Intervention de Bruno Foucher

Réunion du 27 avril 2016 à 9h45
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Bruno Foucher, président exécutif de l'Institut français :

Je salue Mmes et MM. les députés, ainsi que nos amis du Cameroun dont j'ai en effet été le voisin pendant près de cinq ans lorsque j'exerçais mes fonctions au Tchad.

Merci de me recevoir au sein de votre commission. J'ai eu, dans un passé encore récent, l'occasion de beaucoup travailler avec l'Assemblée, en l'occurrence avec la commission des affaires étrangères. Je n'ai eu qu'à m'en féliciter : au cours de mon difficile mandat dans le pays où j'ai occupé mon précédent poste, la diplomatie parlementaire a joué un rôle essentiel en faisant le trait d'union entre le moment où l'administration ne se donnait pas le droit de rendre visite à mes « paroissiens » sur place et celui où les choses se sont arrangées. Il y a eu à cet égard entre le Parlement – Assemblée nationale et Sénat – et les affaires étrangères une très grande communauté de vue et d'action qui a permis d'améliorer notre position politique et économique dans ce pays, et j'espère qu'il en ira bientôt de même de notre situation culturelle.

C'est dans cet esprit que je me présente devant vous. C'est toujours un honneur d'être reçu par la représentation nationale. Je me tiens à votre disposition à tout moment pour vous apporter des éclaircissements ou aborder les points dont vous souhaiteriez discuter avec moi.

L'Iran, où j'ai passé cinq ans, fournit un très bon exemple de l'importance que l'image de la France peut revêtir à l'étranger. Notre culture et notre civilisation suscitent une grande admiration chez les Iraniens de tous bords, soutiens ou non du régime. Nous entretenons avec le pays une relation politique complexe, tendanciellement plutôt difficile, et des rapports économiques moins développés qu'ils ne devraient l'être, mais en voie d'amélioration. Au nombre des évolutions dont j'ai pu être témoin au cours des cinq dernières années, principalement des trois dernières, figurent le renouement politique – le secrétaire général du ministère des affaires étrangères se rendra en Iran la semaine prochaine, pour la première fois depuis très longtemps – et, en matière économique, le retour fracassant de nos entreprises : la visite en France du président Rohani, fin janvier, a débouché sur la signature de 35 milliards d'euros de contrats. Cette politique doit à mon sens être poursuivie dans le domaine culturel. Les Iraniens le demandent, parce que l'image française, la spécificité française, l'art de vivre à la française, notre art et notre civilisation continuent de susciter leur attention. Et pour approfondir nos relations avec un pays, même difficile, la « carte » de la politique culturelle peut être jouée, dans l'intérêt mutuel des parties.

Car la culture – ce n'est pas à vous que je l'apprendrai – est un vecteur essentiel d'influence. À ce sujet, on parle aujourd'hui volontiers de soft power, un concept élaboré par un politologue américain et que, personnellement, je conteste, car le soft power n'a de sens que couplé au hard power et, dans ces expressions, c'est le mot power qui compte. Le soft power ne vise qu'à amener l'autre à penser comme vous, donc à le priver de son mode de pensée propre, alors que l'influence à la française, plus respectueuse de l'autre, tend à favoriser un mode de pensée différent. Elle est parfaitement compatible avec la pluralité de l'opinion, avec le respect de l'altérité, et s'inscrit dans l'héritage des Lumières, son humanité et son universalité.

Pour conserver notre place dans un monde bouleversé, il nous faut donc mener une politique d'influence culturelle structurée à long terme, dotée de moyens véritables, mais pas nécessairement considérables.

Nous avons, à l'Institut et au-delà, un périmètre d'action privilégié : l'aire francophone. La langue française est un vecteur essentiel d'influence. Il y a 274 millions de francophones dans le monde ; selon les prévisions, ils pourraient être 750 millions à l'horizon 2060, dont 85 % en Afrique – un continent dynamique où la croissance est fortement positive et dont je suis revenu très optimiste. Le français est la deuxième langue la plus enseignée au monde et la quatrième langue d'affaires. La cible, aujourd'hui et demain, ce sont les 115 millions d'apprenants en français et les 900 000 professeurs de français, sans se limiter au 1,1 million de personnes qui apprennent notre langue au sein du réseau qui est à notre main ou de nos 500 lycées à l'étranger.

Mais notre aire d'influence ne se réduit pas à celle de notre langue : elle touche aussi à la création, à l'innovation, à tout ce que l'on est capable de produire. Pour être influent, en effet, il faut être considéré comme tel : on vous juge sur des actes, sur des créations, de même que dans l'industrie. Il faut donc être créatif et le montrer ; pour le montrer, il faut promouvoir la création ; et, pour promouvoir la création et notre inventivité, il faut des structures.

Tel est précisément le but et le rôle de l'Institut français, opérateur de la diplomatie culturelle, qui a besoin d'être stratégiquement bien orienté, opérationnellement efficace, institutionnellement reconnu et politiquement soutenu pour être en ordre de bataille. En effet, le réseau culturel français et nos partenaires internationaux attendent de nous que nous fassions connaître notre culture, nos créations, nos artistes et nos industries culturelles, que nous fassions aimer notre langue et que nous promouvions nos idées et nos valeurs partout dans le monde.

Je commencerai par vous dire où en est l'Institut français, avant d'en venir à nos grands projets pour l'année à venir, puis, en troisième lieu, aux contraintes, notamment financières, qui pèsent sur nous.

Je suis arrivé à l'Institut français le 1er mars et je l'ai trouvé en ordre de marche après une année 2015 difficile du point de vue de la gouvernance – trois présidents se sont succédé, avec l'épisode très malheureux de la disparition de Denis Pietton, qui était aussi l'un de mes amis. La situation est en train d'évoluer. Après trois ans de négociations, une convention d'entreprise a été signée avec les partenaires syndicaux en août 2015, ce qui a permis d'apaiser le climat social au sein de l'établissement. Il me semble que l'épisode du non-rattachement du réseau culturel est derrière nous.

L'Institut travaille en ce moment à son projet stratégique dans le cadre des discussions avec les tutelles en vue de la rédaction de notre contrat d'objectifs et de moyens (COM), dont le Parlement devrait être saisi vers le mois de septembre, après que notre tutelle l'aura revu et que le ministère du budget l'aura examiné. Ce projet stratégique, vous le connaissez. Vous avez parlé, monsieur le président, de « marque mondiale ». En effet, l'Institut français est l'instrument français de la diplomatie culturelle ; acteur unique sur la scène culturelle française dans ses rapports avec l'étranger, il a besoin d'être reconnu comme tel. Son but est de réaffirmer sa mission de valorisation internationale de la création artistique et intellectuelle et des industries culturelles et créatives, de promotion de la langue française et de soutien au dialogue des cultures. Son action doit illustrer la stratégie de notre diplomatie d'influence, maintenant que sa relation avec le réseau culturel des instituts français et des alliances françaises – son premier partenaire dans le monde – est clarifiée.

Nous avons pour spécificité de mettre l'accent sur la pluridisciplinarité de l'action culturelle. Nous recherchons la transversalité, l'hybridation dans le domaine des arts – l'un des thèmes sur lesquels nous travaillons actuellement –, le décloisonnement de nos activités pour mieux tenir compte de l'évolution des pratiques culturelles. Nous promouvons le « focus transdisciplinaire » aux Nuits sonores de Lyon, où sont invités une cinquantaine de professionnels étrangers identifiés et envoyés par les postes pour repérer la scène musicale française et la French Tech culturelle. Ils participeront également au forum European Lab, dédié aux acteurs européens de l'innovation culturelle, et à l'opération « Shoot the Book ! » au Festival de Cannes.

Si le principe d'universalité de notre réseau n'a pas été remis en cause, la baisse de nos moyens nous contraint malheureusement à recentrer notre action sur des zones géographiques plus nettement prioritaires. Nous avons donc élaboré une stratégie géographique qui sera présentée au prochain conseil d'administration et qui met l'accent sur une quarantaine de pays seulement, à la demande de nos tutelles, contre 78 lors du dernier exercice. Il s'agit de pays prescripteurs, de pays émergents ou néo-émergents, de pays d'Afrique et du Moyen-Orient. Nous avons l'intention de contractualiser avec ces pays prioritaires pour y encadrer l'action de l'Institut français pendant trois ans, afin de mieux la planifier. Nous avons par ailleurs défini des zones régionales moins prioritaires, où nous pourrions faire circuler librement les projets que nous avons montés. Enfin, tous les autres pays conservent naturellement l'accès à l'ensemble de nos missions de conseil et de nos plateformes et outils informatiques et numériques. Nous gardons en réserve quelques crédits budgétaires pour les pays qui traversent actuellement une crise grave mais qui pourraient revenir sur la scène culturelle au cours des trois prochaines années : il faudrait alors dégager rapidement les moyens de favoriser ce retour.

Nous continuerons d'accorder une attention particulière à l'Afrique, où la coopération culturelle française, historique, mérite d'être valorisée à la mesure des enjeux que représente le continent. Je songe à la Biennale de Bamako, que nous avons conduite à l'automne dernier dans des conditions sécuritaires difficiles, et qui a permis de faire émerger des photographes africains sur la scène internationale, mais aussi à la Cinémathèque Afrique, à Afrique et Caraïbes en créations ou à l'Africa Design Week. Des partenariats avec le secteur privé seront naturellement recherchés.

En France, nous souhaitons être un partenaire incontournable pour les collectivités territoriales et revisiter notre collaboration avec elles à cette fin. Vingt-sept conventions sont signées, que nous avons commencé à « dépoussiérer ». Je me suis ainsi entretenu il y a quelques semaines avec le maire de Bordeaux pour réexaminer les conditions de mise en oeuvre de la convention ; je ferai de même dans quelques jours avec Gérard Collomb, maire de Lyon ; j'espère pouvoir ensuite rencontrer le président de la région des Hauts-de-France, puis la maire de Nantes. Nous tirerons alors un premier bilan de ces quatre contacts avant d'aborder les autres conventions. Les conventions représentent un montant global de 1,1 million d'euros, sachant que, pour chaque euro que nous apportons, la collectivité territoriale en apporte également un.

J'en viens aux grands projets de l'Institut français pour l'année à venir.

Le premier, après le grand succès de l'événement qui s'est déroulé au Quai d'Orsay en janvier, consiste à lancer une nouvelle Nuit des idées pour faire de la formule une sorte de marque maison. L'événement aurait lieu à date fixe, cette fois dans de très nombreux lieux culturels en France, notamment à Paris, et à l'étranger. Nous n'en serions plus les organisateurs directs, mais nous pourrions labelliser des projets qui nous seraient transmis, sur le fondement d'un cahier des charges minimal que nous allons proposer. Cette nouvelle édition, dont nous avons officiellement lancé l'idée hier, pourrait se tenir en janvier prochain – la date sera bientôt arrêtée définitivement. Les différents lieux qui l'accueilleront simultanément dialogueront et communiqueront grâce aux techniques numériques.

Le deuxième projet, que vous connaissez bien, est une spécialité de notre maison : les saisons croisées. L'année France-Corée a été lancée il y a quelques semaines par le ministre à Séoul. C'est une saison assez lourde puisqu'elle n'englobe pas moins de 200 événements culturels dans plusieurs villes des deux pays : il s'agit d'un gros investissement pour l'Institut, en effectifs comme du point de vue financier. Les « années » sont principalement financées par le mécénat et il n'est pas toujours facile de trouver des entreprises pour monter des programmes d'ampleur – j'y reviendrai.

Nous allons lancer fin 2016 la saison croisée France-Colombie, qui débutera le 16 décembre à Bogotá, en même temps que la Fête des lumières lyonnaise. La mobilisation du secteur privé a été tout à fait remarquable, de sorte que nous avons trouvé sans grande difficulté la somme dont nous avions besoin pour monter cette saison, soit 1,7 million d'euros, même si nous nous heurtons aujourd'hui à un petit problème lié à la dévaluation de 40 % du peso colombien, qu'il faudra compenser.

Les prochaines saisons croisées doivent avoir lieu avec Israël en 2018, avec la Roumanie en 2019 et avec le Qatar en 2020.

Nous avons récemment eu un débat avec mes autorités de tutelle au ministère sur la nécessité, qui me paraît s'imposer, de consulter l'Institut français avant de choisir un pays en vue d'une saison croisée. Trop souvent, l'Institut est prévenu après coup et la saison annoncée ne recoupe pas toujours des intérêts économiques clairement affichés, ce qui complique notre recherche de moyens financiers pour monter ces opérations coûteuses.

Le troisième grand projet est la réponse à l'invitation de la France à la Foire du livre de Francfort. Ce sera un événement majeur : cela faisait vingt-huit ans que la France n'avait pas été à l'honneur lors de cette manifestation. L'invitation a été reprise au bond par le Premier ministre, fort de l'idée tout à fait juste selon laquelle il existe entre les jeunes générations des deux pays un déficit de communication, qui concerne aussi la traduction et la lecture et qu'il faut combler en resserrant nos liens économiques et culturels dans le domaine du livre. La Foire du livre de Francfort est une manifestation de portée mondiale : c'est la plus grande foire du livre au monde. Nous y aurons un pavillon important et nous serons au coeur de l'événement. Nous avons déjà organisé plusieurs rencontres à Paris avec les éditeurs allemands qui sont tout à fait mobilisés, ainsi que leurs homologues français, pour tisser de nouveaux liens sur fond de rénovation de la relation intellectuelle entre nos deux pays.

En quatrième lieu, nous allons continuer de développer notre offre numérique pour valoriser dans le monde la vitalité de la scène culturelle française, comme l'Institut français en a été chargé dans le cadre du projet MAEDI 21, et conformément à l'évolution des pratiques. Davantage qu'un relais d'information, il s'agit d'offrir une image attractive de la vie et des valeurs culturelles françaises, de tisser du lien et de créer des rendez-vous avec les francophiles, les francophones et les « culturophiles » partout dans le monde. Au-delà de nos partenaires internationaux, il s'agit de s'adresser aux classes moyennes internationales, au premier rang desquelles les publics des 97 instituts français et des 850 alliances françaises dans le monde, qui forment un réseau unique et constituent nos relais naturels. L'évolution des outils numériques de l'Institut français devra illustrer les priorités de notre diplomatie culturelle en promouvant l'excellence des productions françaises, le made in France dans le domaine culturel. Il convient de noter que le financement de cette plateforme reposera presque entièrement sur l'Institut français, dans le cadre budgétaire qui est le sien.

J'en viens précisément aux financements, troisième aspect que je souhaitais aborder et qui est au coeur de ma mission. Nous cherchons depuis des années à diversifier nos ressources. Plusieurs pistes existent, que nous sommes en train d'explorer.

La première, qui pourrait déboucher sur des résultats assez significatifs, est européenne. Nous avons obtenu un premier succès en remportant en 2016 un appel d'offres de la Commission à propos d'un programme d'éducation à l'image appelé CinEd. Celui-ci réunit sept pays et a pour objectif d'éduquer et d'ouvrir le jeune public européen à la richesse du cinéma d'Europe. Par ailleurs, nous sommes actuellement chargés, au sein du réseau EUNIC (European Union National Institutes of Culture), de la réalisation des contenus d'un portail culturel destiné aux pays tiers, sur financement européen. Nous allons continuer à nous proposer chaque fois que de nouveaux projets seront lancés.

On observe toutefois depuis peu une évolution qui suscite notre attention et dont j'ai parlé au ministre la semaine dernière. Vous l'avez sans doute noté, Mme Mogherini fait des déclarations publiques sur la politique culturelle qu'elle voudrait construire en marge de la politique diplomatique dont elle est chargée au sein du Service européen pour l'action extérieure (SEAE). Elle doit présenter dans un mois au Conseil européen et au Parlement sa stratégie, dont la teneur nous intéresse vivement. S'agira-t-il d'utiliser une image et de la promouvoir, sans programme culturel associé ? De faire appel pour des projets culturels aux réseaux européens – français, allemand, anglais – sur lesquels elle peut s'appuyer à l'étranger ? Ou disposera-t-elle de moyens financiers supplémentaires, notamment grâce au soutien du Parlement ? Mme Mogherini a en tout cas l'intention de développer une politique culturelle, elle a parlé d'attachés culturels, de services culturels à propos des missions de la Commission, et nous sommes très désireux d'en savoir plus.

La deuxième source de financement à laquelle nous travaillons est le développement des cours de français en ligne, à l'appui de ceux qui sont dispensés par les instituts français et, potentiellement, de ceux des alliances françaises. Ce chantier pourrait permettre à l'Institut français de récupérer, à terme, quelques moyens qui ne seront pas considérables mais restent toujours bons à prendre. Toutefois, nous n'en sommes qu'à une phase d'étude et d'investissement : selon nos calculs, les retours sur investissement ne devraient pas intervenir avant 2019.

La troisième source de financement annexe est le mécénat, dont j'ai déjà parlé. Le programme des saisons capte une très grande partie des libéralités que nous obtenons dans ce cadre : 3,5 millions d'euros pour l'année France-Corée, un peu moins pour France-Colombie, sans parler de l'opération « Louvre à Abu Dhabi » ni de la Foire de Francfort. Les entreprises, vous le savez mieux que moi, sont souvent très sollicitées dans le cadre des années, mais aussi par bien d'autres établissements culturels, de sorte que le marché est relativement étroit et qu'il est difficile de s'assurer des financements stables et renouvelables au-delà d'un projet particulier. Les entreprises nous le disent, elles sont fréquemment sur-sollicitées, ce qui ne nous laisse pas beaucoup de marge de manoeuvre pour l'avenir. Les quelques appuis que nous obtenons pour des projets ciblés qui ne sont pas liés aux saisons sont eux aussi limités.

Nous pouvons toutefois nous prévaloir de belles réussites, par exemple la Villa Kujoyama au Japon, un programme de résidence qui bénéficie du soutien de deux mécènes très engagés dans le projet. Cette année, je présidais le jury de sélection des artistes qui seront admis à y passer trois à six mois ; sur 320 candidats, soit deux fois plus que l'an dernier, nous avons pu sélectionner 14 lauréats d'excellent niveau. Nous voudrions également valoriser ce programme en montrant au public français la production qui en résulte, en association avec la Villa Médicis et la Casa Velázquez, qui, elles, relèvent toutes deux du ministère de la culture.

Il existe encore d'autres pistes que je suis en train d'explorer, dont les offsets et les plateformes de financement participatif – ou crowdfunding. J'ai également suggéré la création d'un club des amis de l'Institut français, qui permettrait de regrouper un nombre limité d'entreprises importantes susceptibles de nous aider à l'avenir.

Monsieur le président, vous avez dit que nos ressources propres représentaient 6 % de notre budget en 2015 ; cette année, elles seront plus élevées, et nous devrons continuer de travailler en ce sens.

Au total, nous restons toutefois très dépendants des subventions que nous obtenons de l'État, principalement de celle du ministère des affaires étrangères, qui est en baisse constante depuis cinq ans. Au cours de cette période, nous avons perdu 21,5 % de notre budget ; or, compte tenu de la structure du bilan de l'Institut, cette réduction n'a pu jouer sur le loyer ni sur les équipes, mais a essentiellement entamé nos crédits d'intervention, qui ont diminué de 34 %. Une telle baisse oblige à opérer des choix, dans les nomenclatures d'intervention, dans les projets à soutenir ; et, si la tendance se poursuit, il nous faudra en faire davantage.

Prenons l'exemple du cinéma. Nous avons un programme – l'Aide aux cinémas du monde, en partenariat avec le Centre national du cinéma (CNC) – désormais mondialement connu : cette année, douze des films qui en ont bénéficié sont sélectionnés pour le Festival de Cannes, et c'est un film que nous avons financé qui ouvrira la section « Un certain regard ». À ce programme, s'ajoute la Fabrique des cinémas du monde ; tous deux fonctionnent très bien. Or, si les crédits venaient à diminuer encore, ce sont des programmes entiers qu'il nous faudra sacrifier. En effet, ma directrice me le disait récemment, nous sommes vraiment « au taquet » : nous ne pouvons pas réduire davantage nos moyens. Nos effectifs sont au niveau minimal, nous recevons beaucoup de demandes, nous ne parvenons pas à écluser tous les scénarios que nous voudrions lire pour pouvoir les défendre. Si nos moyens baissent, nous devrons sacrifier de grands festivals prescripteurs où la présence française me paraît indispensable pour présenter de jeunes artistes et des entreprises créatives. Ainsi, nous pourrions cesser d'aller à Venise, comme au Salon du livre ou à New York, pour faire des économies.

Je tiens à vous dire, comme je l'ai dit à mes autorités, que nous avons été le deuxième opérateur culturel le plus pénalisé au cours des cinq dernières années. Cette année encore, notre subvention a baissé de 2 %, ce qui représente 700 000 euros. Si la diminution se poursuit, nous aurons du mal à continuer d'accomplir notre mission. Car celle-ci est très vaste, comme vous le montrera le COM qui confirme l'ampleur de notre domaine d'action alors que nos moyens vont diminuant, ce qui me paraît contradictoire. Pourtant – vous l'avez dit, monsieur le président –, l'Institut français est en train de devenir une marque mondiale, que j'entends promouvoir en prenant part à toutes les réunions régionales d'ambassadeurs, où j'appellerai mes collègues à faire de la culture un moyen de conforter notre influence politique et économique. Les entreprises sont tout à fait acquises à cette démarche ; encore faut-il pouvoir la faire valoir devant elles et disposer de moyens qui témoignent concrètement du soutien politique dont l'Institut français bénéficie.

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