Hier comme aujourd'hui, force est de constater la permanence des clivages entre ceux qui veulent faire vivre la belle promesse républicaine de l'égalité et ceux pour qui il est insupportable de donner les mêmes droits à tous les couples. Je veux témoigner ici même de la sollicitation pressante dont j'avais déjà fait l'objet, en 1998, pour fermer le PACS aux couples hétérosexuels et en faire un statut spécifique réservé aux seuls couples homosexuels. C'est la même logique qui est à l'oeuvre en 2013, tant les ennemis du PACS d'hier sont les ennemis du mariage pour tous d'aujourd'hui.
Ce sont les mêmes, avec les mêmes arguments. Et s'ils parent aujourd'hui de toutes les vertus – ironie de l'Histoire – le PACS, qu'ils ont combattu souvent si violemment, leur problème demeure identique : la place du couple homosexuel dans la société française.
Comment réussir à leur ouvrir les yeux sur les réalités de cette société qui aspire à toujours plus d'égalité, de reconnaissance et d'intégration, de cette société qui sait s'enrichir de toutes les différences – notamment d'orientation sexuelle –, de cette société positive, avide d'un avenir partagé et d'un véritable vivre ensemble ?
En 2013, comment ne pas se réjouir que des enfants ne soient plus amenés à cacher leur homosexualité à leurs parents et que ceux-ci ne soient plus conduits à considérer que l'avenir de leur enfant est pour cette raison définitivement compromis ?
Comment refuser aujourd'hui de donner des droits nouveaux à certains, sans réduire les droits des autres ?
Comment ne pas constater que les nouvelles formes de parentalité ont explosé, que le progrès scientifique permet maintenant de répondre à un désir d'enfant, si facilement stigmatisé et trop rapidement opposé à l'intérêt supérieur de l'enfant, par ceux-là mêmes qui utilisent régulièrement les droits de l'enfant pour réduire les droits des femmes ?
Comment ne pas prendre la pleine mesure des évolutions des modes de vie familiaux provoquées par l'explosion du nombre des naissances hors mariage – désormais majoritaires –, par la multiplication des recompositions familiales, par le choix d'élever un enfant seul ou avec un compagnon ou une compagne du même sexe ?
Comment continuer à privilégier de manière disproportionnée la dimension biologique de la filiation, en la considérant comme une garantie de sécurité et de bonne éducation pour l'enfant ?
Cette primauté donnée au biologique conduit à justifier les conditions restrictives actuellement requises pour adopter conjointement – soit former un couple de sexe différent et marié – par la vraisemblance biologique qu'elles offrent. Peut-on toujours fonder une règle de droit sur un faux-semblant au moment même où la société aspire à davantage de transparence ?
L'intérêt de l'enfant est sans conteste le critère le plus pertinent pour faire évoluer notre droit de la famille. Il y a un demi-siècle, on imposait à des futurs parents la naissance d'enfants non désirés ; aujourd'hui, on veut continuer à interdire à des parents la naissance d'enfants désirés au prétexte que la procréation devrait rester pour l'éternité le fruit de la rencontre d'un homme et d'une femme.
C'est la raison pour laquelle, après avoir ouvert le mariage et l'adoption aux couples de même sexe, il nous reviendra, je l'espère très prochainement, d'ouvrir l'assistance médicale à la procréation à toutes les femmes.
Mes chers collègues, c'est parce qu'une majorité d'entre nous a reçu mandat de nos concitoyens de ne plus conserver dans notre droit des discriminations d'un autre temps ; c'est parce que nous considérons, comme Irène Théry, que « le mariage est une institution vivante et qu'une institution vivante ne se défend pas de façon négative et apeurée, comme une citadelle assiégée » ; c'est parce que nous sommes des citoyens européens, parce qu'il ne saurait y avoir d'exception française et que sept pays de l'Union, si semblables au nôtre, nous ont déjà montré l'exemple, que nous disons à cette tribune notre fierté, mais également notre émotion, de faire franchir à la France, avec ce beau projet de loi républicain, laïque et universaliste, une nouvelle étape décisive sur le long chemin de l'égalité des droits. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR et écologiste.)