Intervention de Gérard Sebaoun

Séance en hémicycle du 3 mai 2016 à 21h30
Nouvelles libertés et nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGérard Sebaoun :

Nous sommes confrontés à un projet de loi qui aura des conséquences sur la vie de millions de nos concitoyens, un projet de loi qui cache un contenu très politique derrière une rédaction extrêmement technique.

Je sais que les médias – pas seulement les médias, d’ailleurs – pronostiquent un affrontement interne à la majorité, entre des députés souvent qualifiés de réformistes, qui soutiendraient ce texte dans sa logique actuelle, et des frondeurs qualifiés d’archaïques, qui le refuseraient en bloc. À lire le contenu et les noms des signataires d’une grande partie des presque 5 000 amendements, cette ligne de fracture est, à l’évidence, très artificielle.

L’ambition principale de ce projet de loi aurait dû être d’élaborer les premières réponses aux mutations profondes du monde du travail, à l’évolution possible des différents statuts et à ses conséquences sur nos protections sociales, individuelles et collectives. Ce texte ne me semble pas répondre à cette première ambition.

La note récente de France Stratégie sur les nouvelles formes de travail et la protection des actifs doit nous interpeller. Elle émet deux hypothèses à l’horizon de dix ans.

La première hypothèse est la plus probable. À cadre législatif constant, nous ne devrions pas connaître de déformation majeure de la structure de l’emploi. À l’horizon 2027, nous ne devrions pas observer d’explosion des contrats à durée déterminée, ni de l’emploi non salarié. Pour rappel, selon l’enquête « Emploi » 2014 de l’INSEE, notre pays compte, hors secteur public, 74 % de salariés en CDI à temps plein ou partiel et 14 % de non-salariés ; les 12 % restants se partagent entre CDD, intérim, apprentissage et contrats aidés.

La seconde hypothèse est celle d’une éventuelle rupture radicale avec l’organisation actuelle du travail, basée sur le salariat et l’emploi indépendant sous toutes ses formes, y compris les plates-formes.

Avions-nous besoin de ce texte qui, malgré un titre très prometteur, comporte de lourdes modifications législatives qui ont rapidement cristallisé de fortes oppositions ? Je ne le crois pas. Pour illustrer ma position, je ne ferai qu’effleurer trois de ses articles phares. Je commence par l’article 2, ce mastodonte de 719 alinéas dont nous saurons, à la fin de nos débats, s’il inverse ou non la hiérarchie des normes et efface le principe de faveur. Je le crains. Quant à l’article 11, sur les accords dits « offensifs », conclus « en vue de la préservation ou du développement de l’emploi », je proposerai sa suppression. Enfin, l’article 30, sur les licenciements en cas de difficultés économiques, est au coeur de la contestation.

Cette réforme du code du travail nous a également été présentée avec des arguments que je considère comme contestables.

On a d’abord mis en avant la simplification d’un code qui serait devenu indigeste, illisible pour la plupart des entrepreneurs, notamment pour les TPE et les PME. Après tout, cela peut s’entendre, cela peut se discuter. Mais là n’est pas le sujet principal, sauf si l’on veut faire un effet de plateau. On pourrait dire la même chose de bien d’autres codes, tout aussi volumineux et impénétrables.

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