Intervention de Anne Tallineau

Réunion du 27 avril 2016 à 9h45
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Anne Tallineau, directrice générale déléguée de l'Institut français :

En ce qui concerne les collectivités territoriales, nous avons signé en 2015 une nouvelle convention avec la région Corse. Nous cherchons toujours à établir de nouveaux partenariats. La réforme territoriale qui vient d'avoir lieu soulève quelques questions, dont nous discutons beaucoup avec les régions, et parfois avec les communautés urbaines ou les villes. Naturellement, nous sommes soumis à une contrainte financière qu'a très bien rappelée Bruno Foucher, mais c'est également le cas des collectivités elles-mêmes. Voilà pourquoi il nous serait très difficile de développer des partenariats avec de plus petites entités, qui ne pourraient mobiliser les ressources nécessaires.

Cela dit, l'action que nous menons sous l'impulsion de Bruno Foucher dans le but de revivifier nos relations avec l'ensemble des collectivités dépasse le seul cadre de ces conventions. Ainsi, à Lyon, où nous nous rendrons la semaine prochaine, nous sommes partenaires du festival Nuits sonores, à l'occasion duquel nous faisons venir 50 professionnels du monde entier afin qu'ils repèrent ce que la scène française a de meilleur à offrir en musique et en création numérique. Nous les ferons également participer à European Lab. Ces actions très diverses sont loin de toutes relever de la convention. Ce festival est reconnu à l'échelle internationale, il peut être exporté. C'est ce type d'actions, de lieux, d'événements, d'acteurs que nous voulons englober dans notre démarche vis-à-vis des collectivités.

S'agissant de l'expérimentation, la décision de ne pas rattacher le réseau culturel à l'Institut français s'explique aussi par le coût qu'aurait représenté le rattachement, soit quelque 70 millions d'euros sur trois ans. Cet élément a pesé lourd dans le contexte de restrictions budgétaires extrêmes que nous connaissons.

Comment nous, Institut français, pouvons-nous résoudre le problème aujourd'hui ? La création même de l'Institut est un début de réponse : depuis qu'il existe, l'établissement s'est considérablement rapproché du réseau des instituts français comme de celui des alliances françaises. Nos actions sont beaucoup plus coordonnées que ne l'étaient celles de Culturesfrance. La stratégie géographique que le président a développée devant vous, les contrats-cadres que nous allons passer avec les territoires dont le potentiel est à nos yeux le plus élevé et avec le réseau culturel sur place ne peuvent que favoriser cette coordination. Quant aux alliances françaises, nous sommes en train de renouveler notre convention avec elles ; elles siègent à notre conseil d'administration, nous siégeons au leur, et nous veillons quotidiennement à leur répondre au mieux et à nous coordonner avec elles autant que possible. Pour nous, la multiplicité des acteurs est aussi une richesse : notre pays a la grande chance de disposer de deux réseaux d'influence dans le monde, dont l'Institut français est la tête de pont et l'agence centrale. On nous envie beaucoup ce système.

Quant à ce que pourrait être la grande agence à laquelle Olivier Poivre d'Arvor avait fait allusion lors de son audition, n'oublions pas que le British Council équivaut à la fois à CampusFrance, à l'Institut français et à Erasmus + : son champ d'action est loin de se réduire à la culture. Il ne m'appartient pas de porter ici un jugement à ce sujet. Mais ne dévalorisons pas la richesse que représente notre réseau, les hommes et les femmes qui le composent – dont l'ambassadeur, qui joue dans son animation un rôle déterminant, ainsi que le président l'a parfaitement expliqué. Le ministère des affaires étrangères s'est d'ailleurs récemment emparé résolument de ce dossier en créant un comité des opérateurs et en s'efforçant d'articuler la stratégie de chacun d'entre eux. Il nous appartient de travailler au plus près d'eux et de les nourrir au mieux.

En ce qui concerne le manque de visibilité et l'éparpillement supposés de nos actions, j'aimerais prendre l'exemple de la Nuit des idées, née du module de la Nuit de la philosophie. Il y en aura cette année une quinzaine dans le monde, un chiffre à peu près équivalent à celui de l'année dernière. La Nuit de la philosophie a attiré 15 000 personnes au Maroc, entre Rabat et Casablanca – des files d'attente, des jeunes que l'on n'a jamais vus là auparavant –, 10 000 personnes en Argentine, 10 000 encore à New York, qui font la queue jusqu'à trois heures du matin devant les locaux de l'Institut français. Voilà qui permet de mesurer l'effet de notre action.

Quant à l'avenir de cette manifestation, ainsi que Bruno Foucher l'a annoncé, il y aura une nouvelle Nuit des idées en 2017, qui se caractérisera sans doute par l'organisation d'événements simultanés dans le monde entier, à date fixe. Nous y travaillons, car c'est l'une des marques de fabrique de la France : nous sommes attachés à la libre circulation des idées, à la liberté d'expression, et nous avons un rôle à jouer en la matière.

J'en viens à la francophonie, qui occupe une place centrale dans vos préoccupations. Il est vrai qu'il existe dans ce domaine une multiplicité d'acteurs. Cette question, d'importance croissante, a longtemps été associée à une image un peu vieux jeu, voire à la Françafrique. Mais le rapport Attali, qui a délibérément choisi de l'aborder du seul point de vue économique, a mis en évidence toutes les potentialités de l'espace francophone. Pour l'Institut français, évidemment, la francophonie ne peut être réduite à cette dimension économique. Sans doute une forte impulsion politique serait-elle nécessaire pour émettre un message qui réunisse l'ensemble des acteurs.

À notre niveau, nous traitons la question de deux manières.

Premièrement, nous collaborons étroitement avec les autres acteurs de la francophonie : l'Organisation internationale de la francophonie (OIF), partenaire de la Fabrique des cinémas du monde à Cannes et de plusieurs autres de nos programmes ; l'AUF, avec laquelle nous menons des programmes doctoraux ; la Fondation Alliance française, car les alliances françaises sont au côté des instituts français les destinataires de nos cours de français en ligne. En outre, nous développons de nouveaux outils que nous mettons à la disposition de tous les acteurs, dont le réseau social « IFProfs », destiné à mettre en relation tous les professeurs de et en français dans le monde, qu'ils travaillent au sein des lycées français de l'AEFE ou en entreprise, et à leur fournir une banque de ressources.

Deuxièmement, nous avons engagé une réflexion sur l'Afrique comme lieu d'action absolument prioritaire. L'Institut français est ici l'héritier d'une longue histoire de coopération incarnée par Culturesfrance et, avant elle, par l'Association française d'action artistique (AFAA). Tel est le sens du programme Afrique et Caraïbes en créations et de la Cinémathèque Afrique. Nous menons ainsi en Afrique une multiplicité d'actions que nous avons décidé d'engager de manière transversale, en installant un « groupe d'action Afrique » de manière permanente au sein de l'Institut. Il s'agit d'assurer une articulation optimale avec les acteurs privés présents sur le continent africain, sur le modèle de ce que nous faisons avec la Fondation Total dans le cadre du programme « Danse l'Afrique danse ! » ; nous réfléchissons actuellement avec d'autres partenaires – on connaît bien les grands partenaires, issus notamment du secteur des télécommunications – à des actions dans le domaine des arts visuels. Bref, nous oeuvrons résolument à la valorisation et à la transversalité de nos actions sur le continent africain.

Toujours en Afrique, nous nous sommes aussi appuyés au cours des dernières années sur le fonds de solidarité prioritaire « 100 000 profs pour l'Afrique », dont nous gérons une petite partie du budget, mais qui arrivera malheureusement à échéance en 2017, ce que nous regrettons beaucoup.

S'agissant des outils numériques, nous enrichissons constamment Culturethèque, notre bibliothèque d'outils pour la lecture, de films, de musique à disposition des médiathèques du réseau. Je ne reviens pas sur IFcinéma. Nous travaillons en ce moment, sous l'impulsion du Quai d'Orsay et dans le cadre de MAEDI 21, à la rénovation de notre stratégie numérique. Comme vous l'avez noté, celle-ci est actuellement plutôt destinée à des utilisateurs professionnels, tout au moins au réseau qui peut ensuite s'en faire l'intermédiaire auprès de son propre public. Nous souhaitons adopter une démarche multi-supports également destinée directement au grand public, dont les premiers relais dans le monde sont le million de personnes qui fréquentent les instituts et les alliances françaises. Nous développons donc un outil numérique inclusif, fondé sur les réseaux sociaux – à ce propos, nous ne sommes pas peu fiers de nos 500 000 amis Facebook –, qui nous permettra d'aller vers les classes moyennes éduquées dans le monde. Il englobera tous nos outils professionnels, dont les outils de suivi des bénéficiaires de nos programmes que nous sommes en train de mettre au point et qui sont indispensables. En effet, dans le cadre des programmes de mobilité qui font partie de notre politique de coopération, nous avons pu repérer des artistes ou des personnalités de la société civile qui, de retour dans leur pays, deviendront pour nous autant de relais d'opinion et d'ambassadeurs.

En résumé, notre stratégie numérique joue à trois niveaux. D'abord, le grand public, à l'intention duquel nous voulons valoriser la vitalité de la culture française en montrant, sans prétention à l'exhaustivité, le meilleur de ce que nous avons à proposer. Ensuite, les bénéficiaires de nos programmes et les professionnels internationaux. Enfin, le réseau et les programmes nationaux français. Il s'agit d'un projet ambitieux que nous espérons pouvoir financer, notamment grâce à nos réserves ; nous sommes en train d'en discuter.

S'agissant des écoles d'art, ce sera l'École de design de Saint-Étienne qui concevra le pavillon français à la Foire du livre de Francfort. Plus généralement, comme l'a indiqué Bruno Foucher, nous réfléchissons beaucoup à la situation des écoles d'art avec le ministère de la culture et de la communication. Nous avons déjà un programme qui fonctionne dans le domaine des arts visuels. Il n'est pas facile de le développer dans des secteurs plus lourds comme les arts vivants. Mais cela fait partie des sujets sur lesquels nous travaillons ensemble, en lien avec les axes stratégiques du ministère de la culture.

Le conseil d'orientation stratégique se réunira avant que notre COM soit transmis au Parlement ; nous espérons que ce sera au mois de juin.

L'engagement des pouvoirs publics en vue de la Foire de Francfort, qui est pour nous un événement de la même ampleur qu'une saison, est très significatif : environ 3 millions d'euros, sur un budget total de quelque 4,8 millions. Nous espérons obtenir un peu plus d'un million d'euros du mécénat et comptons évidemment sur le partenariat, que nous recherchons avec énergie, de tous les acteurs – du secteur de l'édition, que nous veillons à inclure en permanence dans notre démarche, et des industries culturelles en général, car l'image que nous voulons donner de la France lors de cette manifestation est celle de l'innovation et de la créativité.

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