Intervention de Vincent Rodet

Réunion du 27 avril 2016 à 9h30
Commission des affaires économiques

Vincent Rodet, CFDT :

Je commence par le chapitre social. Le nombre de 220 000 salariés a été cité plusieurs fois : il correspond plutôt au nombre de salariés de la filière. EDF regroupe 150 000 salariés dans le monde, dont environ 70 000 à EDF SA. Il n'y a pas de comité d'entreprise (CE) EDF au sens activité sociale, il y a un CE pour les industries électriques et gazières.

Le dossier hydraulique est emblématique de l'exaspération des syndicats et des citoyens vis-à-vis d'approches trop technocratiques. Face à l'épuisement du modèle européen, nous espérons voir les lignes bouger. Notre travail collectif a marqué nos interlocuteurs : députés et commissaires européens nous ont dit voir un front uni sur le sujet pour la première fois. Nous espérons que le scénario de concessions hydrauliques reconduites par tacite reconduction avec EDF interdite de candidater pourra être évité. Ce scénario apocalyptique semble s'éloigner. Pour autant, l'atterrissage va être subtil. Les syndicats feront leur part du chemin ; les ministères devront faire preuve de pugnacité face à la Commission européenne.

EDF n'a pas annoncé de licenciements, mais elle a présenté en début d'année, en CCE, une réduction des effectifs. Face à la crainte de voir les effectifs constituer une variable d'ajustement dans le cadre du plan de performance d'EDF, qui prévoit de comprimer les coûts de 1 milliard au lieu de 700 millions prévus initialement, la direction vient de préciser qu'elle n'envisage pas d'aller au-delà de cette baisse d'effectifs. Pour autant, et nous l'avons dit en CCE, la CFDT militait pour une phase plateau en 2016, même si nous reconnaissons que les effectifs ont augmenté ces dernières années, avec plus de recrutements que de départs en retraite. En effet, nous déplorons la dimension stop-and-go, c'est-à-dire la gestion heurtée des effectifs, qui ne contribue pas à la performance globale d'EDF, alors que certains de nos métiers nécessitent des formations initiales de plus d'un an. Malheureusement, nous n'obtiendrons pas cette phase plateau, car l'année 2016 constitue un point d'inflexion entre une hausse et une baisse. Nous ferons néanmoins toujours valoir nos arguments en interne.

Nos collègues du thermique sont durement frappés, puisque le noyau résiduel du thermique dans le mix EDF se réduit très fortement, avec quelques centrales gaz et quelques centrales charbon. Un plan de départs anticipés est prévu, assorti d'un accompagnement, ainsi que des aides à la mobilité dans le cadre de la « mobilité prioritaire » – encore faut-il que les familles soient mobiles. On atteint donc la limite de l'exercice. Pour nous, EDF devrait garder une compétence pointue dans le thermique à flamme, au lieu de laisser la filière s'étioler.

Le personnel EDF est-il trop vorace ? Le salaire moyen à EDF est comparable à celui pratiqué dans les grands groupes industriels. J'ajoute que ce salaire est contenu, n'ayant pas augmenté ces dernières années ; ce sont les charges sociales qui ont fait dériver la masse salariale. La négociation collective existe dans cette entreprise. J'attire votre attention sur le fait que tous les accords salariaux ne sont pas signés : s'ils étaient aussi exorbitants, ils auraient obtenu le paraphe de toutes les organisations syndicales. Autrement dit, en dehors de mesures unilatérales de la direction, aucun accord collectif sur les salaires n'a été signé ces dernières années.

J'en viens au dossier Hinkley Point. D'abord, la CFDT tient fermement à ce que toutes les options – abandon définitif, prolongation de deux ou trois ans ou lancement rapide en septembre –, soient instruites à l'aune d'une appréciation risquesopportunités. La représentation du personnel en CCE doit donc être éclairée sur ces trois axes. Je précise que le contract de différence est extrêmement intéressant au regard de l'avenir énergétique européen, et sa transposabilité en France devrait être étudiée. Qualifier une centrale nucléaire d'infrastructure et juger nécessaire la présence du nucléaire dans un mix électrique durable et sécurisé en base, il fallait le faire politiquement.

HPC est certes un dossier lourd, mais même sans cela, la situation d'EDF était en train de partir dans le décor. Ce projet ne fait que surajouter une incertitude du fait des 16 milliards d'euros d'investissement pour EDF. L'un d'entre vous a empilé les coûts du grand carénage, d'HPC ou encore de Linky, mais tous ces investissements vont se déployer sur dix ans. Ce qu'il faut vérifier, c'est que la trajectoire d'EDF dans les dix ans sera soutenable chaque année tous investissements cumulés, sachant qu'HPC représenterait environ 15 % de l'investissement total. Il importe également de ne pas prioriser un investissement stratégique par rapport à d'autres.

Enfin, nous avons participé à un séminaire organisé par la direction d'EDF vendredi matin. Il s'est tenu en présence du président, du directeur des ressources humaines du groupe, du directeur financier du groupe, du directeur du Royaume-Uni et de M. Yannick d'Escatha. Au cours d'un échange très ouvert de trois heures, nous avons obtenu des éléments de réponse à une partie de nos questions, aucune n'ayant été considérée comme taboue. Nous n'avons pas de support écrit, mais il semble – et nous l'espérons – que ces éléments d'un niveau de précision inédit vont être versés aux débats pour le CCE. Nous comprenons que le président a accepté le schéma que nous souhaitions d'une information puis d'une consultation, soit deux CCE. Au CCE-info de début mai, nous devrions lancer une expertise, et nous espérons que les experts mandatés disposeront d'éléments à la hauteur de ceux présentés lors du séminaire de vendredi matin. Cela nous conforte dans notre intuition que toutes les pistes doivent être ouvertes, car un abandon définitif serait extrêmement lourd pour EDF : HPC est dans les radars depuis 2009 ; plus de 2 milliards d'euros ont déjà été dépensés, dont 1 milliard en ingénierie, avant même la signature des contrats. Des précontrats sont probablement signés, qui prévoient peut-être des pénalités en cas d'abandon. C'est à vérifier.

Le 3 mai, nous rencontrerons nos collègues syndicalistes britanniques : nous sommes attentifs à l'avenir de la filiale britannique, qui est la plus grosse filiale étrangère du groupe EDF. Sur ce projet, 600 agents travaillent directement à EDF SA, 400 travaillent en sous-traitance, pilotés par EDF SA, et un peu plus de 3 000 emplois sont concernés chez Alstom, Bouygues et Areva. En conclusion, nous sommes satisfaits : il y aura une respiration pour le dialogue social et nous espérons que tous ceux qui doivent être informés des finesses du projet le seront, car la décision de septembre, quelle qu'elle soit, sera lourde.

Concernant RTE, nous avons compris que le patron de cette entreprise disposera du temps nécessaire pour affiner son projet industriel. Nous espérons que les syndicalistes de RTE auront l'occasion, comme à EDF SA, d'affiner cette perspective dans un échange ouvert avec la direction.

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