or, en l'espace de dix-huit mois, nos voisins ont engagé 102 millions d'euros en plusieurs tranches, la dernière ayant été allouée à l'occasion du conseil franco-britannique du mois de mars dernier.

La question des mineurs isolés, quant à elle, est fondamentale d'un point de vue humanitaire. Lorsque nous avons décidé de démanteler la partie sud de la Lande, ils étaient, selon l'association France terre d'asile, au nombre de 326. Nous disposions sur place, pour eux, de trois structures d'accueil : le centre Georges-Brassens, un centre à Saint-Omer et les bungalows dans lesquels ils pouvaient rester au moment où nous avons engagé le démantèlement de la partie sud. Par ailleurs, nous avons indiqué aux Britanniques qu'il n'était pas question qu'ils n'accueillent pas les mineurs isolés qui avaient de la famille au Royaume-Uni. Initialement défavorables à cette stratégie, ils s'y sont ralliés à force de dialogue et, depuis le dernier conseil franco-britannique, une vingtaine de dossiers présentés par la France ont abouti et plusieurs dizaines sont à l'examen. La dynamique est donc enclenchée, qu'une réunion régulière avec l'ambassadeur du Royaume-Uni permet d'intensifier. C'est important car nous sommes désormais davantage entendus par les mineurs isolés qui savent qu'en allant dans les centres mentionnés, ils pourront non seulement sortir de ces espaces et échapper aux passeurs, mais encore rejoindre le Royaume-Uni s'ils y ont de la famille.

Dans la partie nord, je l'ai dit, se trouvent 3 500 personnes dont 1 900 dans les bungalows ou dans les tentes de la sécurité civile et le reste dans des habitats de fortune. Nous avons, les concernant, trois objectifs précis. Nous entendons d'abord, en lien avec les associations, que soient renforcés les équipements collectifs pour créer des lieux de vie pour ceux qui sont à Calais. Nous voulons ensuite substituer à l'habitat de fortune un habitat propre et uniformisé de manière à respecter les normes, à pouvoir, en particulier, faire passer les secours et à accueillir ceux qui ne peuvent pas l'être dans les blocs. Il s'agit enfin de continuer la stratégie consistant à faire passer des maraudes de l'OFPRA, de l'OFII, des associations pour sortir ceux qui se trouvent à la fois dans le CAP et autour de Calais pour les diriger vers les CAO et pour continuer, donc, à « réduire » Calais car tel est bien notre objectif.

À Grande-Synthe, la situation est différente. S'y trouvaient, au mois d'octobre, 3 000 migrants. Il y a un mois, ils étaient 1 000. Nous sommes donc parvenus à diminuer des deux-tiers le nombre de migrants. Le maire, en liaison avec Médecins sans frontières (MSF) et des acteurs associatifs, a souhaité déplacer le camp, qui se trouvait dans un espace insalubre, pour créer les conditions d'un meilleur accueil. J'ai eu de nombreuses discussions avec lui, assez directes, pour lui signifier que la stratégie de l'État consistait bien plutôt en la réduction totale du camp de Grande-Synthe. Notre discussion a porté sur trois points, discussion très franche et de très bonne qualité qui s'est poursuivie la semaine dernière place Beauvau.

Premièrement, nous voulons que toutes les normes de sécurité imposées par la loi soient respectées et que la commission de sécurité donne un quitus. En effet, s'il y a le moindre problème, les conséquences juridiques et humanitaires peuvent être terribles. Donc nous souhaitons l'application du processus de mise en conformité avec les préconisations de la commission de sécurité. Or l'accord du maire sur ce point est total.

Ensuite, nous souhaitons que les services de police, en liaison avec les associations, continuent à travailler au démantèlement des passeurs et favorisent certaines médiations pour éviter les violences. Sur ce point aussi le maire est d'accord.

Enfin, nous voulons que ce camp soit provisoire – je n'entends pas changer de stratégie – et entendons que les maraudes destinées à réduire définitivement le nombre des migrants continuent, afin, comme à Calais, de les inciter à demander l'asile. Sur cette question aussi, le dialogue est positif et un comité de pilotage a été mis en place.

Dans ces conditions, le maire de Grande-Synthe et moi-même appelons de nos voeux un dispositif qui, sur le plan humanitaire et en ce qui concerne l'accès à l'asile, soit conforme aux objectifs de l'État et aux valeurs de la France, cela dans le cadre rigoureux d'une coopération authentique, sans arrière-pensée.

Je conclurai, car tout doit être dit, sur un point : lorsque j'ai rencontré les associations, avant qu'on ne procède à la mise à l'abri des personnes qui vivaient dans la partie sud, j'ai indiqué souhaiter que cette action se fasse sans la présence des forces de l'ordre. Il s'avère que dès lors que les maraudeurs, qui sont des travailleurs sociaux de l'État, sont arrivés pour convaincre les migrants de rejoindre la partie nord ou les CAO, ils ont été pris à partie, insultés et caillassés – voilà la réalité. J'ai donc pris mes responsabilités : j'ai disposé des forces de sécurité pour garantir l'intégrité physique des travailleurs sociaux qui remplissaient une mission pour le compte de l'État. Les initiateurs de ce caillassage se sont précipités pour expliquer que les engagements que nous avions pris n'avaient pas été tenus et que nous avions envoyé des bulldozers. Or il n'y avait sur place aucun bulldozer mais des forces de l'ordre garantissant aux travailleurs sociaux la possibilité de remplir leur tâche. La totalité de l'espace vidé et les migrants relogés, nous avons fait venir des engins de travaux pour nettoyer cet espace plein d'immondices. Voilà très exactement ce que nous avons fait ; or, là aussi, nous avons été confrontés, en permanence, à des manipulations et des provocations. Je soutiens les fonctionnaires de l'OFII, de l'OFPRA, de la préfecture et de la police, fonctionnaires de l'État qui réalisent le plus souvent leur mission avec passion et qui n'ont pas à être considérés comme ils le sont par certains pour la seule raison qu'ils sont les représentants de l'État.

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