Je ne suis sans doute pas compétent, mais je m'efforcerai de ne pas être péremptoire. Je ne suis pas banquier, mais je suis client et je m'exprime en tant que représentant des citoyens. Or, à mes yeux, ce projet de loi n'est pas interne à la profession bancaire : il vise d'abord, en mobilisant les dépôts, à mieux financer l'économie réelle.
Je vous félicite, Messieurs : vous avez fait campagne avec une grande efficacité. Le 6 mai, j'ai cru que l'on allait véritablement séparer les banques commerciales des banques de marché ; c'était compter sans votre force de conviction. Pourtant, cette séparation est fondée, pour des raisons historiques mais aussi politiques. Pierre-Alain Muet l'a rappelé, il n'y a eu aucune crise aux États-Unis à l'époque du Glass-Steagall Act, dont M. Clinton lui-même reconnaît que l'abrogation a été l'une de ses plus grandes erreurs. Il n'y en a pas eu non plus avant la fusion des deux métiers de la banque en France, avant le rachat d'Indosuez et la fusion BNP-Paribas. Volcker, Vickers, Liikanen : tous veulent mettre fin à cette confusion. Pourquoi ? Parce que la folie s'est emparée des marchés financiers. La valeur notionnelle des produits dérivés a littéralement explosé. Et, si les dépôts et les crédits des citoyens doivent bénéficier de la garantie publique, pourquoi serait-ce le cas des activités spéculatives et de marché ? Il n'y a à cela aucune raison. Il y va d'un choix de société.
Messieurs les banquiers, vous auriez pu au moins faire semblant d'être gênés. L'option retenue est un coup d'épée – ou de ciseaux – dans l'eau. Il suffit de lire la une des journaux spécialisés pour comprendre que ce projet de loi est minimal, voire inutile. Manifestement, son titre est un abus de langage : il ne s'agit pas d'une séparation en bonne et due forme puisque la banque commerciale et la banque de marché continueront de coucher dans le même lit. La portée de la filialisation annoncée est minime : vous l'avez confirmé, seuls 0,5 à 2 % de l'actif seront concernés – à la Société générale, 5 % des 15 % d'activités de marché, soit 0,75 %. Peut-on envisager de créer une holding pour séparer véritablement des autres les actifs cantonnés ?
L'argument selon lequel la banque universelle serait plus résistante est contredit par les faits. Sans le soutien apporté par l'État en 2008, la folie spéculative aurait pu provoquer un cataclysme. En outre, 80 % des pertes enregistrées par les banques européennes entre 2008 et 2011 concernaient des banques universelles, au premier rang desquelles Fortis.
S'agissant du bilan des banques, rien n'est dit des activités logées dans les filiales implantées dans les paradis fiscaux. J'interrogerai M. Moscovici sur ce point.
On invoque aussi la compétitivité. Or l'Allemagne, que l'on nous cite souvent en exemple à ce sujet, ne compte pas quatre mastodontes, mais, outre la Deutsche Bank, deux banques moyennes et une multitude de banques de dépôt et de crédit qui financent avec talent l'économie réelle en soutenant le consommateur et les entreprises, notamment les petites et moyennes entreprises et les entreprises de taille intermédiaire.
Enfin, Monsieur Oudéa, la première banque détentrice de dette souveraine française n'est-elle pas Morgan Stanley ? Il n'est donc pas question ici de patriotisme économique. En outre, les banques n'ont pas vocation à détenir durablement de la dette, mais servent d'intermédiaire pour la transférer vers des fonds de pension et des hedge funds.