Tout serait plus simple, madame la garde des sceaux, si des circulaires intempestives ne venaient pas jeter le trouble sur nos débats. Comme pour la suppression de la peine de mort ou encore pour l'avortement, ces sujets sont évidemment graves et délicats parce qu'ils touchent à la vie, à l'intime. Un peu de méthode n'aurait pas nui à l'exercice.
Plusieurs réflexions, mes chers collègues, guident ma prise de position.
Premier élément de réflexion : à l'heure où l'homosexualité reste dans de très nombreux pays un délit, parfois encore puni de la peine de mort, nous, la France des droits de l'homme, avons le devoir impérieux de défendre la liberté d'être, cette liberté si longtemps vilipendée sous les coups de boutoir des extrémistes de tous horizons. Nos décisions sur ce texte, ne nous trompons pas, dépasseront nos frontières ; nous sommes regardés, écoutés et attendus comme l'a toujours été la France lorsqu'il s'est agi de faire progresser les droits de l'homme et les libertés.
Militant du parti radical, et de ce fait viscéralement attaché à la laïcité, je rejette évidemment la confusion que certains veulent créer entre le mariage religieux et le mariage civil. Oui, il existe bien deux mariages, l'un d'essence morale et l'autre d'essence civile. Si tel n'était pas le cas, pourquoi le divorce interdit par les grandes religions serait-il autorisé par le code civil ? Le premier se cale sur les prescriptions des religions, le second s'est toujours adapté, depuis Napoléon, aux évolutions de la société. C'est une nouvelle étape d'adaptation qui est devant nous, elle s'inscrit d'ailleurs dans un mouvement mondial, et refuser celui-ci ne ferait que retarder l'échéance !
Le choix offert par ce texte est également celui d'une main tendue, une main ouverte pour répondre et tenter d'apaiser tant et tant de souffrances dissimulées depuis des lustres derrière le sombre rideau de l'homophobie. N'oublions jamais que l'homophobie tue ! Prenons garde, à cet égard, à nos propos, à nos attitudes, à nos postures, à nos provocations. Derrière le théâtre de la vie politique et de ses figures imposées, n'oublions pas dans nos débats qu'il s'agit ici de la vie et de l'avenir d'hommes, de femmes et d'enfants de notre pays. Je le dis à mes amis de l'opposition : les partisans de ce texte ne sont pas des dévoyés inconscients qui ne chercheraient qu'à détruire l'organisation sociale de notre pays. Mais je le dis aussi à la majorité : les opposants à cette loi ne sont pas non plus des homophobes enragés qui seraient sourds aux réalités de la société. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP et sur les bancs du groupe UDI.) Pour redonner de la respectabilité au débat politique, respectons-nous ! Respectons nos différences et prenons garde, oui prenons garde, de ne pas raviver par un mot, une phrase, la haine de l'autre, la chasse aux différences et son cortège de violences si promptes à renaître dans ces périodes de crise et d'angoisse.
Je veux aussi vous parler de ces 50 000 enfants qui vivent dans des familles dites homoparentales. On peut refuser de voir cette réalité, on peut raisonner en pure statistique pour la minimiser. Mais comment, sous prétexte que l'on désapprouverait le choix de vie des parents, refuser à ces 50 000 enfants la protection de la République ? C'est bien ce que nous propose ce texte.
N'oublions pas que les droits des enfants, auxquels nous sommes tous très attachés, passent d'abord et avant tout par les droits des parents. Oui, le mariage offre à ces enfants une vraie protection que nous n'avons pas le droit de leur refuser.
Je partage aussi mon engagement avec le Premier ministre britannique, le conservateur David Cameron, qui a pris des positions très courageuses sur ce sujet. Comme lui, je pense que faire couple, fonder une famille, être protégé par le code civil, c'est un bouclier particulièrement précieux dans une société en crise.
Si l'on est persuadé que le mariage n'est pas un simple contrat, si l'on croit au mariage comme institution, alors pourquoi chercher à tout prix à en limiter la portée et la protection ? Ce texte permettra de donner à l'institution du mariage plus de force et de puissance. C'est ce qu'il faut avoir à l'esprit.
Regardons ce qui s'est passé en dehors de nos frontières, par exemple en Espagne. Sept ans après, la société espagnole, si proche de la nôtre, n'est ni déstructurée ni renversée. Pourquoi en irait-il différemment en France ?