Intervention de Bruno Foucher

Réunion du 27 avril 2016 à 9h45
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Bruno Foucher, président exécutif de l'Institut français :

Les questions sont très nombreuses, et je m'en réjouis ; je vais y répondre dans la mesure du possible, n'étant en poste que depuis un peu moins de trois mois, avant de laisser ma directrice générale Anne Tallineau apporter les compléments nécessaires.

Pourquoi n'avons-nous de relations qu'avec les grandes collectivités territoriales ? Précisons d'abord que nos partenariats avec les collectivités concernent l'étranger, où toutes ne se projettent pas. En outre – j'aurai souvent à le répéter –, nos moyens budgétaires sont limités. Or lorsque nous contractons avec une collectivité, nous apportons des moyens : la convention avec Bordeaux représente 50 000 euros, celle avec Rennes 90 000, sachant qu'il peut y en avoir vingt-sept ou vingt-huit et que nous voudrions approcher l'ensemble des régions. Nous ne pouvons donc pas nouer des relations avec toutes. En revanche, nous examinons avec bienveillance chaque demande émanant d'une collectivité désireuse d'établir des liens avec l'Institut.

J'en profite pour préciser que de nombreux artistes ont bénéficié de notre convention avec Bordeaux : je crois que vous avez été mal informée, madame la députée. Nous avons promu un grand nombre de petits projets.

Voilà d'ailleurs pourquoi nous avons entrepris une révision des stratégies qui sous-tendent nos conventions avec les collectivités, afin d'éviter le saupoudrage qui consiste à donner 2 000 euros par-ci, 3 000 euros par là à une petite troupe qui voudrait aller se produire à l'étranger. C'est un choix tout à fait respectable, mais qui ne correspond pas à la méthode que nous voudrions adopter. Je l'ai dit à mes interlocuteurs, et je continuerai : plutôt que de venir compléter des politiques classiques, nous voulons nous porter sur des scènes prescriptrices, favoriser la promotion d'artistes ou de startups numériques dans des lieux où ils pourront rencontrer des acteurs à l'international qui leur permettront de se développer et d'essaimer. C'est ce que nous allons faire avec nos quatre premiers partenaires, avant de dresser le bilan de ces échanges pour savoir si nous allons dans la bonne direction.

La proposition qui a été avancée concernant IFcinéma poserait sûrement un problème de droits.

S'agissant de l'expérience du rattachement du réseau et de ses suites, on ne peut pas dire que je me contente de ce que j'ai trouvé ; simplement, je prends ce que j'ai en main, la situation étant ce qu'elle est. Pour avoir passé dix ans au sein du réseau, où je faisais partie des ambassadeurs qui s'occupent de la culture – j'avais sur place un institut français, des alliances, des SCAC, et j'y consacrais du temps –, je sais néanmoins que tous les problèmes ne peuvent pas être résolus par une centralisation de l'ensemble des moyens en un point unique à Paris. Il faut aussi compter avec la politique des hommes, leur perception. Croyez-moi, un ambassadeur qui fait en sorte de coordonner les moyens dont il dispose – alliances françaises, instituts français, universités dotées d'un département de français – obtient des résultats. Ma stratégie, sachant que je suis obligé de prendre l'appareil tel qu'on me l'a confié, consiste donc notamment, je l'ai dit, à me rendre à toutes les réunions régionales d'ambassadeurs pour rappeler à mes collègues leur rôle de coordinateur et souligner qu'il leur est tout à fait possible de rassembler les alliances françaises – comme d'ailleurs les instituts français –, si nombreuses et disséminées soient-elles, puisqu'elles nous sont liées par des mécanismes de formation et par les moyens que nous leur fournissons. Bref, un ambassadeur actif qui veut mettre en ordre de bataille le réseau présent dans son pays est en mesure de le faire.

J'ai pu le vérifier il y a quinze jours, lorsque j'ai reçu la visite du conseiller de coopération et d'action culturelle (COCAC) de Madrid. L'ambassadeur qui a récemment pris ses fonctions sur place a été spécialiste des questions culturelles dans le passé, et l'on voit très bien la stratégie qu'il met en oeuvre dans toutes les alliances d'Espagne, en montant à l'échelle du pays des événements auxquels les acteurs locaux vont être associés.

En somme, s'il n'est peut-être pas satisfaisant de ne pas disposer d'un mécanisme aussi centralisé que le British Council ou le Goethe-Institut – qui ne bénéficie d'ailleurs pas d'une très grande visibilité à l'étranger –, rien n'est possible sans ceux qui pilotent ou relaient localement la politique culturelle à l'appui des autres politiques. Je ferai avec les moyens du bord – ceux d'aujourd'hui, ceux de demain s'ils changent – et je compte bien consolider la stratégie des différents acteurs en rappelant à l'ambassadeur que c'est à lui de donner l'impulsion, naturellement avec l'entière participation de son COCAC, son collaborateur principal dans ce domaine.

J'en viens à la francophonie. Nous avons un rôle à jouer en la matière mais, cela a été dit, nous ne sommes pas les seuls : le dispositif est effectivement morcelé mais chacun a sa spécialité. L'AEFE suit les 500 lycées homologués ; j'ai toujours entretenu d'excellentes relations avec elle lorsque je faisais partie du réseau. Nous avons naturellement des liens très étroits, et plutôt efficaces, avec l'AUF et avec les départements de français des universités. Lorsque j'étais en Iran, 19 accords avec des départements français étaient en vigueur ; en Tunisie, il y a 13 départements de français qui sont tous liés à l'ambassade de France par des accords de coopération.

Assurément, la tâche est immense. L'avenir de notre influence dépend principalement de ce vecteur. Je l'ai dit dans mon introduction : l'aire francophone est un périmètre d'action privilégié. Mais nous ne disposons pas de moyens suffisants pour faire tout ce que nous voudrions en ce domaine. C'est par la stratégie numérique dont va vous parler Anne Tallineau, en déployant des plateformes à vocation universelle, que nous pourrons toucher un public toujours plus large auquel nous permettrons de parler français ou de l'apprendre selon une méthodologie normée. Cela ne nécessite pas forcément d'importants moyens financiers. Nous continuons de réfléchir à cette question, dont vous pouvez être assurés qu'elle demeure l'une de nos priorités.

Nous promouvons également la francophonie par la diffusion et la traduction du livre. Dans ce domaine, la carte géopolitique évolue à toute vitesse. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, ce sont des pays asiatiques – la Chine, la Corée – qui cherchent le plus à nous acheter des droits, non les pays européens ni l'Amérique du Nord. L'édition américaine est très fermée, depuis très longtemps ; les livres étrangers y représentent à peine 3 %, dont la moitié de livres français.

Le mécénat est, je le répète, une entreprise difficile. Ce n'est pas que les entreprises ne veulent pas accorder de libéralités ; simplement, je l'ai dit, elles sont sur-sollicitées par les établissements culturels. Il suffit de se rendre dans une exposition parisienne pour constater l'implication de dix ou douze sponsors. Lorsque j'étais ambassadeur, je n'ai cessé de demander aux entreprises françaises sur place de participer à telle cérémonie ou à tel événement. Il ne s'agit pas d'entreprises locales, mais des succursales d'entreprises nationales.

Certes elles interviennent à titre gracieux, mais non sans attendre des contreparties. Il ne s'agit pas de subordonner la culture à des intérêts d'entreprise. Simplement, les entreprises ne mettent pas au pot des tickets de 150 000 ou 200 000 euros, parfois bien plus encore, sans demander à bénéficier d'une plus grande visibilité en retour. J'ai assisté à deux comités de mécènes : j'ai pu constater que cette demande était récurrente. Cela ne veut pas dire que les entreprises soient toujours très exigeantes, mais ce ne sont ni des ONG ni des bonnes soeurs : elles ont un business plan et doivent rendre compte de ce qu'elles font en matière de mécénat.

Il n'en va pas de même des fondations, que nous sollicitons beaucoup. En Afrique, nous voudrions approcher la Fondation Orange. Nous faisons appel à elles pour notre villa artistique au Japon : ce sont deux fondations très actives qui financent l'essentiel du programme.

Mais le mécénat n'est pas une source illimitée de financement. Voilà pourquoi j'ai commencé d'explorer d'autres pistes, dont les offsets, qui pourraient être prometteuses mais à propos desquelles je n'en suis qu'au tout début de ma réflexion.

Un mot, enfin, sur les écoles d'art. Mes équipes, avec qui j'ai abordé le sujet pas plus tard qu'avant-hier, me disent exactement la même chose que vous, madame Doucet. Il serait idéal de pouvoir mettre les écoles d'art françaises en relation avec des partenaires internationaux, car la création se nourrit d'échanges. Malheureusement, nous n'avons pas les moyens financiers de le faire. Cette question pourrait être mise sur la table lorsque nous passerons sous une seconde tutelle, celle du ministère de la culture, en juillet, car je sais qu'elle tient à coeur à la ministre. Nous serons alors en mesure de savoir si nous pourrons développer cette politique en ayant les moyens de la nourrir.

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