Le positionnement relatif de la France et de l'Europe dans un monde où la croissance des autres pays sera bien supérieure, et où les écarts pourront se creuser, représente un vrai sujet de préoccupation.
En 2011, l'ensemble des activités de marché de la Société Générale représentait 4 sur les 25 milliards d'euros de revenus, soit quelque 15 %. Nous sommes d'abord une banque de détail, en France et à l'étranger, qui finance l'automobile et fait de la banque privée. Contrairement aux prêts qui restent stables dans les bilans, le volume des activités de marché varie par nature. Ces activités se décomposent en deux grandes catégories : celles portant sur les actions et leurs dérivés, et celles qu'on appelle fixed income, currencies and commodities – FICC – qui représentent des activités de taux, de change, de crédit et de financement de matières premières. La palette est vaste puisqu'on peut aider les entreprises, dans le domaine obligataire, sur l'investment grade ou sur le segment high yield ; en euros, en livres sterling ou en dollars ; en Chine ou en Russie. Nous essayons également d'être des acteurs significatifs dans le domaine du change, ou des produits de taux qui permettent aux entreprises de basculer, par exemple, sur du taux fixe ou sur des taux courts. Nous travaillons avec une multitude de clients à travers le monde, et essayons de nous adapter à chacun. Nous sommes également des acteurs importants du financement de l'énergie, ainsi que du commerce international, et lorsque nous voulons nous prémunir contre certains risques, nous pouvons être amenés à nous couvrir. Si elles ne représentent que 15 % du total, les activités de marché sont donc extraordinairement diversifiées, et comme toute entreprise, nous cherchons à développer les domaines où nous pouvons être meilleurs que les autres.
Il est difficile pour nous d'évaluer la part de nos activités susceptibles d'être filialisées ; c'est le régulateur qui décortiquera notre bilan pour faire la part des activités clientèle. Sans préjuger ses décisions, nous estimons que, si en 2006-2007, 15 % des activités relevaient des activités de marché, parmi lesquelles 15 % à 20 % pouvaient être classées comme déconnectées de la clientèle, et par conséquent transférées à une filiale, cette proportion est désormais inférieure à 10 %, se situant autour de 3,5 % à 5 % en moyenne. Moins de 10 % des 15 % du total que représentent les activités de marché pourraient donc être filialisés. Ce pourcentage a baissé parce que nous vivons, depuis cinq ans, une crise financière grave sur les marchés, des changements réglementaires sur le capital et la liquidité, et que, à la suite d'une accélération de calendrier, nous devrons nous conformer aux accords de Bâle III en 2013 et non en 2019, ce qui nous oblige à concentrer nos ressources rares de capital et de liquidité sur nos activités de clientèle. Les bilans et les modèles des banques françaises ont donc profondément changé depuis 2007, et on ne peut que s'en féliciter. D'ailleurs, c'est aussi grâce à ce changement que nous avons traversé la crise avec un relatif succès.
Il faut voir cette loi avant tout comme préventive. D'une part, il sera très difficile, pour une filiale séparée et sans garantie, de financer les activités de marché car elle se procurera des liquidités à des coûts élevés. D'autre part, son isolement incitera naturellement nos actionnaires à nous dissuader d'en faire plus. Cette loi cristallise donc un changement – bienvenu – de modèle. Si elle nous gêne, c'est qu'elle précède la législation européenne, nous obligeant à ajouter le projet de filialisation à notre agenda déjà bien rempli par ces temps économiques difficiles. Mais, en consacrant une orientation sans pénaliser le coeur de nos activités clientèle, elle sauve l'essentiel. C'est en cela qu'elle peut satisfaire l'objectif que nous partageons : rassurer les clients. Nous n'avons aucune envie d'exposer au risque le contribuable ou l'État français ; le texte nous en dissuade d'ailleurs, prévoyant qu'en pareille situation, le régulateur prendrait le contrôle, ce qui n'est pas dans notre intérêt. Nous échenillerons les activités de marché avec le régulateur ; mais nous estimons d'ores et déjà, au vu des évolutions, que les activités déconnectées de la clientèle ne représentent qu'une part relativement modérée, et qui ne devrait pas croître à l'avenir.
Enfin, s'agissant de la nature de la spéculation, n'importe quel commerçant spécule au sens où, s'il achète tel ou tel produit, c'est qu'il pense qu'il le vendra. Il anticipe en permanence la demande à venir d'un produit, et s'il pense qu'il se vendra plus cher demain, il constitue un stock aujourd'hui. Nous sommes tous de grands acteurs de la dette française, et il est important que nous le restions dans les années à venir ; le jour où la France se retrouvera sous pression, si les banques françaises n'ont plus un centime de titres d'État dans leur bilan, qui ira expliquer aux investisseurs qu'il est intéressant d'en acheter ? Constituer un stock, c'est par nature anticiper l'avenir ; et c'est sur le volume que se fait ensuite la différence, car si l'on constitue des stocks excessifs, on s'expose à des risques de fluctuation de trop grande ampleur. Des outils complexes, du type value at risk et stress test, nous permettent cependant de mesurer le risque et de limiter la quantité de stock.