Avec ce projet, vous ne réglez rien, pas même la question du dialogue social, dont on voit qu’il a parfois chez vous le goût du flash-ball, nuisant au passage à l’image de la police républicaine. Mais, surtout, vous démontrez votre incapacité – c’est le plus attristant et le plus affligeant – à vous inscrire dans la modernité vraie, celle qui veut penser la transition économique, exactement comme on pense la transition écologique. D’ailleurs, les deux sont liées : sortir progressivement d’un productivisme absurde, entrer dans un monde à croissance faible, partager et réduire le temps de travail, et augmenter le temps pour soi – ambition que vous avez répudiée.
Le fordisme et le taylorisme, adossés par ailleurs à l’exploitation intensive et abusive des ressources naturelles – souvent celles des autres, d’ailleurs, loin de l’esprit de coopération qui devrait nous guider –, continuent de parcelliser et d’appauvrir le travail manuel comme le travail intellectuel. Leur application continue de distinguer ceux qui pensent le travail et son organisation de ceux qui le réalisent, ravalés ainsi au rang d’opérateurs.
Jamais, pendant toutes ces semaines, vous n’avez parlé des gens, de leur réalité, de leur vie au travail ; jamais vous n’avez abordé la reconnaissance au travail, celle des qualifications et celle des métiers, ou les nouveaux risques qui nous menacent, comme « l’ubérisation » de l’économie.
Les gens veulent participer et la question du travail – et non la « valeur travail », comme vous dites ! – est une question autant sociale que démocratique.
Je conclus par le plus grave : en vous alignant sur les intérêts du plus fort, vous brisez l’adage de Lacordaire qui déclarait : « Entre le fort et le faible, […] c’est la liberté qui opprime et la loi qui protège. »