Intervention de Bernadette Laclais

Séance en hémicycle du 3 mai 2016 à 21h30
Nouvelles libertés et nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBernadette Laclais :

Alors que nous approchons de la fin de la discussion générale, permettez-moi d’aborder un peu plus précisément des dispositions du texte qui sont peu évoquées alors qu’elles concernent un nombre important de nos concitoyens et des secteurs clés de notre économie, comme l’agriculture, l’alimentaire et le tourisme. Il s’agit évidemment des emplois saisonniers, traités aux articles 39 et suivants.

En tant qu’élue de la montagne et comme un grand nombre de mes collègues issus eux aussi des massifs montagneux, je suis attentive à cette question en raison de l’importance du travail saisonnier dans nos territoires. En dépit du grand nombre d’études existantes, il est difficile d’évaluer l’ampleur de l’emploi saisonnier pour au moins trois raisons. Tout d’abord, le périmètre des secteurs et des activités concernées n’est a priori pas défini. Ensuite, les contrats peuvent être de toutes natures : CDD, CDD saisonnier, intérim et parfois CDI. Les méthodes, enfin, de mesure de cet emploi sont très diverses. On estime néanmoins à près de 667 000 le nombre de projets de recrutement en 2014 qui concernaient des emplois saisonniers, concentrés dans trois secteurs : l’agriculture, l’alimentaire et le tourisme, seize métiers concentrant plus de la moitié des projets de recrutements.

Quelques caractéristiques communes apparaissent, sans définir toutefois un profit type du salarié ou de l’emploi saisonnier. Les salariés sont plutôt jeunes et sont plus souvent des femmes, les emplois sont majoritairement peu qualifiés et rémunérés au niveau du SMIC ou légèrement au-dessus, et enfin les contrats ne sont pas systématiquement à temps plein. Il existe des problématiques spécifiques liées à certains secteurs, comme en zone de montagne, où l’emploi des saisonniers peut connaître des vicissitudes liées aux aléas climatiques, comme nous l’avons vécu cette année en raison d’un enneigement tardif des massifs y compris en haute montagne.

La discontinuité des parcours et la précarité de l’emploi constituent donc une problématique clé du travail saisonnier qui met en lumière les difficultés de formation des salariés et, de façon sous-jacente, la question de leur financement. Toutefois, tous les saisonniers n’ont pas les mêmes profils et les enjeux de sécurisation des parcours doivent être examinés en tenant compte de cette diversité.

À ces caractéristiques souvent associées à l’emploi précaire ou de mauvaise qualité, s’ajoute une fidélisation peu développée des salariés, à l’exception de quelques secteurs et en dépit de la possibilité déjà offerte aux employeurs de recourir à une clause de reconduction de contrat. Je vous remercie, madame la ministre, de nous permettre, dans le prolongement des engagements du Premier ministre lors du conseil national de la montagne qui s’est tenu le 25 septembre à Chamonix, à la fois de débattre de ces questions par le biais des articles qui figurent dans le texte et, je l’espère, de les enrichir.

Nous avons bien compris votre souhait d’encourager la reconduction plus systématique des contrats d’une saison sur l’autre, par l’ouverture de négociations par branches, puis le recours à des ordonnances en cas d’échec des négociations. Nous vous proposons de consolider et de compléter utilement ces dispositions par des propositions relatives à la formation des saisonniers, et aussi à la levée des obstacles, aujourd’hui repérés, à la signature de contrats à durée indéterminée intermittents – CDII – alors même que ces contrats pourraient offrir une plus grande stabilité aux saisonniers et aux pluriactifs, ainsi qu’aux employeurs, dans l’esprit de l’Accord national interprofessionnel. L’ouverture de négociations sur l’indemnisation de la période non travaillée est nécessaire. Il n’est pas toujours nécessaire d’indemniser plus : je rappelle qu’un certain nombre de saisonniers sont déjà indemnisés. Il s’agit de donner plus de sécurité aux parcours.

Il convient enfin d’améliorer les conditions d’emploi et de vie des saisonniers. Comment envisager un achat immobilier, une vie de famille et des projets personnels quand on est soumis à tant d’aléas ? Si ce texte ne peut à lui seul répondre à toutes les attentes en la matière, il donne toutefois l’occasion d’avancer et de préparer le débat pour d’autres textes qui seront soumis, comme le souhaite le Gouvernement, au Parlement.

Il convient par ailleurs de compléter vos propositions en matière de groupement d’employeurs, aujourd’hui jugé trop complexe. Rappelons qu’aujourd’hui le recours à un tel groupement permet de stabiliser le salarié et de lui offrir, le cas échéant, un CDI.

Enfin, permettez-moi de souligner qu’il en va aussi de l’intérêt des employeurs et plus généralement de notre économie. La stabilisation et la fidélisation permettent de recourir à des salariés mieux formés et de sécuriser ainsi l’emploi dans l’intérêt de tous, salariés et employeurs. Des secteurs soumis à une forte concurrence ont évidemment intérêt à une telle stabilité. La situation des saisonniers ne saurait donc laisser quiconque insensible dans cet hémicycle.

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