Intervention de Jean-Frédéric Poisson

Séance en hémicycle du 3 mai 2016 à 21h30
Nouvelles libertés et nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Frédéric Poisson :

Il est un fait historique, madame le ministre, que, dans l’histoire du droit du travail, c’est la gauche qui a, presque systématiquement, accru la sphère conventionnelle et proportionnellement réduit la part de la sphère réglementaire et législative. C’est la raison pour laquelle je ne suis pas totalement surpris des dispositions dont vous nous saisissez aujourd’hui, même si, par ailleurs, on peut considérer à bon droit que la sphère conventionnelle a sensiblement reculé depuis le début de votre travail.

Il m’arrive d’ailleurs de penser de manière songeuse à ce qu’aurait été ce texte si le ministre du travail avait été un homme. Je tiens à saluer du haut de cette tribune le travail que vous avez réalisé et je mesure aussi les avanies que vous avez subies, tout ce que vous avez dû accepter depuis le texte que vous aviez initialement défendu.

Je concentrerai mon propos sur quatre difficultés persistantes du texte. Vous avez, premièrement, l’intention, à l’article 14, de rationaliser l’univers des branches professionnelles. Ayant remis il y a quelques années un rapport sur le sujet à vos prédécesseurs, je ne saurais vous en faire grief ! Cela étant dit, je vous invite à ne pas considérer que le dynamisme et la capacité à négocier d’une branche sont nécessairement liés à sa taille. C’est pourquoi lorsque je prends connaissance, au troisième alinéa de l’article 14, du premier critère pris en compte, je crains la tentation à faire de gros machins sous le prétexte que les gros machins négocieraient mieux que les petits. Ce n’est pas vrai : l’expérience montre qu’il n’existe pas de relation entre la capacité à négocier d’une branche et sa taille, qu’il s’agisse du nombre de ses salariés, de son produit intérieur brut ou du nombre d’adhérents. Ces deux critères sont déconnectés. Au moment où nous devons renforcer la place des branches, qui est stratégique, dans le dialogue social, je me permets d’appeler votre attention sur ce point.

Deuxièmement, je ne comprends pas les orientations du texte en matière de santé au travail. L’article 44 fait peser une grande fragilité sur les salariés : le fait qu’il y aura désormais probablement une forme d’inégalité, ou du moins d’incertitude pour l’ensemble des salariés du pays en matière d’accès à la médecine du travail me paraît être un renoncement, une capitulation en rase campagne.

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