Je vous remercie de m'avoir invitée pour débattre des deux sujets qui relèvent de mes compétences dans ce Gouvernement : les personnes handicapées et les situations d'exclusion.
Je connais l'attachement des députés de cette Commission aux problèmes rencontrés par nos concitoyens confrontés à des difficultés sociales ou liées au handicap. Dans ces deux domaines, la ligne du Gouvernement repose sur trois principes : la non-stigmatisation des publics, la participation directe des personnes à l'élaboration des politiques publiques les concernant, et l'égal accès aux droits. Appliqués au handicap, ils visent à rendre concrète la notion d'accessibilité universelle, que les associations définissent de façon très claire : le droit d'accéder à tout pour tout le monde. Cela implique l'ouverture aux personnes handicapées de la totalité de l'espace public, quel que soit le handicap. Ce principe a été inscrit dans la loi de février 2005 et incite les pouvoirs publics à prendre les mesures nécessaires en vue d'organiser la pleine participation des personnes handicapées à la vie en société.
Ces engagements, comme nos engagements internationaux, ont conduit le Gouvernement à réorienter les politiques publiques dans le domaine du handicap. Je vous présenterai nos actions sur quatre thématiques : l'accessibilité publique du bâti et du numérique, l'école, la réponse aux besoins spécifiques pour certains handicaps, dont l'autisme, et enfin l'emploi.
En matière d'accessibilité du bâti et de l'espace public, nous nous sommes attachés à rendre effective la disposition de la loi de 2015 visant à permettre à toutes les personnes handicapées de pouvoir entrer dans les mairies, les commerces, les lieux de culture, les cabinets médicaux. Alors que les gestionnaires d'établissements recevant du public avaient jusqu'au 1er janvier 2015 pour rendre accessibles leurs locaux, seuls 300 000 établissements, sur le million existant, étaient accessibles à cette échéance. C'est pourquoi le Gouvernement a décidé de simplifier les normes de mise en accessibilité et de créer le dispositif d'« agenda d'accessibilité programmée » ; au 1er mars 2016, on comptait un peu plus de 440 000 établissements dans ce dispositif par lequel ils s'engagent à effectuer des travaux dans des délais resserrés – trois ans maximum dans la majorité des cas. Il reste donc un peu plus de 250 000 établissements qui ne sont pas entrés du tout dans la démarche.
Ce qui s'est passé en matière d'accessibilité du bâti doit nous servir de leçon pour l'avenir, notamment s'agissant du numérique. Le projet de loi qu'Axelle Lemaire défend actuellement devant le Sénat entend faire du secteur public un exemple. Le texte crée à la charge des administrations des obligations d'accessibilité de leurs sites internet. Par ailleurs, la technologie doit être au service de l'accessibilité, et je pense en particulier à la disposition rendant les conversations téléphoniques accessibles aux personnes sourdes et malentendantes via une traduction simultanée et visuelle.
De même, les cartes des personnes handicapées, en papier, sont actuellement fabriquées par les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), ce qui leur prend beaucoup de temps, et il était urgent de rénover le système. Après plusieurs mois de concertation avec les collectivités locales et l'ensemble des acteurs, nous sommes parvenus à une disposition qui sera proposée dans la loi numérique. La fabrication de ces documents sera externalisée auprès de l'Imprimerie nationale, et il s'agira d'une carte unique « mobilité inclusion » au format carte bleue. Ce sera beaucoup plus pratique pour tout le monde.
L'accessibilité universelle signifie aussi que les personnes handicapées ne vivent pas à part. Le temps n'est plus où la seule réponse politique était la création de « centres pour handicapés ». Ceci est particulièrement vrai pour la scolarisation. Les parcours de scolarisation doivent être diversifiés en fonction des besoins de chaque enfant et il nous incombe de garantir les accompagnements nécessaires, que ce soit par les auxiliaires de vie scolaire (AVS), désormais appelés accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH), ou par des professionnels du secteur médico-social.
Nous agissons avec la ministre de l'éducation nationale sur plusieurs plans. Depuis 2006, le nombre d'élèves handicapés scolarisés en milieu ordinaire a plus que doublé ; il s'élève à plus de 260 000 à la rentrée 2015. Plus de 86 000 personnes exercent les missions d'AVS, 58 000 sont en contrat aidé, 22 000 en CDD et, nouveauté, 6 000 en CDI. Ces AVS pourront accéder dès la rentrée 2016 à un diplôme d'État d'« accompagnant éducatif et social » que nous venons de créer.
Dans le cadre du troisième plan autisme, nous avons développé des classes adaptées en maternelle, les « unités d'enseignement en maternelle », qui accueillent chacune sept enfants autistes, avec un accompagnement spécialisé de quasiment un professionnel pour un enfant. Cent unités étaient inscrites au plan ; soixante sont déjà ouvertes et, devant la réussite du dispositif, nous avons finalement décidé d'en ouvrir 110 au total. Le nombre d'enfants et adolescents autistes scolarisés a progressé depuis 2008 de 12 000 à plus de 29 000. Chacun a bien conscience qu'il reste cependant des progrès à faire.
L'accompagnement des enfants et adultes en situation de handicap passe également par le développement de services médico-sociaux et, quand c'est nécessaire, par des places en établissement. La France compte 490 000 places de services et d'établissements, toutes catégories confondues. Il s'en crée environ 4 000 par an et le Gouvernement a souhaité faire de l'autisme une priorité pour ces créations de places. Le plan s'élève à 205 millions d'euros et permettra de créer plus de 3 600 places nouvelles pour les enfants et adultes autistes. Plus de 2 200 ont déjà été ouvertes.
En outre, les professionnels du secteur médico-social sont, depuis la rentrée 2015, amenés à intervenir de plus en plus en dehors des établissements : dans les écoles, à domicile, dans le milieu professionnel…
Les personnes handicapées sont près de 460 000 à être en recherche d'emploi. Leur taux d'emploi progresse de manière constante depuis plusieurs années mais demeure encore trop bas. La moyenne – ce sont des chiffres de 2013 – est de 3,3 % dans le secteur privé et de 4,9 % dans le secteur public, alors que l'obligation est de 6 % pour les entreprises de plus de vingt salariés et le secteur public. Le Gouvernement s'appuie sur la loi de 2005, qui fait de l'accès des travailleurs handicapés à l'emploi en milieu ordinaire un objectif, en invitant les partenaires sociaux à placer cette question au coeur du dialogue social et les entreprises à procéder aux aménagements nécessaires. Quand le dialogue social aboutit à la conclusion d'un accord agréé au titre de l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés, le levier s'avère efficace : les entreprises qui ont de tels accords ont aussi un taux d'emploi de personnes handicapées plus élevé.
Ces accords sont encore rares. Pour lever les obstacles, une table ronde consacrée à la négociation collective sur le handicap a été organisée par la ministre du travail et moi-même au ministère du travail le 4 février. Étaient présents non seulement les partenaires sociaux mais aussi, pour la première fois, les associations représentant les personnes en situation de handicap. La feuille de route du ministère du travail issue de cette table ronde vous a été distribuée. Elle propose des solutions pour équiper les petites entreprises ainsi que pour inciter les entreprises à recourir à la négociation sur le sujet, notamment afin de remédier à une difficulté souvent signalée, à savoir que lorsqu'une entreprise atteint un taux d'emploi de personnes handicapées entre 4 et 6 %, elle dispose de moins d'argent pour adapter des postes.
La politique que nous menons en vue de la participation citoyenne des personnes handicapées s'appuie sur les orientations fixées par le Président de la République lors de la Conférence nationale sur le handicap de décembre 2014. Nous agissons à trois niveaux simultanément. Nous menons des réformes de fond visant à simplifier la vie des gens en modifiant l'organisation de notre système médico-social ainsi que les modalités de financement – une réforme de la tarification est en cours depuis deux ans. Nous prenons ensuite des mesures relatives à des situations spécifiques : j'ai parlé de l'autisme mais il y a aussi le polyhandicap, le vieillissement des personnes handicapées, le handicap psychique… Enfin, un plan d'action vise à garantir une réponse accompagnée pour tous, à la suite du rapport « Zéro sans solution ».
Le Président de la République a souhaité faire de la Conférence nationale du handicap un rendez-vous annuel. Le prochain rendez-vous aura lieu le 19 mai.
La solidarité de la nation envers les personnes en situation de handicap ne relève pas d'un modèle compassionnel ; c'est tout simplement la reconnaissance du principe que notre République est une et indivisible, que nous sommes tous égaux et qu'il convient de garantir la pleine citoyenneté de chacun. Ce sont ces valeurs qui conduisent notre action en vue d'une société toujours plus inclusive.