Intervention de Bernard Cazeneuve

Réunion du 5 avril 2016 à 18h00
Commission des affaires étrangères

Bernard Cazeneuve, ministre de l'Intérieur :

Ne considérez pas, certes, que ces films sont parole d'évangile, mais allez donc dans les CAO : en tant que parlementaires, vous avez une capacité d'investigation, de contrôle sur place. Mes services seront ravis d'organiser de telles visites. Mais si vous oubliez de nous prévenir, ce sera encore mieux. Je suis très demandeur que vous examiniez ce que nous faisons dans les CAO. En effet, certains expliquent que quand des migrants partent de la boue de Calais pour aller dans les CAO, l'État organise leur « déportation » – voilà ce que je peux lire dans des lettres qui me sont envoyées, dans certaines tribunes. Si l'on constate des dysfonctionnements, il va de soi que nous y remédierons : nous souhaitons réserver aux migrants le meilleur accueil, faire en sorte que la France soit exemplaire en matière d'asile et nous améliorerons ce qui doit l'être.

Jean Glavany a évoqué l'aimantation de Calais. Il faut savoir que 85 % de ceux qui se rendent dans un CAO y restent. Il s'agit certes d'un taux national qui peut recouvrir des réalités locales différentes. Reste que ce chiffre de 85 % est considérable compte tenu, précisément, de cette aimantation. Et plus nous serons nombreux à valoriser ce que nous faisons pour l'asile en France et pour la protection des personnes vulnérables, plus nous serons convaincants. J'y insiste, ces femmes et ces hommes qui ont subi des persécutions ne nous appartiennent pas : ils doivent construire leur avenir eux-mêmes ; nous n'avons pas à instrumentaliser leur sort à des fins politiques, que ce soit pour dire qu'ils n'ont rien à faire là, en convoquant les populismes les plus abjects, ou pour considérer qu'ils sont mieux entre les mains des associations au prétexte que l'État serait toujours mauvais. Encore une fois, la réalité est toujours beaucoup plus complexe que cela. Or dans un contexte où le populisme gagne du terrain en Europe, nous avons intérêt, État et associations, à agir ensemble pour faire triompher les valeurs de l'asile.

On m'a interrogé ensuite sur le nombre de policiers à Calais : il s'y trouve 14,5 unités de forces mobiles. C'est trop au regard de ce que l'on pourrait souhaiter dans une ville, mais c'est ce dont nous avons besoin pour assurer la sécurisation des infrastructures portuaires. Si l'on y ajoute les effectifs de la sécurité publique, on parvient au chiffre de 1 100 effectifs – je ne sais pas si vous vous rendez compte.

Le député Habib m'a posé une question sur le lien entre délinquance et migration. Je ne confonds pas les deux mais je constate simplement que si nous voulons bien accueillir ceux qui doivent l'être, nous devons pouvoir assurer la sécurité des frontières extérieures de l'UE. En effet, les organisations terroristes et les organisations criminelles sont abjectes et cyniques et l'on ne réagit pas à l'abjection et au cynisme par l'angélisme mais par des mesures. C'est pourquoi j'insiste sur l'interrogation du système d'information Schengen, sur la connexion des fichiers criminels, sur la mise en place d'une task force européenne de lutte contre les faux documents… Quand j'expose ces conditions devant permettre d'accueillir ceux qui doivent l'être en toute sécurité, toute une série d'acteurs vous expliqueront qu'il ne s'agit que d'une approche sécuritaire de la question migratoire. C'est tout le contraire : si l'on veut avoir une approche humanitaire de la question migratoire, il faut éviter que les organisations criminelles ne s'en emparent pour réaliser leurs trafics. Il faut donc protéger les migrants eux-mêmes de cette intrusion d'acteurs pour certains terroristes. Parce que l'impact d'un attentat commis par deux, trois ou dix personnes se mouvant parmi un million de migrants est tel qu'il provoque des craintes et nourrit le populisme, nous devons prendre toutes les précautions pour que cela ne soit pas possible.

On m'a demandé quel âge avaient les mineurs isolés : 57, parmi les 326 identifiés, ont moins de quinze ans.

J'en viens à la Grèce. Nous ne la laissons pas seule : la France y est même le pays le plus présent avec l'envoi de près de 200 collaborateurs de mes services. Quand, il y a quelques semaines, je me suis rendu sur place pour rencontrer le président, le premier ministre et plusieurs membres du gouvernement, ils ont reconnu publiquement le rôle de la France dans la maîtrise de la situation dans les Hotspots, ce qui a été rappelé au conseil justice et affaires intérieures, soit devant les 28. Ce qui n'empêche pourtant pas la réitération du discours selon lequel la France aurait laissé la Grèce livrée à elle-même. Or, j'y insiste, nous sommes le pays le plus présent en Grèce, et significativement, par le biais de l'OFPRA et de la police, afin d'alimenter les moyens de l'agence Frontex.

Jean Glavany souhaite depuis longtemps que les accords du Touquet soient révisés.

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