Intervention de Alexandre Grillat

Réunion du 27 avril 2016 à 9h30
Commission des affaires économiques

Alexandre Grillat, CFE-CGC :

Il faut prendre le temps de « dérisquer » au maximum le projet Hinkley Point, ne faut pas se précipiter au regard des nombreuses questions qui se posent encore.

Une première question fondamentale est de savoir si c'est à EDF de porter le financement du développement nucléaire de la filière à l'international. Avec ce projet, on demande à EDF de porter ce financement dans son bilan, alors que les Chinois et les Russes passent par des banques publiques d'investissement. Je rappelle qu'en 2008, EDF a surpayé British Energy et a détruit de la valeur en surpayant Constellation pour maintenir l'illusion de vendre des EPR en Grande-Bretagne et aux États-Unis. On a déjà demandé à EDF d'acheter les clients d'Areva pour près de 10 milliards d'euros ; à cela s'ajoutent les 20 milliards d'euros de dividendes. Quelle entreprise peut supporter 30 milliards d'euros de sorties de valeur en dix ans ?

Deuxième question fondamentale : quel est le modèle de réacteur dont la filière française doit disposer pour renouveler le parc nucléaire français ? Est-ce l'EPR d'aujourd'hui, un EPR optimisé ou un réacteur de moindre puissance ? Ce débat fondamental ne doit pas être préempté par la décision d'investissement d'HPC.

Troisième question fondamentale : quel est le modèle de réacteur dont la filière a besoin pour réussir à l'export ? Il faut que le modèle de réacteur soit achetable, c'est-à-dire adapté aux attentes du marché. L'EPR prototype de Flamanville ou l'EPR HPC correspond-il à cette exigence ?

La quatrième question fondamentale a trait aux choix stratégiques d'EDF – Électricité de France. Céder les activités régulées de RTE, racheter l'équipementier Areva NP, prendre une décision précipitée sur HPC, revient à mobiliser toutes ses ressources financières. Or le système électrique est en train de se digitaliser, de se décentraliser, avec des ruptures technologiques sur les modes de production. Dans ce contexte de mutation du système électrique, nous pensons indispensable de préserver la manoeuvrabilité d'EDF et donc de ne pas mettre tous ses oeufs financiers dans le même panier.

Comment, enfin, financer la stratégie internationale d'EDF ? En achetant des opérateurs comme ces quinze dernières années ? En portant soi-même la majorité de l'investissement réalisé dans un autre pays ? Dit autrement, en mobilisant 16 milliards d'euros sur HPC, il ne restera plus rien pour d'autres projets à l'international. La stratégie internationale d'EDF passe-t-elle par le financement majoritaire ou intégral de ces investissements à l'international ? Ne faut-il pas s'inspirer du secteur pétrolier où le partage des investissements, donc le partage des risques, entre opérateurs financiers est de mise ? Si EDF était moins exposée dans le financement de tel ou tel projet, elle pourrait en mener un plus grand nombre.

Je termine en répondant à une question de M. Denis Baupin. Même si nous ne sommes pas d'accord sur son rythme, il faut considérer la transition énergétique comme une évolution. Pour que les salariés des IEG puissent espérer un avenir professionnel, il faut assurer une transition, qui passe par l'élaboration d'un socle social et des conventions collectives. Si j'étais provocateur, je dirais qu'il faudrait élargir le statut des IEG à tous les acteurs de la transition énergétique. En tout cas, la transition professionnelle liée à la transition énergétique ne peut pas se faire sans un vrai projet social.

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